Tu détestes Noël.
Et tu parles pas du plouc dans ta classe qui a eu le malheur de se faire nommer par sa génitrice comme la naissance du Christ. T'aimes pas Noël et tout ce qui s'en rapproche. Pourquoi l'ambiance change totalement à son approche ? Pourquoi les gens méchants deviennent soudainement gentils ? Pourquoi tous le monde danse, chante, et justifie leurs bêtises et leur manque d'amour propre par cette phrase passe partout : "c'est la magie de Noël !" ?

Errant sans but à Central Town, tu avais perdu Pepo entre les allées. Il s'était sûrement arrêté pour observer des bougies parfumées, mais tu ne t'étais pas arrêté.
Tes yeux observent, tapie dans un coin à l'abris du bruit, à l'abris des gens gênants impossibles à éviter, même en utilisant ton Alice pour les faire aller plus vite.

Puis à force de balayer la foule, le regard s'arrête sur une silhouette impossible à ne pas dévisager. Cassandre Westwood, tu connaissais son nom. Et son âge, sa classe, ses fréquentations. Sa ressemblance frappante avec Spencer te mettait profondément mal à l'aise, et te fascinait indiscutablement. Tu ne pouvais pas ne pas détailler son visage à chaque moment ou elle était dans ton champ de vision. Elle était un fantôme vivant qui te hantait de par sa simple existence.

Malheur.
Elle se dirige vers toi, confiance et impatiente, traversant la foule comme le messie. Agacé de t'être fait prendre, tu serres les dents sans pour autant prendre la fuite. Sévère, tu la toisais avec un mélange d'incompréhension et de froideur.

— « Hey. Mais je sais que tu t'appelles Cassandre. »

Tu fronces les sourcils, un peu circonspect. Un peu pris de cours.
Tu t'enfonçais encore plus... Si tu ne passais pas pour le stalkeur professionnel, ce serait un miracle.

— « Désolé, tu ressembles à quelqu'un que j'ai connu. La similarité m'a frappé, c'est tout. »

Face à cette spontanéité qui brisait presque tes barrières, tu n'avais d'abord que le mépris à lui offrir. Mais un léger sourire se dresse et chamboule l'expression de ton visage. Faciès de façade, construire un masque pour garder la face, face à elle, jumelle identique de celle que tu avais abandonné. Tu te forces à sourire, d'une tendresse fausse.

— « Excuse-moi, je t'ai fait peur ? »

Illusionniste, c'était un peu le travail du marionnettiste. Il animait des poupées pour construire son spectacle, pour écrire une histoire. Mais les fils se devaient d'être invisibles pour ne pas gâcher la magie aux yeux des plus naifs. Tous le monde sait que les marionnettes sont sont soumises à la volonté d'autrui, et qu'on ne montre que ce que l'on veut montrer.
Tu étais peut-être tombé aujourd'hui sur la plus pure des enfants, dont la mascarade pouvait continuer incessamment devant ses yeux sans qu'elle ne grille la supercherie.
Tu prenais des scrupules à tromper ces gens-là, mais tu n'étais pas assez dévoué pour leur faire ouvrir les yeux.

— « Oh... Quelqu'un qui n'a pas peur du vilain Arcturus ? Ça fait plaisir de ne pas avoir l'impression d'être un méchant de dessin animé face à toi. »

Un rictus et un clin d'oeil, pour lui imposer une complicité que tu sais infaillible. Tu penches un peu la tête sur le côté. C'était troublant, car la ressemblance venait te maudire même dans la tonalité de sa voix douce. Les mêmes sourires, la même gentillesse. Elle était une réincarnation et silencieux, tu ne lui avoueras pas que c'est presque elle qui te fait peur.

— « C'est du passé. Simplement une coincidence. »

Légèrement crispée par la manière dont elle appuyait sans le savoir sur ta plaie encore béante.

— « Mais j'aimerai mieux ne plus en reparler. Jamais. » Tu avais été un peu ferme et tes yeux vinrent chercher les siens pour ne pas qu'elle se dérobe avec cette mauvaise image de toi. « Je t'invite à manger une gaufre si tu veux. »

Il était illusoire de croire te racheter aussi facilement auprès d'un fantôme, Arcturus. Serais-tu en train de perdre à ton propre jeu... d'illusionniste ?

Elle s'excuse et tu hausses les épaules. Les gens trop expressifs te faisaient peur. Cassandre ressemblait à Pepo, le même genre d'âme pure parfaites à victimiser, mais qui en devenaient lassantes à abuser.
Sa main dans la sienne et elle t'entraine sans même considérer l'idée vers le fameux stand de gaufre. Quel hasard, elle les adore. Heureusement que tu n'étais pas doté de mauvaises intentions. Quoique.

