elle le sait par cœur, il se joue d’elle et ses sentiments, elle marche droit dans son piège – alors
pour éviter de donner raison au cerveau qui la somme de faire demi-tour, gwen observe avec mépris les murs du couloir deux étoiles ; le parquet bien lustré, pas un seul bruit, une odeur désagréable des chiens de l’académie
elle arrive devant sa porte, trop familière, trop comme avant alors que rien ne l’est plus ;
foudroie du regard un élève perdu qui se demande sûrement ce qu’elle fait, plantée comme un piquet devant une porte qui est bien loin de son grenier

elle inspire, un soupir
se dit que c’est insensé
les mots de la vipère résonnent dans son crâne
« t’aimerais bien hein »
elle se mord la lèvre, évidemment qu’il verrait à travers elle –
que plusieurs de ses nuits ont été bercées par les souvenirs passionnés des draps emmêlés, que malgré elle, son corps désire encore et toujours le brun ; comme un aimant, incapable de s’en défaire, gwen a la main sur la porte, prête à toquer
ferme les yeux
imagine déjà le sourire victorieux – sans même avoir commencé, stelian a gagné
((toc, toc))
le visage contrarié, perdante à regrets

Y a une fuite au grenier.

car elle, lui, le savent
à l’époque où ils étaient proches
derrière les promesses de grandeur, à chaque discours
gwen lui offrait un peu de son cœur

la poitrine qui se resserre, les battements qui manquent – terriblement séduisant, stelian qui la toise de toute sa hauteur, et gwen se sent prise au piège
jamais il ne lui faciliterait la vie, non, il préfère la mettre devant le fait accompli ; qu’elle cédera toujours face à lui,
qu’être des alliés ne fait plus partie de leur projet, que c’est chacun pour soi dorénavant gwen contre stelian – une danse que perdra celui qui s’essouffle le plus vite
et elle se maudit d’être la plus piètre danseuse des deux

c’est pas comme si tu pouvais faire grand-chose de pire. je suis déjà sans-étoile et –

n’ajoutera pas là en train de te supplier
la fierté qui crispe ses membres, elle a froid de la distance que le brun s’obstine à maintenir ; vient quand ça lui plaît, la ravage de baisers ardents pour mieux la délaisser

non, je suis juste là pour savoir comment tu vas.

l’air blasé – depuis quand il s’agit de ça entre toi et moi?
se retient de poser les mains sur son torse, le pousser à l’intérieur – qu’il comprenne que les flammes qu’il aime raviver ne meurent jamais vraiment, et que gwen crève de lui, d’envie, que ça commence à bien faire
réalise que si lui se le permet, pourquoi devrait-elle hésiter ?
elle perçoit l’étincelle brève, presque invisible, mais s’y accroche et passe les bras autour du cou du brun, dépose un baiser sur ses lèvres ;

si j’ai toqué à ta porte et pas celle de mes autres plans culs de ce couloir, à ton avis ?

un instant de panique dans ses pupilles bleues – avoir choisi les mauvais mots, comme toujours

je fais des concessions, ok ? c’est un premier pas.

non.
lui pique le bout des lèvres – enflammées toujours par les baisers de Stelian ; Gwen a la tête qui tourne
la danse qui s’accélère trop vite soudainement et son cœur qui murmure tu l’as voulu mais sa tête qui chante que c’est
un
piège

Gwen a le dos contre la porte et pas d’échappatoire, n’a plus de prise sur rien et se sent acculée par le regard du brun ;
son brun –
car au-delà de la myriade de pensées et sensations qui défilent vite trop vite, elle a enfin l’impression de retrouver l’homme de son passé
intransigeant, passionné, dictateur presque pour son plus grand bonheur pourvu qu’elle soit son égale et pas

un pion sur l’échiquier.

chaque mot, méticuleusement choisi, elle les reconnaît ; Stelian, maître du discours, donne l’impression qu’elle a le choix alors qu’il sait pertinemment que ce n’est pas le cas.
et elle se sent prisonnière – la crainte de le perdre pour toujours si elle ne saisit pas sa main, qu’à jamais il glisse hors de portée de ses doigts
(comme autrefois)

non.
Non, tu n’es pas un plan cul.

échec pour la dame
le rire cristallin d’un châtain en écho lointain –

Je ne suis pas aussi patiente que toi et j’en ai marre d’attendre.

depuis des mois des années – derrière la colère exacerbée

Tu sais ce que je veux, Stelian –

cherche comment formuler sans se laisser piéger, tous ces sentiments qui la rongent et qu’elle doit extérioriser.

Mais toi, aujourd'hui, je n’en ai plus la moindre idée.

comme souvent auparavant
la vérité, et rien que la vérité.

(pour toujours)
les draps de soie qui défilent sous leurs doigts – l’illusion enfin tangible de son amour impossible, Gwen se laisse bercer, un songe éveillé ; sans mot, pas un, pour que rien ne le dissipe.
de ses lèvres carmin, elle scelle ce soir, cette nuit, certainement leur dernière, se laisse emporter sans bruit ;
une partie infime de son cœur désire que cet instant
dure à l’infini.

