e t'en fais pas.

Ces petits mots susurrés avec délicatesse dans le creux de ton oreille. Ces doigts fins venant chercher les larmes qui coulaient sur tes joues. L’étreinte d’une mère désabusée cherchant à extirper son fils de tous les complexes qui l’enlisaient. Toi qui étais si triste. Si malheureux à l’idée de ne jamais satisfaire. De ne jamais te satisfaire. Face à la lumière, tu n’étais que l’ombre aveuglée que cette dernière formait. L’imperfection parfaite.
Mais, elle, elle avait toujours voulu ton bonheur. Contrairement aux autres, elle avait toujours voulu croire en toi. Elle t’avait toujours fait comprendre qu’à jamais, elle sera de ton côté et jamais du sien. Elle était le rempart à la pression et aux principes délurés.
Puis, d’un seul coup, elle ne faisait plus partie de ta vie autrement que par les songes qui torturent depuis lors ton être.

Tu n’as pas besoin de ça pour réussir.

Depuis tout petit, tu ne mesurais plus à quel point tu pouvais aimer ta maman.
Maintenant si grand, tu redoutais le moment où tu la rencontrerais.

Hélas, beaucoup de ces souvenirs ne sont plus que des réminiscences, déformés au fur et à mesure des âges. Même si tu avais toujours désiré les garder intacts, ta mémoire a préféré laisser place à tout ce qui te faisait le plus mal.
Tu ne te rappelles quasiment plus de son sourire. Difficilement ses bras entrelaçant tes épaules frêles. Tu ne te remémores plus les moments lointains passés avec elle. Simplement les longues balades dans le parc, dans ta petite tunique bleue. Toi, finissant toujours par tomber de fatigue dans ses bras. Sûrement ses souvenirs, aussi doux que tu coton, avaient été embellis par ton inconscient si fragile, pour oublier tous les démons qui partagent bien plus que ton lit.

Tu ne peux cependant pas oublier ce teint de plus en plus livide. Ce regard éteint. Cette fatigue. Ces pertes d’orientation, de connaissance, de mémoire. La sensation qu’elle devenait de plus en plus étrangère à son corps. La sensation que tu devenais de plus en plus étranger à sa mémoire.
Puis, il l’a abandonnée.
Elle t’a abandonné.
Aujourd’hui, ce doux songe de printemps avait été remplacé par une poigne dictatoriale.

Les balades dans le parc étaient l’unique et lointain souvenir de ce que tu regrettais.

C’était à partir de ce moment, que tu avais commencé à devenir ce que tu es. Car malgré cette sensation de rejet, jamais tu n’aurais été capable de la décevoir.

Et surtout, jamais tu n'aurais pu lui faire le plaisir à lui, de devenir tout ce qu'il avait toujours voulu. Les pièces de son échiquier, dans une partie savamment organisée pour gagner. Mais, gagner quoi ? Le respect ? La puissance ? La fierté ? Quelle fierté...
Dans ses yeux, tu ne voyais que la déception. Tu ne voyais que l'indifférence, le mépris, l'insatisfaction.

Dans ses yeux, jamais tu ne retrouveras l'amour de celle qui avait fait de toi ce que tu es. Cette jolie personne dans laquelle tu ne te reconnais pas.
Tu ne te reconnais en rien. Tu n'es qu'un vagabond.

Ne fais pas de toi tout ce qu’il désire.

Alors, très vite, tu as fait de tes faiblesses sa bête noire. Tu as fait de sa pression ta meilleure amie.
A chacune de tes actions, chacun de ses faux pas, son regard n’était que dégoût - du moins, quand il prenait la peine de les considérer.
A chacune de tes bonnes actions, « tu aurais pu mieux faire. »

Prend exemple sur ton frère.

Lui qui était si fort. Lui qui n’avait jamais déçu personne. Lui, premier de sa classe. Toi, éternel deuxième.

Alors, quand à l’aube de tes cinq ans, ils étaient venus vous chercher, tu ne ressentis aucune inquiétude. Ta petite main s’était déployée dans la main de cet inconnu qui jamais ne t’auras vu pleuré.
Et pour la première fois, tu avais remarqué de grands yeux sombres, rivés sur toi, embrasés d’une tout autre lueur.
Cette lueur qui ne voulait dire qu’une seul et unique chose.

Tu ne feras jamais le poids.

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