« Mon monde ne va pas au-delà des limites du champ de force de l’Académie. Je sais qu’il existe de larges étendues et des océans à perte de vue, mais mes yeux n’en ont jamais vue. Ou peut-être une fois, mais je n’en garde pas de souvenirs… je ne me souviens seulement de l’amertume qui a envahi mon cœur quand ma mère est partie. De ce même goût âpre qui m’étouffe à chaque lettre de sa part à Noël. Des lettres dénuées d’amour, dénuées de tout… comme si elle cherchait juste à combler le blanc de la page avec des mots, sans chercher à leur donner du sens. Tout comme j’ai beau fermer les yeux, j’ai du mal à me rappeler les fois où mon père n’a pas fuit mon regard. J’ai l’impression que cela fait une éternité que je n’ai pas croisé la couleur de ses prunelles, que je n’ai plus plongé dans le bleu sans fond de ses iris. Mon regard lui rappelerait-il trop ma mère ? Non ce n’est pas cela, c’est arrivé bien plus tard. Je crois que c’est l’Académie et son travail qui se sont immiscés entre nous. Au début, j’en ai souffert, puis le temps à fait son œuvre et tout comme avec ma mère, ça m’est devenue égal. Parfois, je pense à nous et au fait que nous sommes devenus des étrangers, qui se sont connus un bref instant, pour finir par s’oublier. »

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« Belladone ! Belladone ! J’aimais qu’on m’appelle ainsi. J’aimais ce nom à mon intention. Il signifiait beaucoup pour moi, il signifiait tant… que je ne saurais vraiment l’expliquer. Il m’apportait quelque chose, un plus, si bien qu’on aurait pu oublier Galène pour m’appeler Belladone à jamais. Pourtant, il a fallu que je gâche tout. Que cette foutue curiosité, ce besoin de savoir, qui ne semblait pouvoir être étanché, me pousse à l’impensable. J’en rêve encore parfois. Je me revois dans le dédale sombre du Temple des Fleurs, glissant en silence dans mon kimono et descendre. Descendre vers l’interdit, mon propre contrôle m’échappant et mon palpitant tambourinant dans ma cage thoracique. Je suis au sous-sol, dans le sous-sol interdit. Il fait si noir, comme si quelque chose absorbait la lumière et j’ai l’impression que le seul bruit présent, est l’écho des battements furieux de mon cœur. Les secondes s’égrainent avec lenteur, j’hésite à faire demi-tour et soudain, la lumière m’éblouit. Face à moi, se trouve Agatha. Je ne saurais dire ce que j’ai lu dans son regard… de la déception ? de la colère ? J’ai voulu m’excuser, mais aucun mot n’a passé mes lèvres. Seul le silence à régné et c’était comme si la directrice venait d’arracher de son pot la plante que j’étais. Il n’y a pas eu d’éclat de voix, juste ce silence pesant et lourds de sens. Un silence qui ne m’a jamais quitté. »

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