…

elle reste allongée, profitant de la sensation des tissus douillets, tourne dedans – compare ces derniers au torchon qui lui sert de couverture, bienvenue au grenier.
se halte dans son geste et hausse un sourcil alors que la main de Stelian vient caresser ses cheveux, le cœur manque un battement ;
(silence)
du sourire qu’il revêtit, à la saveur de nostalgie

c’est une opportunité, je suis juste jalouse.

et bien plus encore, mais les mots sont précieux, alors Gwen n’ajoute rien.
elle le toise, observe, cherche l’étincelle d’autrefois ; elle y croirait presque, aux gestes tendres et au sourire adorablement narquois.
le doute, pourtant, est là –
d’un bras, elle le repousse dos sur le matelas, vient s’asseoir et pose une main sur son torse – le regard inquisiteur, agacé presque ;

au bal, tu m’as dit que t’es parti parce que « t’avais peur que ça prenne plus d’importance pour toi que pour moi », prend une voix de midinette pour marquer son scepticisme. pourquoi là, maintenant, devrais-je croire que t’en as quelque chose à foutre de ce que je ressens ? pourquoi m’avoir fait poireauter tout ce temps, si c’est pour retourner à…

regarde leurs corps nus, les draps froissés, et cette terrible sensation de nostalgie qui brouille ses pensées

ça. merde, Stelian, ça devrait pas être si compliqué, j’en demande pas plus qu’avant, si même ça, t’en veux pas, un mot – un seul, stop, et je franchis cette porte sans plus jamais t’emmerder.

peser ses phrases mais le cœur prend le pas, des situations contraires qui le laissent en émoi. Gwen ne sait plus sur quel pied danser, c’est la sincère vérité.
l’illusion d’une nuit seulement
qui, lentement, commence à se dissiper.
(pour toujours)
(à tes côtés)

 tu me manques, Stelian, c’est tout ce que je sais.

ça chamboule tout, mot sur mot Stelian pave la sincérité et Gwen se retrouve démunie
d'un scénario qui ressemble trop au précédent, le brun qui lentement file entre ses doigts mais
pas cette fois.

C'est faux.

c'est faux c'est faux c'est faux, elle ne s'épanouit pas, Gwen fâne depuis des années déjà, ce traumatisme de l'abandon qui suinte dans chaque geste alors qu'elle descend du lit pour se rhabiller, elle  a le coeur serré ;

J'ai pas envie que t'arrêtes, j'ai pas envie que tu m'abandonnes encore. Merde Stelian, depuis le jour où t'es parti, j'ai pas arrêté de me demander ce que j'aurais pu dire ou faire pour te retenir, tu me poussais à être meilleure, j'veux –

toi nous tout, ce qu'on a raté, le bon et le mauvais, nous surtout ; Gwendoline veut

– repartir à zéro. S'il-te-plaît.

En amitié en amour en compliqué, pourvu qu'ils puissent à nouveau retrouver cet équilibre fragile et le consolider, qu'ils se poussent vers le haut et peut-être cette fois de la bonne façon
pourvu qu'il reste là, à ses côtés, dans cette prison dorée.
Ses yeux azurés se posent sur la veste du brun et le coeur achève de couler ; des jolies étoiles qui scintillent sur le col pour mieux les différencier, elle, le rebut, lui,
le nova.

J'aimerais changer aussi.

aurait souhaité le formuler différemment, elle se sent vulnérable d'en être arrivé là, de faire une croix sur sa colère et ses discours de liberté,
Gwen est terrifiée à l'idée de changer, et plus encore de le faire sans l'aide du seul qu'elle ait jamais aimé.

et ça picote aux yeux du trop d'émotions pour une fois positives, qu'enfin Gwen est submergée par autre chose que la colère aveuglée et les nombreux regrets
ça lui saisit à la gorge et on se perd dans les yeux de Stelian pour s'y retrouver, car après tout ce temps, on sait finalement quoi y chercher
ce même besoin d'exister autrement qu'en comparaison ;
et pour lui, elle se donne tout entier, pour lui, elle accepte de dire la demie-vérité – on ignore que le cœur bat pour quelqu'un d'autre on l'oublie le temps d'aujourd'hui, pour Stelian qui compromet, Gwen le fait aussi
elle l'embrasse une première fois pour le courage, car ces mots pèsent lourd aux lèvres de la blonde ; car on ne les prononce plus depuis des années déjà et on se sent à nu.

Je t'aime.

peut-être pas entièrement peut-être même à travers des souvenirs d'antan mais Gwendoline le pense en toute honnêteté et elle le souffle dans un murmure une deuxième fois, pour qu'elle et lui ne l'oublient pas
qu'à cet instant, en ce moment
Gwendoline aime Stelian, sincèrement.
et sûrement que demain sera différent, peut-être qu'ils le regretteront mais pour une fois qu'elle se sent en paix, elle ne veut rien rater ; elle laisse la colère au grenier et la rancoeur au passé
elle dépose un second baiser accompagné d'un « je t'aime », une main sur le torse du brun pour s'assurer que tout ceci est bien la réalité.
quand bien même il n'est pas question de réciprocité, et ça lui va comme ça, parce qu'à trop en demander, elle a peur de perdre comme autre fois
mieux vaut ça que rien, elle s'en convainc, et tant pis si dans le cœur du brun vivent les images d'autres amours, Gwen s'en accommodera
pourvu que quelque part existe son Stelian et leur histoire.

Je t'aime, Stelian.

quand bien même pour toi ce serait différent.