— « Si j'avais su que tu étais vorace, je t'aurai proposé autre chose. »

Tu tires toujours ce rictus malin à la limite du malsain tant la blague était difficile à comprendre pour ceux qui se laissaient guider par les apparences et le premier degré.
Tu paies pour les deux crêpes, et observe la foule qui vous entoure d'une oeillade alertée. Tu n'aimais pas le monde. Petit isolé par les gardes et au cirque délimité par la scène, tu avais mis du temps à t'habituer à côtoyer des centaines de personnes. Tu préférais notamment les face à face, comme avec Cassandre.

— « Peut-être que je suis secrètement amoureux de toi et que je ne voulais pas t'aborder. » Tu l'observes ronger sa crêpe avec les doigts, fasciné un instant par la chantilly qui coulait le long de son poignet.

— « Je vais arrêter de t'embêter là dessus, promis. »

Tu attrapes sur le stand une serviette sur le tas en libre service et t'approches d'elle sans pudeur, attrapant sa main pour l'essuyer. A prendre soin d'elle, qui croyais-tu berner ?
La particularité de cette scène était dans son décalage flagrant. Tu n'avais aucune attache émotionnelle envers Cassandre Westwood et sa crêpe à la fraise. Et pourtant tu te comportais avec elle comme si vous vous connaissiez depuis longtemps, assez pour te permettre de pénétrer son espace vital et intime.

— « Tu abordes souvent les gens comme tu le fais ? Tu devrais faire attention. Certains pourraient porter de mauvaises intentions. »

Cassandre ne réagissait jamais de la manière dont tu essayais de le prédire. C'était particulièrement désagréable d'être face à quelqu'un d'instable, dont tu étais incapable d'anticiper paroles et réactions. Sourcils froncés pendant quelques secondes, tu étires cependant un sourire un frustré mais poli. Elle était mignonne pour ce monde, mais sûrement plus compliqué sous la surface que ce qu'elle dégageait à l'extérieur.

A t'engager de la sympathie à son égard.

Quand elle te retourne la question, tu l'observes s'éloigner, soulagé qu'elle te laisse quelques secondes pour réfléchir à ta réponse. Tes yeux la dévorent du regard, comme avare de son silence, ou envieux de sa bêtise. Cette légèreté de surface était omnisciente, et surtout avec toujours un coup d'avance.

— « De la manipulation, du mensonge, de l'hypocrisie. »

Tu venais à te demander si ce n'était pas elle qui jouait à ce jeu là avec toi. Que ce n'était pas toi qui te faisait piéger par son stratagème.
La douceur te rendait légèrement sur la défensive, et te réveillait de tes constantes d'indifférences.
De plus en plus étrange et frustrant.

— « Ce sont des concepts qui te sont familiers ? »

Et alors que tu t'approches de plus en plus d'elle, ne sachant toujours pas si c'était pour un but précis, tu lui demandes pour avoir confirmation ou contradiction de tes soupçons.
Planté face à elle, ton visage à quelques centimètres du sien.

— « Est-ce qu'on a déjà abusé de toi, Cassandre ? »

Cassandre n'avait pas un profil banal. En creusant, elle n'était pas cette miss-passe-partout qu'on pourrait penser d'elle au premier abord. Ses réponses ne collaient pas à tes questions ni à l'effet que tu voulais donner de toi. Victime consentante d'un monde qu'elle avait plus apprivoisé que toi.

Silencieux, tu croques dans ta crêpe sans rompre le regard, avant de t'essuyer la bouche d'un revers de manche.

— « Intéressant. Vraiment grandiose Cassandre ! T'es pas écervelée comme j'ai pu le penser en t'entendant parler tout à l'heure. »

Le tact, c'était pas ton fort. Mais même si ça sonnait méchant, c'était sincèrement gentil, admiratif. Cassandre n'était pas pure mais tu n'avais recherché la pureté en qui que ce soit.

— « Te mentir ? Très bien. Si je te mens, tu ne le sauras jamais. »

D'un regard complice, tu lui intimes de baiser les yeux sur ta crêpe, que tu tenais dans les mains.

— « Cette crêpe est délicieuse, hmmm. »

Et tu éclates de rire, car même si elle n'a pas compris, tu t'es trouvé diabolique. C'était beaucoup trop sucré, bordel.
Tu lui demandes cependant, si c'est OK pour elle de s'éloigner de la foule, parce que tu commençais à étouffer entre leurs rires et les odeurs.
Une fois à l'écart, de nouveau tranquille, tu t'adosses à la vitrine d'un bâtiment.

— « Bon. Parlons affaires. Je me sens d'humeur joueuse avec toute cette crème chantilly. Je réaliserai un de tes souhaits, si tu exauces un des miens. Dans une certaine mesure, et pas d'abus. Comme ça pour le coup on aura vraiment une raison de se reparler. »