“Kalev ! Öelge tere kaamerale !” (Kalev ! fait coucou à la caméra !)
La caméra sortie, mon père en train de me filmer alors que j’avais atteint les deux ans, tandis que ma mère me tenait par la main en faisant le tour de Tamsaare Park. Une belle petite famille, comme les autres.

… Ou presque.
Je vous présente mon père : Tõnis Randmaa… , et ma mère Stjärna Heikkinen. Respectivement 22 et 21 ans à ma naissance.
Tout les deux, ils se sont rencontrés à l’académie Alice. On pourrait facilement dire que c’est la seule chose qui leur est arrivé de bien dans cette école. Lorsqu’ils en parlent, on pouvait facilement comprendre qu’ils étaient dans le bas de l’échelle, les sans-étoiles. Ceux qui se faisaient discriminer par l’académie. Ils n’en parlaient d’ailleurs pas tant que ça quand j’y pense.
Pas avant mes 4 ans en tout cas…

“Ema! Teler on mul peas!”
… Maman, j’ai la télé dans la tête...
“Ema ! ma kuulen telefoni kasutamisel häält”
...Maman, j’entends une voix quand t’es au téléphone
“Ema ! mu peas on inimesi, kes mängivad muusikat”
...Maman, j’entends des gens jouer de la musique dans ma tête…

Quantité d’information me parvenait, sans que je puisse y faire quelque chose...je les entendais, elles me brouillaient l’esprit, Pourquoi j’entendais ce genre de chose, pourquoi ma vision se brouillait d’images venant de la télévision? Je n’y comprenais rien, et cela avait d’ailleurs retardé mon inscription à l’école maternelle / primaire…
La seule chose que ma mère me disait : n’en parle à personne !
Personne ne devait être au courant, personne ne devait le savoir…

à cinq ans, les choses devenaient un peu plus claires… Je pouvais faire le tri dans ce que je voyais où j’entendais, et bien qu’elles étaient toujours là, je pouvais globalement les mettre en arrière-plan dans mon esprit, me permettant d’agir normalement, comme un enfant de mon âge on va dire.
À la maison, il y avait toujours des sourires pour moi, mes parents prenant soin de moi comme la prunelle de leurs yeux… les conversations me concernant se faisait à huit clos… Les appareils électroniques étaient globalement tous mis hors de portée de la maison, la paranoïa gagnait mes parents, et je ne comprenais pas pourquoi.
Et puis un jour…


“Maman… J’entends des messages bizarres… des gens qui parlent en utilisant des espèces de codes…je comprends pas ce qu’ils disent… ils parlent … d’Alpha… Lima… India… Charlie… Echo….?”

Ma mère pris un visage paniqué, et commença à me poser une foule de question :
“Tu es sûr de n’avoir parlé à personne de ce que tu entendais? même pas à un de tes camarades de classe?” “Tu es sûr de ce qu’ils disent?”, etc…
Mon père rentra plus tôt que prévu, littéralement dans les 10 minutes qui ont suivi, et on a quitté la maison… Dans ma tête, j’entendais de nouveau une voix…
“La cible a bougé ! je répète ! la cible a bougé ! Terminé !”

J’étais terrifié, et, me recroquevillant sur mon siège auto…

8 ans… Cela fait deux ans que nous vivons désormais à Göteborg en Suède. Faux noms, Fausses identités... Ici, je ne m’appelle plus Kalev Randmaa, mais Kjell Thomassen…
Mon alice? j’avais fini par le comprendre : décrypter, manipuler les ondes radios. Je n’y touchais jamais pour ne pas attirer l’attention. La paranoïa de mes parents était toujours présente, et j’avais peur qu’une situation comme celle qui s’était produite il y a 2 ans se passe de nouveau… Du coup, j’agissais comme n’importe quel gamin. Je m’étais même trouvé des gens avec qui jouer au Hockey sur glace ou au Basket, et mes parents enregistrait les matchs diffusés de la NHL et de la NBA pour les regarder ensuite. (car on va dire qu’à 4 heures du matin, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour un enfant de 8 ans.)

Au niveau des résultats scolaires, je montrais de bons résultats….
À la maison, malgré une apparence d’une vie normale cependant… ma mère me répétait tout le temps “ne fait confiance à personne, tu ne dois pas en parler ! à qui que ce soit !”
Au fur et à mesure, ces mots furent ancrés en moi…
Mes parents m’ont aussi raconté de quoi il en retournait, de l’académie alice, du fait que le système était discriminatoire et cachait nombre de complots… un lieu rempli de requins, prêt à vous manger au moindre moment où l’on relâche son attention…


10 ans… ils nous ont retrouvés… encore une fois… tétanisés tandis que mes parents luttaient désespérément pour les empêcher de m’emmener, je m’étais caché dans un placard de la maison, observant par le trou de la serrure… Un homme entra alors dans la pièce, et je couvris ma bouche à l’aide de ma main, comme pour m’empêcher de faire du bruit…
En vain…
L’homme me trouva, et me demanda de sortir, de le suivre, m’amenant alors à une voiture… Ma mère et mon père, me criait alors, tandis qu’ils étaient retenus par des militaires, les derniers conseils qu’ils pouvaient me donner : “Ne fait confiance à personne… Ne te fais pas avoir par ces requins… ne montre aucune faiblesse…”
Ma mère, se mettant à pleurer, me rappela une dernière fois à quel point elle m’aime…
Je ne comprenais pas sur le moment, mais cela me calma… et je commença à sourire.
L’homme me plaça sur la banquette arrière de la voiture, et m’emmena… loin, très loin de mes parents.
Pourtant, je ne semblait pas triste au moment du départ.

Aujourd’hui encore, je n’ai pas revu mes parents, mais je sais qu’ils pourraient être fier de moi.
Je suis loin d’être devenu une proie dans ce monde...