allait-t-on tout jeter pour de vrai ? les lambeaux de qui l'on était dans les bras, il suffit de les ouvrir grand pour abandonner au néant. Merle tu dis qu'on n'est pas obligé - après tout ce n'était pas encore réduit en charpie et pouvait couvrir les épaules convenablement. et Liu debout là, fixe pensif les affaires froissées dans les sacs, comme si s'en draper c'était risquer de s'alourdir à nouveau de mauvais souvenir.
on pourrait les transformer
couper tailler, rendre plus léger -
un soupçon de doute glissées au creux du cœur
qui bat fébrile à l'idée de belles renaissances.
... j'imagine qu'il y a peut-être deux trois trucs qu'on peut recycler, oui...
on n'est pas sûr, Merle, tu sais
Liu pense qu'il n'y a rien à sauver
chez lui.
et tandis que tu listes tout les trésors amenés, Liu s'accroupit pour fouiller dans les vêtements d'avant. regarde à peine ceux qu'il a pu acheter en désirant y disparaître ou bien en pensant qu'il y aurait l'air moins frêle. pioche finalement un t-shirt à manches longues jaunes à fines rayures rouges -
envoyé par sa mère cet hiver
sûrement qu'elle l'imaginait trop grandir
car il l'avait essayé et flottait dedans ;
mais il y avait un soleil brodé au poitrail
et pour les rayons à hauteur du cœur
pourquoi pas.
celui-là... celui-là je le garde.
on coupera les manches courtes, et puis le bas - serrant le tissus entre ses doigts, et tout l'habit contre soi, Liu sourit légèrement.
avant de relever les yeux en te voyant parler du
plus important - Merle la veilleuse n'est même pas allumée encore qu'elle éclaire les prunelles de Liu lorsque tu la tends vers lui. nommée
Grani - et ça se serre derrière ses côtes au moment des présentations.
... tu... elle est pour moi ?
se redresse et hésite avant de tendre la main pour recevoir. mais Merle, et toi ? les ombres et l'obscurité
Liu a l'habitude - et la lumière,
il a tendance à fuir à tout prix.
c'était quand même pour lui.
tu penses à tout ce qu'il faudra concevoir, et le placard, c'est bien beau de vider mais tout reste à faire encore. mais Liu, rien que pour voir, illumine la petite veilleuse. et sans qu'il ne sache trop pourquoi, voir l'objet à l'apparence si candide briller tout à coup rend la vision trouble.
elle est.. elle est trop jolie.
et il a moins peur aujourd'hui, des vagues d'émotions pour pas grand chose - si c'était beaucoup pour lui, alors ça avait le droit de le submerger. le droit de laisser les yeux déborder sans craindre que l'on se moque des larmes
sous prétexte qu'elles suivent les angles
d'une mâchoire garçonne.
et lorsqu'il s'avance pour étreindre Merle sans prévenir, aujourd'hui que les lèvres soient trop roses et les sourires trop offerts -
ça l'effraie moins.
merci, merci-
je l'aime beaucoup, Merle, merci !
serre doucement quelques secondes encore, l'impression que s'enlacer ramène un peu plus à la vie
et puis Liu lâche, le visage détrempé -
tu y as déjà agrafé des risettes, Merle.
avance, viens - enthousiaste, Liu prend ta main pour que tu le suives jusque devant le placard grand ouvert, chantier qui vous attend. voit déjà les choses en grand.
j'ai un ami du club de danse qui m'a trouvé des palettes en bois, je me suis dis, on pourrait les fixer un peu en hauteur, avec des planches dessous pour soutenir. dessous ce sera pour ranger les affaires, et dessus on pourra mettre pleins de coussins, et des couvertures, et tendre des guirlandes et des rideaux. un peu comme une cabane où se mettre à l'abri, tu vois ?
tu as raison Merle, on n'y sera jamais seul -
il y aura la veilleuse, ça fera deux,
et avec toi, quand tu veux,
ça fera trois.