On se dira n'importe quoi et on ira toutes les nuits danser
les yeux nimbés de la veille se perdaient dans la foule - alerte, Gabrielle enchaînait les quelques participants du stand tenu avec Saada et Arielle, et ne se départit pas d'une joie affaiblie par la nuit écourtée. ses tourments puisaient leur source dans tes iris glacées et plutôt que d'afficher les remords, ses lèvres se nouaient en une expression ravie.

elle te voit arriver Ace, de ta grandeur et le prestige affiché, elle se recoiffe automatiquement pour gommer les désordres inexistants de sa stature - mais tu lui avais dit qu'elle était belle, évidemment, alors elle ne savait plus faire autrement.

« bonjour, Ace. Je vais bien. En manque de sommeil peut-être. »

les ailes papillonnent au creux de son ventre, encore, à cause de toi, et puisqu'il y avait eu les mots échangés et un début de confiance apprivoisé, Gabrielle ne transforme par ses palpitations en mots vindicatifs et belliqueux - elle te sourit et éclate même en risée profane

« et toi ? » mais parce que tu lui as donné la tacite permission de s'approcher un peu plus de ton piédestal, elle se penche elle aussi, et vient souffler murmures et secrets dans des sons que vous deux seulement pouviez conquérir « tu as fait de beaux rêves ? »

mais devant toi, Ace, elle ne tient pas longtemps l'image impeccable de la femme inaccessible et insoumise - alors elle fait quelques pas derrière la table du stand, jauge les pièces de monnaie posées et tranche de côté pour ceux nécessaires.

« c'est 5 rabbits la vérité. Fais-moi penser à me plaindre auprès de ceux qui fixent les tarifs, j'ai l'impression de me faire arnaquer. »

et puis elle se rassoit derrière la table, lève les yeux océan vers toi et se rappelle combien elle aime te regarder - et pourtant elle n'avait rien oublié de tout ça; sa voix douce s'élève de temps à autre, mais, depuis hier soir, votre tableau avait pris une autre couleur et elle ne dissimulait plus grand chose à votre vérité.

« qu'est-ce que tu veux savoir ? n'oublie pas, c'est une seule question, sinon tu devras repayer. Tu comprends, nous sommes trois à tenir ce stand. »

Saada et Arielle parties chercher à déjeuner, elle leur avait fait un signe de main amical - et les oeillades ne dupaient personne, mais tant pis.

« ça me fait plaisir que tu sois venu. »

comme promis.

   

   On se dira n'importe quoi et on ira toutes les nuits danser
elle ose un rictus narquois devant ta voix suave et si elle sentait son coeur troublé, il était d'autant plus apaisé par vos échanges de la veille et les sursauts n'avaient plus la même ardeur - ses yeux se posent de seconde à autre sur ton visage, pendant qu'elle trie machinalement les pièces de monnaie derrière le stand : tu le remarques elle n'en doute pas.

« je ne te le fais pas dire, heureusement pour les PSY, il y a d'autres stands très attractifs comme la maison hantée. »

des phrases en l'air qui n'ont pas beaucoup de sens, jusqu'à ce que ta voix tranche la banalité de vos échanges et qu'elle s'arrête un instant, figée sur le mouvement de tes lèvres - ces lèvres qui l'appellent un peu, et ça aussi elle le sait.

« c'est ça ta question ? Méfie-toi, une autre question et tu vas raquer, même si c'est toi. » elle laisse la fin de sa phrase en suspens entre vous - libre à toi de l'interpréter de toutes les manières ; il n'y en avait qu'une seule de bonne, et peut-être pas la plus évidente. « ça m'a tenue en éveil, toute la nuit »

et elle rit doucement, avec la sincérité d'une enfant, et jouer les grandes dames intouchables n'était pas si facile à tenir - mais elle ne mentait pas.
Pourtant tu en voulais plus - et elle n'avait pas besoin de son alice pour le savoir, juste ton regard.

« en toute honnêteté, ça m'a perturbé... c'est pas comme si on était très proches, toi et moi. » et elle savait ce que tu aurais pu lui rétorquer sur l'instant, alors elle décide de te couper l'herbe sous le pied - pour ne pas perdre pied.

« j'veux dire, tu n'es pas le seul avec qui j'ai couché, alors je considère pas ça comme une exception à ma règle. » et si elle était tout à fait honnête, gabrielle elle te dirait que malgré les aventures éphémères et sans attaches, tu étais bien la seule qui lui donnait envie de recommencer, que tu la touches encore et qu'elle t'appartienne entre tes mains, tes bras, pour quelques minutes encore.

« on ne s'entend pas spécialement bien, t'es pas foncièrement sympa ni tendre avec moi, et on peut pas dire non plus que ce soit simple à chaque fois qu'on se parle, avoue-le. »

elle n'avait pas terminé sa tirade - et si elle n'avait pas promis à Blanche, Elior et même Eulalie, peut-être qu'elle n'aurait pas osé.
Mais une promesse est une promesse, alors elle te la formule sans honte aucune, avec toute la franchise de son palpitant, que tu troublais chaque minute un peu plus.

