deux semaines que tu avais remis les pieds dans l'académie. deux semaines que tu te demandais pourquoi tu avais bien voulu endosser ce rôle. trois fois que tu devais faire face aussi aux tentatives de fuites d'une de tes élèves qui finissait toujours dans le même état et qui ne semblait jamais comprendre, que tout ça était vain, qu'elle se blessait pour rien.

et aujourd'hui n'était pas différent. aujourd'hui tu la voyais encore une fois mettre une échelle bancale en place avec le vain espoir de traverser la barrière. un soupir alors que tu t'approches sans aucune discrétion, tu avais bien l'intention qu'elle te repères. ce qu'elle fait avant de te crier de rentrer chez toi. sourcil levé, tu te tiens droit, les mains dans le dos alors que tes deux yeux ne cessaient de fixer la demoiselle qui continuait de grimper.  « vous allez encore vous faire mal. » en disant cela tu te rapprochais avec une cadence bien plus rapide de l'échelle, la demoiselle n'ayant pas chômée quand à son ascension. et elle ne semble même pas hésiter quand au champ de force. tu la vois chuter et tu ne fais que tendre tes bras pour rattraper sans aucune difficulté la demoiselle d'une dizaine d'années. « vous êtes consciente que cette barrière ne se lèvera pas par pitié pour vous peu importe le nombre de fois où vous tentez de partir, n'est-ce pas ? »  cela sonnait comme une évidence que tu déposais ici, qu'elle connaissait, que tu connaissais. en disant cela tu espérais en un sens qu'elle comprendrait un peu plus vite que toi à l'époque. tu n'avais pas l'intention de la blâmer mais c'était ce que tu faisais malgré tout, au final. « économisez plutôt vos forces pour vous rendre la vie ici meilleure, ça sera un service rendu à tout le monde. » 

bien évidemment, qu'elle s'était fait mal, n'importe qui aurait mal après ça, toi y compris. un sourcil se lève, interrogateur, à son âge penser déjà ainsi n'était pas vraiment commun. ou peut-être ne se rendait-elle pas compte du poids réel de cet acte. silencieux, tu la regardes quelques instants, inspirant profondément avant de finalement tenter une prise de parole. « je doute que cela soit aussi sim- » coupé par son "insulte" et son assaut sur tes côtes tu la laisses tomber lourdement au sol sans rien rajouter. ton regard étant simplement posé sur cette enfant qui te faisait travailler ta patience à peine avais-tu commencé à prendre tes fonctions.

« si personne ne voulait vous en empêcher je ne serai pas là, vous savez. vous n'avez rien à y gagner à faire ça, la seule lumière blanche que vous verrez sera celle de l'infirmerie et ils ne font pas de carte de fidélité. » ton regard ne bougeait pas d'un cran, ton visage restait terriblement neutre et ton dos était droit. l'on pourrait presque croire que tu ne te sentais pas concerné par la demoiselle et que tout cela t'importait peu, c'était faux, tu avais juste une étrange manière de vouloir la décourager. « peu importe vos efforts, vous ne sortirez pas d'ici avant la fin de vos études, eulalie. » piqûre de réalité, tu ressassais dans son esprit l'évidence qu'elle essayait de fuir. « après cela, vous serez en parfait contrôle de votre alice, vous pourrez faire ce que vous désirez et aller ou vous le souhaitez.» cela sonnait un peu comme un mensonge à tes oreilles. car toi aussi tu voulais fuir l'académie, avant. et pourtant, tu y étais revenu. pourtant, tu étais là, en face de la demoiselle à tenter de la décourager en lui faisant naitre de ridicules espoirs lointains.  « et ce n'est pas en essayant de briser les côtes de votre professeur que vous y arriverez. »  

tu avais l'intention de renclencher à la suite de ses paroles, la bouche entre-ouverte, prêt à enchaîner pour calmer les dires de la demoiselle blessée par son propre alice, tu ne laissera aucun son sortir de ta bouche finalement. ton regard se baisse un peu alors qu'elle semble appuyer sur un point sensible. pourquoi étais-tu là, de ton plein gré ? si seulement tu savais. tu n'en avais pas envie alors lui dire que tu étais là parce que tu le voulais bien était un mensonge, tu t'étais senti presque obligé de revenir, comme si tu étais parti en laissant une trop grande partie de toi ici, une partie que tu voulais récupérer alors qu'au final, utilisant le fait que tu voulais remettre ces gamins dans le droit chemin pour te donner bonne conscience. « vous avez raison je ne vaux pas mieux. » juste une simple affirmation. te braquer ne servait à rien et pourtant, tu ne voulais plus vraiment utiliser de mots doux. ton timbre de voix était devenu plus ferme. « mais j'ai appris à faire ce que je voulais de mon alice. » tu te redresses un peu, ton regard fixant le sien avec insistance.

« vous ne savez pas vous contrôler et c'est ce qui à causé tout ce que vous venez d'énumérer. grandissez en vous braquant ainsi contre votre capacité et les choses ne feront qu'empirer. la surdité de ce garçon et l'état de la maison d'un autre seront alors ridicules à côté. » tes mots étaient fermes, peut-être un peu trop durs pour une demoiselle de son âge. mais tu n'étais pas encore suffisamment expérimenté pour le comprendre sur le moment. tu avais envie de poursuivre mais finalement tu ne fis rien, t'acharner ne servirait à rien et ne ferait que provoquer l'inverse et elle finirait par te détester, jetant au loin tout tes espoirs de pouvoir un jour l'aider.  

Le regard de la demoiselle avait changé et tu l'avais remarqué, tu te montrais tout autant soulagé, si ça n'était plus. La crise était passée et tu avais, en quelque sorte, désamorcé la bombe. Et sa question sur ton Alice, tu la voyais un peu comme une bénédiction. Tu savais que, en fonction de ta réponse, tu allais pouvoir gagner un peu plus sa confiance, calmer un peu toute la fougue qu'elle avait en elle. « Si je le veux, il peut. Je peux aussi faire en sorte que cela soit celui d'un de vos amis. » C'était pour cela que tu te sentais apte à les aider. Et c'était aussi pour cela que tu comprenais la demoiselle. Son alice était dépendant d'autrui, tout comme le tiens et se comparer aux autres, ne pas comprendre ce que l'on pouvait en tirer de bien était le sentiment le plus horrible. « Je peux copier l'Alice des autres. Comme vous, je suis dépendant des autres. Comme vous, je ne le contrôlais pas et j'étais un danger ambulant. » Aujourd'hui, tu ne pouvais pas affirmer être un virtuose avec pour autant. Mais au moins, tu savais ce que tu faisais, qui tu copiais et quand déclencher ces derniers.

Un sourire bienveillant t'animes alors qu'elle s'avoue définitivement -tu espérais- vaincue. Récupérant d'un bras l'échelle complice de sa tentative d'évasion, tu hésites un moment avant de finalement tendre ta main vers elle avec l'espoir qu'elle l'accepterait. Tu étais bien proche de la demoiselle pour quelqu'un qui avait clamé ne pas vouloir s'attacher aux élèves.  « Rentrons, alors. »