place de mon coeur (liu)

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et toi qui connais si bien les pompiers qui éteindront mon feu

elle tambourine la porte de la chambre. quand ils se parlaient encore, quand leurs regards se croisaient encore dans une adorable valse d'adolescents qui s'aiment le plus simplement possible, il n'était pas encore dans ce dortoir - il était encore au collège vous savez, et elle déjà au lycée. c'est juste qu'ils sont au même étage vous voyez, et que ses yeux ne peuvent pas fuir sa silhouette qui s'efface gracieusement, qui avance sans bruit et qui ne claque aucune porte. non cette timide existence attire à elle seule toute sa curiosité morbide et obstinée - car vous savez elle devrait être passée. ça n'a aucun sens de continuer à le chercher ainsi tout au fond de son coeur alors qu'il ne veut plus d'elle et qu'il a arrêté de répondre n'est-ce pas - mais la preuve qu'elle ne peut pas ! elle ne peut pas, ça fait déjà un moment pourtant - mais non ça ne passe pas. ça reste encore en travers de sa gorge.
elle tambourine plus fort la porte, liu. pour toi elle semble prête à déplacer des montagnes à cet instant. sa voix qui monte dans les aigus et c'est insupportable pour ses sentiments, c'est insupportable ce silence. liu je te jure que si tu m'ouvres pas je fais de ta vie un enfer ! c'est une colère lasse, elle continue à tenter de fracasser désespérément cette foutue porte. ses mouvement sont irréguliers. en premier lieu ils étaient un rien respectueux, et maintenant ils oscillent entre tentative de faire un trou dedans et manque de force. s'il te plaît liu... maintenant elle sanglote, la belle idiote, elle sanglote tout contre la porte et se fiche de se donner en spectacle en plein milieu du couloir - qu'on la regarde comme une amante éplorée cherchant à récupérer celui qu'elle aime. s'il te plaît je sais pas ce que je t'ai fait de mal mais ouvre-moi... son front est toujours collé à la porte et son maquillage coule ridiculement. elle attend une petite minute et face au silence elle tape une dernière fois avec énergie. SALE CONNARD JE TE HAIS !
elle reprend son souffle et fait volte-face, nez à nez avec -

liu.

alors il n'était pas dedans ?

elle a l'air terrible avec son noir et son rose tous deux barbouillés, ses cheveux se collant à la moiteur des larmes et ses paumes toutes rouges. elle fronce les sourcils, mi-honteuse mi-encore plus en colère, comme si c'était sa faute à lui dès le début de ne pas avoir été dans cette putain de chambre. PUTAIN LIU elle le pointe du doigt je-je sais pas depuis combien de temps tu regardes mais je TE JURE QUE SI TU ME FUIS QUAND J'AI FINI CETTE PHRASE JE TE POURSUIS ET JE TE TUE elle reprend son souffle et si tu me regardes avec tes yeux - avec tes yeux - je les arrache et je te les fais bouffer ! ça fait combien de temps que tu regardes ? t'es content de me faire ça ? elle l'accuse encore et encore, ne le laisse pas en placer une.

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Tes neurones ont grillé
ton cœur est cendré
T'as jamais su plier
quand t'as besoin d'rêve

elle tissait toujours des liens entre lui et les autres prenait toujours la main pour entraîner Liu vers les autres. vers elle c'était évident et tout tracé, basé sur le principe d'inertie elle influait des dynamismes - insufflait des souffles de vie - et relié d'un fil d'argent
avant on suivait Meliwen
tout simplement.

quand c'était hésitant mais pas chancelant encore.

désormais les pas titubent - c'est pleins de détour pour éviter à tout prix de croiser sa route. rasant les murs et rampant au sol, la démarche des parasites qui craignent qu'on les piétine. ils se cachent le jour et sortent la nuit, en fin de journée à la limite car il faut bien se risquer dehors à un moment ou un autre. c'est bien joli de jouer le mort les trois-quart du temps - réflexe primitif, à la moindre menace ça se recroqueville immobile - mais le cœur bat et ça respire encore. respire
mal sur les retours
lorsque Liu reconnait les accords de l'agitation au bout du couloir. discerne les contours de la silhouette qui s'exprime en grands sursauts devant sa porte. hystérique à force d'absence, des entrées condamnées devant elle. c'est comme si l'on était déjà face à face ; après tout, s'adresser à Liu ou bien des objets inanimés c'est la même énergie dépensée vainement.