« mais j'ai envie de voir, ce que ça peut donner. Peut-être même que je veux voir si j'arrive à te faire tomber amoureux de moi. » des éclats de rire, mais pas d'elle-même, pas de toi, Ace.
Seulement la fierté de formuler ce désir - qui dépasse celui charnel - que t'avais fait naître en elle, des années plus tôt.

« T'as une autre question ? C'est 5 rabbits, "ch-éri". »

   

   On se dira n'importe quoi et on ira toutes les nuits danser
elle t'écoute et se noie dans tes paroles automatiques et sans substances - pas après ce qui s'était passé entre vous la veille, et la véracité des propos qui n'avaient plus ce même piquant. et elle te sourit, interdite insolente, pour chercher un peu plus la faille à ton image impeccable.

« moi, ce que j'attends ? Mais c'est toi qui est venu chercher des réponses, pas l'inverse. »

et elle avait compris, qu'avec toi, se heurter et s'emporter ne menait à rien en dehors de couches de mensonges empilées les uns sur les autres ; alors patiente, elle attends que tu sois honnête, autant qu'elle, et que tu admettes ce qu'elle ne se défendait plus de te dire.

« j'aime bien quand t'es là. Tu me déstabilises un peu parce que tu as cette vilaine tendance à te voiler la face un peu plus que les autres, mais je trouve ça assez... stimulant en fait. »

un peu de provocation, elle ne te regarde pas, fait mine de trier les quelques pièces posées sur le comptoir par les clients précédents, et en même temps, elle mettait un peu d'ordre dans ses pensées.

« tu me plais, Ace » parce que toi, tu as un prénom, et tant pis si tu te caches derrière son patronyme pour qu'elle ne s'approche pas un peu plus de ton monde « ça n'est un secret pour personne, et plus pour moi. »

elle se coupe toute seule, prend une seconde de réfléxion - et ose planter ses iris dans les tiens, et ce sourire tendre qu'elle n'affichait pas si souvent, pour y découvrir les rougeurs qui lui donnaient bien plus de vérité que tes fantasmes.

« mais même si t'es détestable et que tu me balances des saloperies depuis que tu t'es planté ici, tu es venu. Et c'est ça, que je veux de toi. tout ce que tu ne dis pas Même si tu me réponds que "non, c'est pas parce que tu l'as promis hier soir" »

et elle se penche vers toi, parce que, un peu, elle espérait un pas vers elle - et elle te tend la main, innocente.

« peut-être que Valéry se trompe, c'est vrai. Mais ça n'empêche pas d'essayer. »

parce que même si t'as pas le courage, elle a décidé d'en avoir pour vous deux.

   

   On se dira n'importe quoi et on ira toutes les nuits danser
ta voix tranche cette tension palpable entre vous deux, ses joues s'empourprent, elle ne sait pas vraiment quoi te répondre malgré que ce soit elle qui a commencé sur le terrain engagé - elle baisse un peu le regard devant toi Ace, et rares sont les fois durant lesquelles elle le fait si volontiers.

« je vais au bal avec quelqu'un déjà. »

elle lance un nouvel échange maladroit et pince le nez, peu convaincue que taire le nom de ta cavalière soit la meilleure idée qu'elle a eue jusqu'ici .- un bref regard jeté pour estimer le nombre de clients en attente, l'heure du déjeuner désertant les plus téméraires.

« ça relève plus de la tradition ceci dit. Mais le festival culturel aussi, c'est traditionnel. »

elle s'esclaffe, piaffe un peu de ce mur que tu t'efforçais de construire entre vous, cette même barrière qu'elle se jurait silencieusement de détruire pierre par pierre - morceau par morceau, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de vous deux.

« je te le promets si tu me promets toi aussi quelque chose » et elle vient, audacieuse, contourner la table qui vous séparait et s'approcher de ton corps, ce corps glacé qui la rendait brûlante d'envie - et plus encore « promets-moi que tu viendras au bal. » et plus que de s'y rendre, silencieusement, elle te demandait de venir à elle, ramasser les quelques espoirs qui naissaient au creux de son ventre pour s'échouer entre tes bras, venir pour elle et personne d'autre.

« et encore une chose. Une dernière chose. ses doigts délicats, faits et surfaits viennent agripper ta main, l'enlacer dans un geste tendre et qu'elle voulait discret, à l'abri de tous les regards qui auraient pu troubler cette quiétude tourmentée entre vous deux. promets-moi de me laisser essayer. De me laisser te faire changer d'avis, du mieux que je pourrais. »

elle ne te précisait pas, c'était inutile, que ses intentions n'étaient pas mauvaises ou néfastes - sauf peut-être pour elle. et elle te sourit, encore et toujours, parce que toi, tu lui donnes envie d'offrir milles et un sourires.

elle noue le geste de vos mains en une promesse enfantine, liée par les deux plus petits doigts - finalement, elle te laissait tout le choix, puisqu'elle avait déjà fait le sien.

« tu vois, t'aurais pu tomber sur pire, comme âme soeur. »

et j'arriverai à te faire rire, encore et encore pour y trouver les battements de nos coeurs.