Cosmos est descendue quelques arrêts trop tôt, inattentive plongée dans ses pensées elle a vu au travers des vitres le paysage filer, trouble vu la vitesse elle a redouté
d'avoir loupé le coche
et à peine les portières ouvertes, la vapeur de la locomotive même pas dissipée encore elle a posé un pied sur les quais
aussitôt fait
la rame se referme sur les pas effectués, c'est dévoré
emporté dans les entrailles de wagon
et les trains filent, comme des voleurs
c'est toujours comme ça que l'enfance fait ses départs en vacances
(définitives).
frapper des trains ce serait idiot
complètement con, va finir écrabouillé sous les rails, en charpie tes jambes t'ira nulle part
et titubante elle cogne ailleurs.
cogne, cogne encore
Xanadu observe le petit corps de chair et d'os qui se heurte au métallique, ces matériaux là sont pas fait pour se battre et pourtant elle s'acharne, carcasse macabre qui se jette contre la première surface qu'on croise pour se sentir vivre un peu plus fort.
clairement c'est d'sa faute, défonce-la, elle mérite. t'façon, qu'est-ce que tu veux taper d'autre.
ça te va Cosmos, forcément que ça te va
t'as pas le choix - oh enfin, tu sembles l'avoir, tu crois,
suffit que tu lèves la tête et tu verras toutes les poubelles qu'il te reste à exploser, y en a toute une rangée au garde à vous, sur les allées bordant la fontaine elles forment sagement une file d'attente au bureau de tes plaintes,
prêtes à en prendre plein la gueule.
tu dis
à ton tour,
et Xan expire des souffles brûlants de colère - toujours - capables de se condenser en vapeur furieuse, pourtant
l'expression du visage reste glaciale.
j'ai déjà mis un coup d'pied, Cosmos.
mais vas-y je t'en prie, c'est tout à toi. même si Xanadu aussi a mille réclamations à faire, à cracher à la face du monde même, le premier venu pourrait prendre cher,
et c'est souvent qu'on fait payer les dettes amères.
sauf qu'elles sont lourdes les charges,
à long terme les créances étalées à vie, les intérêts foutent le vertige.
Xan lui il fuit les huissiers,
passe d'un aller à l'autre sans retour
ici c'est rien qu'une station dans laquelle on traîne avant de repartir.
les souffles c'est des soupirs blasés.
il va comment ton pied, Cosmos ?
ça commence à faire mal, pas vrai ?
et c'est pas pour se moquer,
il en a cassé, des trucs
mais c'est comme pour demander comment tu comptes t'y prendre quand même ramper tu pourras plus.
mais si tu tiens vraiment à chercher du sens là-dedans,
fais-toi moins mal (à toi)
pourquoi tu cognes pas sur quelqu'un plutôt ?
ce sera moins douloureux que l'aluminium.
quitte à gaspiller tes forces, choisis dans les passants et frappe,
frappe,
frappe comme Xanadu a pu faire et fait encore car on vit à crédit, c'est ça de creuser dans le peu qui nous reste histoire d'aller mieux et vite
ça fonctionne, tu verras,
tu verras qu'une fois les phalanges écorchées sur les dents de l'autre
on se dit qu'on aurait mieux fait
de marcher - même si c'est seul - sur les voies.