désinvolte Nausicaa ne voit pas bien ; éclaboussé de lumière, il ne voit rien. peut-être les flashs qui ont rendu aveugle, cramé la rétine désormais insensible à l'amertume des autres. leur jalousie croupit dans les ombres qu'il rend plus sombres à coup d'sourires. tant que les images plaisent aux milliers et qu'ils reviennent fidèles aimer (sur les réseaux comme en vrai) c'est que le destin suit son court !  car c'est pour ça qu'il est né.

encore aujourd'hui ravi des effusions de cœur (likes !)
sur les photographies postées au grand jour
pour annoncer qu'on fait des feats avec Amour ; Amour faut que tu check ça ! rejoins Nausicaa et vois
comme il fait bon sous les rayons des projecteurs.
braqués sur toi pour l'occasion ils déchaînent les passions et Nausicaa aime lorsqu'on partage la scène car au moment de recevoir des fleurs il peut se réjouir avec toi (d'habitude c'est tout seul). rentrer dans ta chambre sans frapper et puis la porte refermée il chancèle jusqu'à ton lit le nez dans les pixels. c'est qu'il est trop occupé à admirer les statistiques qui grimpent pour regarder devant lui, phone dans les mains il atteint finalement le matelas et se laisse tomber à coté d'Amour coté verso (sur le dos)
comme toi avant que ton portable n'échoue au sol ;
il n'a même pas relevé le détail
pas l'temps
regarde.
lancé l'air de rien tandis qu'il tient l'écran en hauteur au dessus de vous, exhibe serein
le post où l'on apparait ensemble
fait exploser les quotas.

et même si ce sont des chiffres auxquels il est habitué il est euphorique, Nausicaa. il en rit si sincèrement, incapable de tenir en place il passe recto, sur le ventre désormais les coudes plantés sur les draps, les pouces font défiler les commentaires. c'est autant la folie de ton coté ? j'suis sûr tu te fais spammer de partout sur ton profil insta. du soleil dans les yeux et au coin des risettes. et puis, Nausicaa lève finalement les yeux vers Amour. vas-y montre ! montre comme ça brille chez toi
ça brille aussi
pas vrai ?

mais c'est qu'Amour te va si bien ; c'est ce qui résonne dans toutes les attentions et les répliques lancées à Nausicaa, et même les jurons suivent des arpèges qui sonnent affectueux à son oreille. ses ricanements comme écho, comblent tous les lieux tous les vides de mélodies adolescentes. c'est ça qu'il aime quand on est avec Amour, c'est naturel et presque inné de se contenter d'avoir son âge, car on n'attend pas beaucoup plus de Nausicaa ; l'aura corrige les dissonances
remplace de versets irréfutables.
évidemment qu'ils seront au rendez-vous,
qui le s'rait pas pour tes sons.
le sourire aux illuminations tendres, aveugle des auréoles qui entourent les blés de ses propres cheveux, quand il est question d'ouvrir les yeux c'est comme ouvrir grand les bras : toujours pour les autres
alors pour toi aussi, Amour.

et il est impatient, Nausicaa, de constater la dévotion de ton coté aussi, réjoui à l'idée de la partager pour une fois, c'est rare ces moments. aujourd'hui les notifications sur les profils et demain les fleurs au pied de ta porte ; tu verras, tu verras. toujours étendu sur le ventre il voit faire, regarde Amour qui se lève pour aller chercher son téléphone
des nuages sur les sourires ça se voile
les tiens comme les siens
à l'annonce des sentiers détournés.
ah ouais ?
depuis quand tu ne suis plus les mêmes que Nausicaa, Amour ? ça lui paraît tellement insensé à lui aussi qu'il croit d'abord fervent à la théorie du complot ; une anomalie dans le système voilà tout.

mais il y songe, se tait pensif, avant d'ajouter.
... nan ça me l'a jamais fait.
ces drôles de pincements au cœur par contre, il connait, sans savoir y mettre les mots. un temple pour berceau, c'est peut-être parce qu'il a grandi au cœur du culte que Nausicaa n'imagine pas la vie en dehors de l'adoration. après tout les autres ne font que passer dans les sanctuaires. Amour, forcément que tu existes en dehors des lieux sacrés qu'on forme avec Nausicaa ; profanes-tu ce que l'on est en son absence ? il te dévisage et il y pense, et l'idée le dérange malgré ses dogmes lavés de craintes. sourit malgré ça.
c'est qu'il t'aime bien.
et puis c'est trop pas ton genre d'unfollow tes potes, ce genre de move mesquin ça te ressemble pas, je le sais.
la sincérité de cœur fervent ; (ah, Amour méfie-toi,
elle est si déformée la réalité de Nausicaa) - c'est la seule qui existe
c'est la seule qu'on connaisse,
c'est la plus accueillante qu'il soit.
pas vrai ?
pas vrai... ?

Amour montre tes mains, qu'on voit si elles sont rouges. sûrement leur faute si l'orgue derrière la cathédrale des côtes se désaccorde ; si ça sonne faux dans le cœur derrière les os. à tous les coups tu entends sa mélodie toi aussi ; lorsque Nausicaa capture tes regards ça vibre ça tressaille. désagréable, surtout que tu as l'oreille bien aiguisée, Amour, pas vrai ?
tu dis non. qu'est-ce qu'on croit ?
on croit en toi mais ces sourires bancals, ces images pieuses d'Amour distordues, Nausicaa a du mal à reconnaître sur le coup. et alors qu'il disait "oui" à tout hier encore ; aujourd'hui
je sais pas.
incertain jusque dans les sourires, ils chancèlent ; on rattrape, transforme les points finaux, en interrogation plutôt.
tu pourrais ?
laisse en suspension,
sans attendre les réponses.

ce n'est pas qu'une question de suivre des dogmes virtuels, non. pas du genre superficiel, ce n'est pas ça qui jette du trouble dans ses pensées. c'est Amour tout entier ; tu dévisages Nausicaa d'une manière si étrange. et des réminiscences d'enfance refont surface ; car ces œillades c'était les mêmes que celles des brebis de son Père qui rechignaient à porter le collier. gênées des emprises autour du cou, elles faisaient bonne figure tant qu'elles étaient sous les yeux du berger et puis, elles se plaignaient d'être affamées.
Maman par exemple ; elle avait beau aimer Papa aveuglément, elle en pleurait parfois.
si tu fais ça, ça veut dire qu'y a un truc qui va pas, que j'ai fait un truc qui t'plaît pas.
mais il ne voit pas quoi ; tout ce qu'on fait
c'est rien qu'être Nausicaa.
et sans quitter les iris d'Amour - les sourires s'y noient et disparaissent - il passe d'une prunelle à l'autre comme si la solution du paradoxe s'y trouvait.
... j'suis un mauvais pote, Amour ?
un temple inhospitalier, parce qu'on ne prononce jamais le prénom qui te plaît. et ce n'est pas de toi qu'il doute, non ;
c'est la religion qu'il est que Nausicaa remet en question.