oh Meliwen - les visites impromptues
on ne peut plus
on n'a pas rangé on n'a rien prévu
tu verrais derrière les murs c'est brouillon désordonné
confus désemparé - comme les expressions qu'il a de loin là tout de suite tandis qu'il n'ose pas faire un pas de plus direction la folie furieuse. un petit pas vers toi Meliwen tu t'acharnes contre le bois et lorsque celui-ci ne répond pas tu reportes les œillades tristement colère sur d'autres parois. elles sont bien plus expressives mais tout aussi muettes, les façades de Liu. tressaillantes et coupables d'avoir été vues, les cils papillonnent lorsqu'on pointe d'un doigt accusateur. on n'a rien fait, c'est bien ça le problème. ... évidemment qu'on se tait. interdit de fuir mais regarder dans les yeux tu ne veux pas non plus, ça vacille pour fixer le sol plutôt où c'est peut-être plus à l'abri. un peu plus de silence et tu le tues ? d'habitude c'est le mutisme qui protège - il comble de satisfaction les agresseurs. mais toi Meliwen ce n'est pas de la violence verbale gratuite - non. l'heure de rendre des comptes, on a des dettes immenses qui commencent à peser lourd et tu viens récolter. au pied du mur, Liu bredouille, embêté. ça fait pas si longtemps que ça, à- à peu près aux s'il te plaît, juste avant le sale connard. elle est maigre la moisson de mots - que c'est décevant. Liu trouve aussi, triture nerveusement les revers de ses manches il tord le tissus du bout des doigts, fait "non" de la tête. oralise, au moins un peu. n-non ça me fait pas plaisir Meliwen c'est pas agréable ce qui est en train de se passer. déglutit difficilement, le sol reste net - si l'on avait gardé la tête haute ton visage aurait sûrement disparu dans des flous rassurants. et lorsqu'il sent le bruit blanc menacer de couvrir tous tes mots trop perçants son expression se froisse, peine à retrouver contenance on s'efforce de ne pas se laisser submerger. je voulais pas te faire pleurer je t'assure - je te jure. aujourd'hui vraiment on essaye même si c'est compliqué
depuis qu'on s'est entiché des silences.

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c'est trop long, trop douloureux de savoir qu'il a entendu - bien que bizarrement, là était le but.
meliwen savait qu'il n'ouvrirait pas.
elle savait pertinemment qu'elle n'aurait qu'à s'adresser à cette porte pour évacuer cette frustration gémissante, elle savait que rien ne bougerait alors elle pourrait déverser tout ce chagrin sans remords - car c'est comme cela qu'on fait quand on est tristes. elle déteste se confronter aux autres. elle déteste les disputes, les larmes et devoir les essuyer quand c'est humiliant ainsi.

elle est déconfite. non elle ne veut plus l'entendre ! non elle ne veut plus le voir ! et réentendre cette douceur qu'elle a aimé, ce bref bégaiement quand il dit "non" - ça lui fait mal alors elle pleure encore plus. elle sanglote un peu et essaye tant bien que mal de continuer à essuyer ce beau bordel avec ses manches de son uniforme complètement souillées. ça ne sert à rien, elle en a partout.
quand il ne la regarde pas, c'est plus facile pour elle d'être en colère contre lui, c'est plus facile de ne pas retenir la fureur, d'en faire une arme aiguisée pour le blesser comme il l'a blessée elle - je sais bien que tu fais pas exprès ! sa voix déraille et elle recommence à pleurer, agitant nerveusement ses bras. mais c'est quand même le cas tu vois ! parce que tu es lâche et que tu préfères te morfondre dans ton malheur ! elle crie. c'est dégueulasse liu de m'avoir fait ça... elle renifle et reprend sa respiration. c'est tellement- tellement égoïste... et elle repense à cette angoisse quand il l'abandonne, et elle y repense si souvent ! si souvent, ça prend son corps à chaque fois.et tu vas encore t'excuser et dire que tu sais... c'est ça hein..? c'est accusateur, elle est revêche et cruelle mais elle en a assez.

