les couronnes auréolant cet esprit-là ne brillent pas. plutôt faites d'épines elles soulignent, habillent de ronces l'âme peste d'enfant cruel - non, Felix n'a pas perdu son diadème, lui. mais c'est que ça lui va si bien, aiguisé comme il faut, elle sied à Felix le roi des férocités. il faut qu'il la garde cette tiare ! cette tare tenace qu'aucune punition ne parvient à effacer, il suffit alors de resserrer l'étau pour percer l'âme effrontée. entailler l'insolence de barbelés et la parquer sous les combles, pour qu'enfin ça rentre dans sa foutue tête que ses actions sont laides. ainsi en évidence, dépouillé de prince et princesse et si loin des sujets,
Felix écœuré se sent immonde.

c'est pernicieux, la déchéance. ça fait raser les murs et préférer les silences. bien pensé. au grenier Felix prend la poussière et qu'il en passe quinze ou bien trente toutes les nuits il se tait. à manquer de lumière on sera bientôt une ombre et oublié là-haut tout ce qu'on provoquera aux autres ce sont des frissons ridicules lorsqu'ils entendront craquer le parquet au dessus de leur tête.
c'est ça qui nous attend Gabrielle
aux places qu'on mérite - d'après eux.

c'est difficile de ne pas les entendre, les murmures, on a beau mépriser les rumeurs ça bruisse fort où que l'on passe. ces derniers temps les serpents sifflent moqueur elle aussi, elle aussi
Gabrielle, ne lui dit pas qu'ils t'ont eu
toi aussi.
Gabrielle, une ombre, jamais de la vie. Felix n'y croit pas, aux disparitions de tes lueurs familières, pas possible et pourtant, c'est vrai que ça brille moins ces derniers temps.

alors non ce n'est pas par hasard qu'on descend du perchoir, brave les interdictions pour vérifier si le soir on verra mieux. peut-être qu'à cette heure le jour tombe assez pour qu'elle ait l'air aussi rayonnante que dans les paysages d'avant
Gabrielle, avoue que c'est difficile de trouver le sommeil,
en l'absence d'étoiles.
il se réjouit de te voir les yeux ouverts.
j'étais sûr que tu serais encore debout.
autrefois habitué à l'inconfortable literie de l'étage que tu occupes désormais, ce n'est pas celle que tu mérites, on pense, en refermant derrière soi. on n'était jamais venu chez toi, dommage que ce soit aujourd'hui pas vrai ? et il s'adosse à la paroi du petit endroit, les omoplates reposant contre le bois derrière lui. se feint d'un sourire un peu amer, saisit la référence. ouais bien sûr, on va aller se battre toi et moi. puis c'est pas comme s'y avait un autre étage au dessus du grenier. impossible de tomber plus haut. mais quand il ne reste plus d'escaliers à grimper tu sais ce que c'est - on finira dans des cellules obscures et là on risquera de s'éteindre pour de bon. lui en isolement, et dans ton cas encore un rang à perdre. tu cherches à dormir sous les toits Gabrielle ? il dévisage les traits tirés d'harmonies qui interpellent - différentes - dans ta voix aussi les accords sonnent drôle ; amusé Felix incline la tête. à qui tu veux faire la misère ?
ça résonne un peu inquiet quand même.

se sont-elles changées en vertiges, ces énumérations, Gabrielle ? tous les voltes-faces qui font que la liste est longue. les vestes que certains retournent, c'est à fouler comme des tapis rouges, tu sais bien ! mais comme si l'aura austère de l'étage tout juste étoilé filait de trop grands frissons, Felix a le sentiment de te voir t'en draper plutôt. assiste contrarié au spectacle de Gabrielle qui se cache sous l'étoffe traître et s'y endort tous les soirs, recroquevillée sur elle-même. ah- parce que tu comptais fermer l'œil à un moment. balaie la mine rien qu'un peu désappointée d'un haussement d'épaules et celles-ci abandonnent les appuis contre la porte, il se redresse. l'errance perdure, de courte durée elle amène jusqu'au bureau duquel il tire la chaise. et tu penses vraiment que c'est mon genre de rire du malheurs des autres ? soupiré, tandis que ce sont les regards qu'on chasse cette fois-ci au moment où il s'assoit, le dossier devant lui plutôt que dans le dos.

car tu connais bien Felix et ses risettes odieuses à la moindre occasion. le premier à ricaner en voyant les autres trébucher, les chutes ont quelque chose de comique et c'est ce qu'on attend de lui en bon public. ces questions-là sont rassurantes - ça veut dire que malgré la relégation on l'imagine bien suivre les tendances.
et le grenier n'a pas enseigné la moindre leçon - non,
c'est que tu ne fais pas partie des autres, Gabrielle
et qu'on n'a simplement jamais dit ça tout haut.

toi tu comprends, pas vrai ? ce qu'on ressent, l'impression de battre l'invisible et crier au vide. pour cela
que Felix les bras croisés sur le dossier de bois où il pose la tête ne rit pas aux éclats ce soir. j't'avoue que j'avais pas envie de voir grand monde aujourd'hui.
que malgré toute la désinvolture dont il est capable
le sourire est aussi morne que le regard est bas.
en fait je me suis dis que si ta porte était restée fermée
alors autant voir personne.
une façon de dire moi aussi je me réjouis
de vos tristes retrouvailles.

mais c'est que dans vos images, en filigrane toujours on discerne
la silhouette couronnée de l'autre qui oscille hésitante entre arrière et second plan. équilibre depuis qu'on est enfant l'équilibre des compositions et qui ne jure jamais - dont on remarquait aussitôt l'absence, même, si elle venait à disparaître. et puis, maintenant que les couleurs sont délavées et qu'on n'est plus bien sûr des visages à peindre sur les portraits de ceux en qui on a confiance
Felix constate que les traits de Gabrielle sont restés immuables.

les prunelles voilées des cils clairs, quittent finalement le sol pour revenir à elle. j'ai l'impression que ça nous a pas trop réussi, de jouer les adolescents insouciants. on devine, les mêmes échos - lorsque Felix entend parler de tes combats menés c'est souvent des velléités identiques. rien que les noms qui changent. jusqu'aux soupirs, ce sont les mêmes. pourquoi t'as enfreint les règles à ce point, Gabrielle ?
ne voulais-tu pas que tout se passe autrement ? c'est ce qu'on veut - garder les étoiles tout comme les gens. mais on est probablement trop plein d'incohérences pour se défaire du chaos qu'on connait si bien. c'est en dedans,
et c'était probablement un peu drôle, oui.