le monstre sous mon lit

Et tu t'en lèches les babines, Maria, car tu as déjà sur le bout de la langue le goût de ta récompense.

Good boy, c'est ce qu'on t'a dit - avant que tu ne desserres la mâchoire, que l'on glisse le chewing-gum, déjà mâché, entre tes crocs. Tu l'as accepté, sans état d'âme.

Ils auraient pu y laisser un doigt, tu l'aurais croqué aussi.

Good boy, such a good boy. On a caressé tes cheveux comme on brosse la carne d'un chien errant - avec félicité et répugnance. En plissant les yeux, ils ont l'impression de pouvoir deviner la forme domestique passée de l'animal. Le poil lustre, le museau humide. L’œil rond et fidèle.

Ils regrettent un peu, à la place d'un autre, le gâchis fait d'une si belle bête.

Car qui douterait un jour que tu sois née pour être tenue en laisse ?

Quand tes opinions te mènent toutes dans les jupes des autres, que tu gobes tout, victime de la naïveté de ta faim. Quand tu reconnais l'autre comme un maître à servir, que tu fais le beau.

Et pour un cri de ta belle, tu peux jouer au héros.

Tu es arrivée vite, mais sans impatience. Peut-être parce que le héros arrive toujours en dernier, peut-être parce que ton poids alourdit ta paresse. Tu compenseras - après. C'est ce que tu t'es dit en traversant le couloir, c'est ce que tu as fait.

Tu es arrivée sans impatience, tu t'es jetée sur lui en mimant l'engeance. Débile, tout à coup, conforme à la description, au mode d'emploi de l'emballage. Le cri ridicule que tu as poussé pour marquer une rage qui n'est qu'apparente, la bavure avec laquelle tu as frappé du pied son flanc, alors qu'il était déjà à terre. Déséquilibrée, comme si. Pour lui donner un semblant de répit, pour cacher l'effroyable facilité de ton exécution. Il faut prétendre être maladroit, quelques fois, pour passer pour un valet.

Car même le plus féroce des chiens trépigne d'excitation pour son maître, et c'est cette soumission qui le rassure sur la direction que prend sa haine quand il agite l'appât devant lui.

Alors tu secoues la queue, tu le soulèves d'une main, le doigt enroulé autour d'un anneau qu'il a à l'oreille gauche. Tu meurs d'envie de l'arracher avec la langue, mais ta cruauté ne doit pas faire d'ombre aux caprices du cœur auquel tu présentes ta victime brutalisée. Pour la courtiser, semble-t-il.

Que fais-je de ça, ma reine, maintenant que tout est dit et fait ?

Que j'ai accompli le rituel sur ton autel, que le sacrifice est là et qu'il ne respire plus - qu'avec difficulté ?

Ton ordre, j'attends. Les yeux inquiets sur ta silhouette dépareillée. Bouts de tissu, bouts de peau. En silence tu attises ton appétit, même si tu viens d'être nourrie.

Après le sang, et il saigne, tu t'es arrangée pour - après le sang, vient le son de ta récompense. Oreilles hautes, tu attends le soupir qui fera trembler ce boudoir dont tu as dérangé l'ordre.

Good boy, really, what a good boy you are.