Asmo dort et c'est suffisamment rare à cette heure pour le souligner. Depuis qu'il avait retrouvé le grenier, il faisait des nuits interminables, comme si toutes celles passées en bas - toutes morcelées qu'elles étaient - n'avaient pas compté.

Un vague short ceignant ses hanches, enroulé dans une couverture rêche et inconfortable, Asmo dormait d'un sommeil profond. Le matelas était sur sous son dos, les murs grinçaient et les rires et chuchotements de ses camarades passaient dans tous les sens. Mais finalement, c'est ça qui lui avait manqué. La vie. En bas, tout est silencieux, les gens dorment et on ne les entend pas, presque pas.

Asmo avait un peu angoissé, enfermé entre ces quatre murs, mais son retour chez lui, faisait reposer sur ses épaules un calme qui lui avait manqué et il rattrapait avec grand plaisir les heures de sommeil qui lui manquaient.

Dans son rêve, il y a un troupeau de mammouths qui galopent et font trembler le sol, et une avalanche de rochers contre la porte de sa chambre. Contre la porte de sa chambre ? Asmo se réveille en grognant. Il a reconnu la voix de Milena. Il soupire et va lui ouvrir. Elle entre dans la chambre, tornade excessive comme à son habitude et réclame. Du dentifrice. Encore.

Un sourire affleure les lèvres d'Asmo. Il ne peut s'en empêcher, il ne peut le contenir. Ça lui avait tellement mais tellement manqué. Il croise les bras sur son torse nu et hausse un sourcil.

- Tu peux me demander à moi et c'est ce que tu fais visiblement.

Sa voix est rauque, encore embrumée de sommeil mais pas agressive, pas agacée, juste tendrement soulagée d'être de retour à la maison. Il passe une main dans les mèches encre qui coulent sur ses épaules et les attache rapidement. Il va fouiller dans le tas d'affaires qu'il a entassées dans un coin. Tout est encore brisé de sa colère d'il y a quelques mois. Il tire un tube de dentifrice et le tend à Milena.

- Tiens, après j'en ai plus en rab j'crois. Mais comment tu fais ? T'as perdu les autres ? Me dis pas que tu le manges à la petite cuillère ?

Asmo lui donne le tube et chope un sweat qu'il enfile distraitement, l'air est frais quand on est plus sous la couette. C'est un de ceux de Caprice, un énième qui se balade entre leurs deux chambres. Il est doux et chaud, tout ce dont on a besoin dans ce genre de soirée perturbée.

Milena est ce genre de pile électrique incontrôlable et surtout inarrêtable. Asmo a l'habitude d'observer, de ne pas beaucoup parler. Mais avec elle, c'est pas qu'il ne parle pas, c'est qu'il ne peut pas parler. Les mots coulent si vite qu'on les comprend à peine. On s'y fait avec l'habitude.

C'est comme elle, elle a l'habitude de cette chambre et déjà, s'y sent comme chez elle quand elle s'assoit sur le lit comme si c'était le sien. Asmo ne dit rien, ça ne changerai pas grand chose de toutes manière. Il vient se poser à côté d'elle en roulant une clope qu'il glisse entre ses lèvres.

L'explication du pourquoi du comment de cette intervention lui semble parfaitement logique au vu de l'énergumène qu'est Milena. Il se marre et imagine Felix manger un sandwich au dentifrice.

- Ça serait dommage de te mettre à dos ton dealer de dentifrice, tu crois pas ? Parce que crois-moi que si j'en retrouve dans ma bouffe, tu pourras toujours courir pour en récupérer ici. Et surtout, ma vengeance sera terrible.

Asmo s'est assagi ces dernières années, on oublie trop souvent qu'il a un passif d'enfant, d'adolescent insupportable, insolent et farceur au possible. Il avait forgé ses premières armes avec Anaël et Felix, pas les derniers des innocents.