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quand t'as besoin d'rêve

quoi qu'on dise il est loin le beau temps - il pleut encore plus fort sur les joues de Meliwen et Liu subit les intempéries sans broncher - c'est la météo qu'on mérite. la voix qui trébuche et les grands gestes. des chorégraphies anxiogènes. elles tendent tous les muscles et c'est presque un sursaut lorsque c'est ponctué de cris. oui, on est lâche. si l'on s'écoutait soi et pas Meliwen on censurerait tout ce qu'ils sont elle et lui. le problème c'est qu'il a beau tout engloutir, le flou rassurant, devant Liu il rechigne toujours. ne dévore pas ce qu'il est et laisse intact, net au possible. alors flouer l'instant ne suffirait pas à calmer les palpitations. même dans le silence on les entendrait ces phrases sur lesquelles elle repasse. pas de fuite, aucune porte derrière laquelle s'éclipser - rien que les regards bas pour se protéger des éclairs au moment d'entrouvrir la bouche, les excuses au bord des lèvres.
mais le tapis des répliques tu le tires sous les pieds de Liu
et il trébuche sur les mots. non j'allais dire je- je sais pas - oui désolé m-mais je pensais pas que, 'fin - le reste bloqué par la gorge qui se serre, mordu par les dents malmenant les lippes, les doigts s'emmêlent à l'idée de faire un faux-pas.

on ne pensait pas on ne pensait pas
que c'était sale au point d'utiliser deux fois le mot tellement
que dans le couloir tu pleurais autant
on ne sait pas faire autrement que les yeux fermés Meliwen et les lever vers toi c'est impossible - que c'est exaspérant comme toujours ça rampe ! rasant le sol à la manière des insectes, ça donne sûrement envie de hurler et d'écraser sous le pied. c'est normal. et habituellement les petites bêtes se moquent bien des larmes des grandes - elles ne pensent qu'à elle. elles regrettent. pourraient se mettre à pleurer au diapason si on n'était pas certain que ça suffirait à t'agacer pour de bon - Liu ravale les inspirations tristes, réplique à toute vitesse le souffle court. c'est juste je t'ai ignoré une fois et puis deux et puis à trois je me suis dis que ça servirait à rien de revenir là-dessus ça faisait déjà trop de fois et plus ça faisait longtemps moins j'avais le courage de revenir te voir déjà que j'ai pas beaucoup de courage je sais - je sais que je suis lâche pardon - pardon.
on s'excuse jusqu'à l'écœurement
une dernière fois car
on a dit ce à quoi tu t'attendais, Meliwen -
Liu a validé tes prédictions

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ce qui est terrible c'est la crainte du rejet qui remonte dans la gorge comme un relent mal digéré, son incompétence a totalement baissé les bras face à lui. si dans l'instant-t elle le maudit d'exister, le fait que ce soit le cas le rend coupable de vouloir s'éloigner d'elle. il devrait savoir, depuis le temps ! qu'elle ne connaît la rancœur ni la volonté de nuire volontairement.
il aurait dû se douter oui, qu'elle l'aurait cueilli dans ses bras sans le repousser après avoir su le crime dont il est la victime. il aurait dû comprendre plus vite que si elle pleure tant ce départ ce n'est pas tant qu'elle le trouve ignoble, mais plutôt que c'est dur sans lui - et qu'elle a peur qu'il s'échappe définitivement.

elle croit au fait qu'elle aurait pu l'aider un tant soit peu, lui changer les idées, avaler ses doutes, panser ses plaies avec ses rires qui ne cessent jamais d'éclater - et même qu'elle aurait pu pleurer à sa place si c'est trop dur de le faire soi-même.
elle se serait donnée dans son entièreté s'il l'aurait fallu et finalement ce n'est pas tant liu qu'elle maudit, mais plutôt tout ce qui l'a détruit et qui l'a rendu tellement fragile que la dernière solution fût l'isolement.
et surtout dans son amour-propre, elle a l'impression d'avoir raté quelque chose car cela veut dire qu'il n'était et n'est peut-être toujours pas assez en confiance avec elle.
elle le regarde se ratatiner sur lui-même, se laisser disparaître dans sa propre silhouette, n'être l'ombre que lui-même et soudain elle regrette un peu - car s'il se sent encore plus coupable, ne va-t-il pas s'évaporer pour de bon ?

elle essaye de se calmer en reprenant sa respiration, échappe aux regards des quelques curieux, mais des sanglots incontrôlables lui échappent de la gorge - elle ferme des yeux pour caler son rythme sur un qu'elle invente et c'est dur. son visage est moite et dégueulassé par l'émotion.
et m-maintenant... maintenant que je viens te revoir ?
prend les décisions car elle est exténuée, investis-toi pour lui montrer la réciprocité des sentiments.

