Fuck.

Ça résonne distinctement dans ta tête alors que tu reconnais, avec horreur, le garçon qui vient de t’accoster.

…

Naïvement, tu t’étais dit qu’une petite balade au parc te ferait le plus grand bien. Un peu d’air frais, le ciel bleu – sans nuages aucun, tu aurais dû te douter à ce moment-là que quelque chose n’allait pas mais non, abel, ingénue
Une heure de marche plus tard, tu vois ce banc qui te semble accueillant, t’assois dessus, observant tout et rien, les enfants autour jouant gaiement –

Et soudain, tu entends ton prénom
« eh abel – »
T’as le cœur qui flanche en quelques secondes à peine.
Noël.
Rien sur ton visage ne trahit la panique qui prend contrôle de tes membres, tu te lèves en un bond du banc
Fais une jolie courbette en guise de bonjour et tu le vois dans son regard – son regard, doux jésus – la posture confiante, encore une fois, il est bien décidé à te courir après ;
Ca se bouscule dans ton crâne, parce que tu veux lui demander pourquoi il s’entête à ce point puis tu te dis qu’il rétorquera sûrement que tu en fais autant, à toujours vouloir le fuir – c’est pas de ta faute si la vue du devray fait chavirer ton cœur, même si à choisir, mourir semble plus facile que de lui avouer.
(concentre-toi abel)

Bonjour Noël.

La voix monocorde, tu recules d’un pas ; tu t’échappes à chaque fois, il n’y a pas de raison que cette fois, tu n’y arrives pas.

Enfin…
Tu crois.

Ca met du temps à monter au cerveau, c'est qu'habituellement tu es déjà partie en bredouillant des excuses plus minables les unes que les autres (« là je peux pas, j'ai aquaplaning » en tête du palmarès) et le timbre de sa voix déclenche en toi beaucoup d'émoi
le genre d'émoi que tu ne contrôles pas et ne comprend pas, tu n'es pas de celle à chavirer facilement hélas, probablement que toute ton affection était  partie vivre dans le cœur de Jade et que depuis peu seulement, tu sais qu'il y a d'autres amours que la fraternité
et c'est tombé sur le Devray.
peut-être que tu pourrais en parler avec Colline, probablement que lui a aimé probablement que lui saurait
t'aider
mais pour l'instant tu es seule face à ton crush, les pieds fermement plantés au sol et le regard égaré.

Ca va et toi ?

Le mécanisme est enclenché on essaye de laisser le cerveau parler, aligner les mots – « ça va bien » niveau un, on reste sur de la simplicité, parfait, on peut ponctuer – mais sûrement que Noël maîtrise mieux le social alors il passe la deuxième vitesse et tu te laisses emporter Abel, ce n'est pas comme si tu savais freiner ;

Je me baladais.

Tu prends ton courage à deux mains et croises son regard peut-être qu'il voulait juste dire bonjour peut-être que tu es prise au piège, quand tes prunelles tombent dans les siennes et que t'y vois la lueur du prédateur
et
merde
tu poses une main sur la poitrine pour retenir ton coeur qui menace d'en sortir ; lui sait reconnaître la défaite, reste plus qu'à transmettre l'information au cerveau.

Tu t'ennuies Noël ? Tu peux faire comme moi et te balader. C'est bien de se balader. Prendre l'air. Respirer.

(comme tu es en train d'oublier)

Je peux t'aider ?

Derrière la monotonie, les sentiments en pleine cacophonie.

tu supposes que tu ne dois pas répondre maintenant c'est f o u ce mécanisme qui flanche plus aucun engrenage qui ne s'emboîte qui es-tu qu'est-ce que tu fais c'est donc ça
d'avoir des sentiments pour quelqu'un trouver son physique charmant bon sang que ça chauffe sur tes joues et ton corps qui ne trahit toujours rien
(incroyable)

Oh, tu veux que je te tienne compagnie.

les sourcils solidement vissés au nez position T les yeux qui ne clignent pas la bouche qui reste close alors que le coeur
dégringole
à tous les étages respire Abel, respire - oxygéner le cerveau qui t'a lâché, le salop tu  ne sais pas comment réagir entre la joie la panique la colère
(pourquoi pas
hein Noël
t'as pas honte,
de lui faire subir ça)
puis tu raisonnes le mieux c'est d'accepter - la politesse jeune fille - et puis à force de courir loin de lui tu ne sais pas grand-chose du Devray, hormis ce que t'as demandé à Colline sans trop compromettre ton crush évident
c'est à dire rien
du coup tu emboîtes le pas à la façon d'un robot, t'arrêtes quand il se retourne pour vérifier que tu suis bien mais oui tu suis Abel, tu ne fais que suivre te laisser balloter mais pour une fois
secrètement
tu l'as souhaité.

alors tu t'approches à son niveau, ni trop loin, ni trop près, et tu l'observes - si tu le vois comme un ennemi ça marche un peu mieux, on ne lâche pas du regard les ennemis tes parents t'ont dit, ça, tu t'en souviens bien
et tu remarques avec effroi que ça ne marche pas du tout, qu'il est trop beau pour ton coeur et que rien n'y fait, le bougre s'emballe de plus belle sans que ton visage ne le trahisse - ton seul fidèle ami quand il s'agit de cacher tes émotions.

Colline m'a un peu parlé de toi.

commençons par là.