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c'est aiguisé, les silences. peut-être n'y a-t-il rien de plus coupant qu'eux et qu'écorché vif Liu ne réalise pas les tranchées qu'ils laissent. mais voir Meliwen et les sillons des regards gorgés de larmes fait réaliser. maladroit on a fait de la casse. Liu a envie de dire à haute-voix pour remplir tous ces vides résonnant de quiproquos, contredire - c'est pas toi Meliwen, c'est pas toi ! toute la confiance qu'on avait on te l'a offerte mais sûrement qu'il n'en restait que des miettes. déjà que les chuchotements dans les rangs et les risettes mesquines au détour des couloirs sonnaient assez fort pour en faire fuir certains ; qui voudrait bien rester pour des cris d'immondices et des sales grimaces ? c'était sûrement imbécile de les écouter eux plutôt que toi, mais leurs mots portaient plus loin, visaient plus juste en plein cœur de Liu.

sauf qu'à jouer la sourde-oreille avec Meliwen, on ne vaut pas mieux que tous ceux qui ont tourné le dos. on n'aurait jamais voulu être à leur place - c'est pire qu'inconfortable. on ne comprend décidément pas comment ils ont pu laisser pleurer, et en même temps
Liu constate comme il est hostile, le monde des larmes. pas étonnant qu'à s'y aventurer on songe cent fois à tourner les talons. plus maintenant, plus maintenant -
maintenant que Meliwen vient le revoir
ce sont les demi-tours que Liu censure.
figé sur les deux pieds d'abord, hésitant où les poser sur ces territoires. maintenant. ... je garderai plus la porte fermée ! c'est promis, si tu reviens.. toujours j'ouvrirai, puis, à partir d'aujourd'hui si j'ouvre pas c'est que je suis vraiment pas là.

une journée en particulier lui revient en tête sur le moment, claire et nette tant elle a marqué au fer rouge. Liu posant les mêmes questions effrayantes à Cosmos qui a ignoré tous les appels du jour au lendemain. il a été Meliwen et l'autre rôle il refuse, incapable de l'endosser. peut-être qu'on est moins fort, ou tout le contraire. sans être trop certain il s'avance, à défaut d'oser prendre la main pour montrer qu'on est là il vient saisir l'extrémité des manches froissés de chagrin du bout des doigts. fixe ses pieds comme si les réponses s'y trouvaient - mais non. je sais pas comment m'excuser comme il faut, j-je - j'ai pas d'excuses en plus parce qu'en vrai tu me manques. dans les synapses dysfonctionnelles tes rires comme des décharges si efficaces pour réactiver d'anciens réflexes. raviver les sourires de Liu si difficiles à enclencher, toi tu saurais faire. ah les tiens on n'est pas sûr de la procédure pour les réveiller ! je sais pas t'as qu'à -
t'as qu'à m'en mettre une si ça peut aider !
maintenant que tu es là et qu'il est là, c'est à portée de main.

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à vrai dire c'est un semblant de promesse qui paraît idiote car s'il le voulait, il ne serait pas vraiment obligé de s'y tenir - c'est bien facile de promettre d'ouvrir les portes sans réellement donner la clef à l'autre
mais là meliwen ressent l'infime certitude qu'il est question d'une future réalité.
quelque chose se serre dans son coeur, c'est à la fois délicieux et douloureux - cela mêle soulagement et puis elle aussi, elle réalise à quel point il l'avait manqué.
elle renifle un grand coup et se retient de se remettre à pleurer quand il exprime l'implicite fait qu'elle a toujours été là quelque part son absence, que ça l'a marqué lui comme une marque au fer chaud dont on ne se débarrasse - une sangsue émotionnelle.

quand il s'approche, elle le laisse faire et quand il propose l'opprobre, la possibilité dramatique de le frapper un bon coup, elle le regarde un instant sans rien dire. meliwen s'empresse plutôt de l'étreindre dans ses bras, le serrant fort tout contre elle pour ne jamais en oublier l'empreinte et l'odeur. elle le berce un peu de gauche à droite en frottant son dos, venant échouant son visage tout contre lui. t'es bête - ! qu'elle lui dit sur un ton un peu moralisateur, le tenant toujours. je suis désolée j'aurais - j'aurais pas du crier... quand elle est là, elle se rappelle à que point il est jeune et qu'il est logique qu'il fasse des erreurs. aussitôt s'en veut-elle un peu de sa dureté pourtant nécessaire pour le faire réagir, elle lui tient les épaules en le regardant droit dans les yeux, sérieuse. mais tu me refais plus jamais ça, promis juré craché..?

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» « Ravive mon coeur. » ↳ Egon.
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» Au coeur de l'âme (Amélie)