Un message. Rien de plus que quelques mots. Après des jours de silence. Des jours d'oublie. Des jours sans un mot. Tu ne juges pas, Amaryllis. Parce que tu as appris à vivre seule. À n'attendre rien de cette vie, de ce monde. À te résigner à ce que tout finissent par s'éteindre. Tu n'attends plus rien. Qu'il ne dise rien. Qu'il s'occupe de ceux qu'il aime ou qu'il prétend aimer, ça ne te concerne guère. Tu n'en penses rien et d'un pas décidé, tu vas à sa rencontre. Enroulée dans ta longue échappe noire, les mains dans les poches. Le regard nivéal. Une brève lueur s'éclaire au fond de ces derniers à sa vue. Bref et éphémère, sa voix casse ce sentiment. Ne laissant qu'une vague perplexe pour ravager tes songes. Asmodée. C'est donc de cela qu'il souhaite parler ? Après ce temps de silence. Sans un mot, un pied jonche le sol. Faisant rouler un caillou sous ta chaussure. Réfléchissant à la manière de procéder. Adoptant ce même regard sévère qu'il t'offre. « En quoi cela te regarde, Ace ? Je ne savais pas que je devais te rendre des comptes maintenant. » d'abord Cassandre. Cassandre et ses grands airs. Cassandre et son égoïsme qui avait mis à rude épreuve tes nerfs. Qui avait dévoilé la part la plus sombre de ton être. De ce que cet endroit a fait de toi. Et maintenant lui. Après cela, tu préférerais ne pas avoir de reproches de lui. Surtout pas de lui.
Rien ne va jamais comme on le souhaiterait, Ama.
Un soupire lourd s'échappe. Appuyant ton dos contre le béton froid du mur. Levant les yeux au ciel. « Asmo est, certes, au bas de "l'échelle" comme tu dis, mais nous sommes amis depuis gamin. Si j'ai envie de discuter avec lui ou bien de passer du temps à ses côtés, c'est mon droit. Je ne te dois aucune explication, Ace. » un brin cassant vibre dans le fond de ta gorge.


Une main s'égare dans la crinière blanche. Balayant cette dernière. Remontant la laine contre ton nez mordu par le froid. Cette saison, tu l'aimes. Ce sont tes moments de paix, mais rien ne va cette année, Ama. « Pourquoi vous me prenez tous la tête en ce moment, hein ? Je demande rien à personne. » parfois cela ne suffit pas. De n'être qu'une ombre qui passe sans un mot. Apparemment, cela ne suffit pas à ce qu'on t'oublie. « Et puis... si tu veux jouer à ça, Ace... j'ai entendu certaines choses également à ton sujet, monsieur parfait. » un brin enfantin. Cette conversation va dégénérer en combat d'enfants, tu le sais. Tu le sens. « Comment va ta copine ? Gabrielle, c'est ça ? Est-ce qu'elle sait comment tu te comportes avec ce mec, Sasha ?  Est-ce qu'on devrait aller la voir pour lui demander ? » les bras se croisent. Jaugeant ton ami. Celui qui se rapproche d'un meilleur ami. Celui que tu n'oses pas définir pour ne pas te donner d'attaches tangibles. La dernière barrière pour protéger ce masque. Celui que tu as révélé. Celui de cette femme immonde. « Alors ?... est-ce que tu veux toujours que l'on cause des ennuis que JE pourrais avoir ou bien des tiens, hum ? »

La rambarde disparaît. Sous la froideur de ses paumes. Sous ses sentiments contraires. C'est l'essence de sa colère ou de son désarroi. Du coin de l'oeil, tu le vois. Écoutant ses plaintes en silences. Un tel enfant se dessine sous tes yeux à présent. Un enfant qui ne juge que par les apparences. Ce que tu apprécies le moins de ton cher ami. Suivre aveuglément ce que l'académie vous a inculqués. Depuis gamins. Les étoiles comptent plus que votre humanité. Que ce que vous êtes. Les étoiles représentent votre grandeur. Votre stupidité également. À tes yeux, elles ne sont que le reflet de ceux qui sont naïfs, qui ne savent rien et ceux qui se battent encore pour une meilleure vie. Grossièrement, c'est ainsi que tu vois les choses de ton monde solitaire. Un monde dans lequel des gens vont et viennent. Ils sont bien différents. À l'instar d'Asmo et Ace. Dont l'existence pose un souci à l'autre. « Il y a une différence entre veiller sur quelqu'un comme un ami et venir juger quelqu'un sans le connaître. »  tu n'es pas dupe, Amaryllis. Ace n'est pas là seulement parce qu'il se fait du souci. Pour toi. Pour son amie. Pour sa meilleur amie. Il est ici pour une raison qui t’écœure en grande partie. Il peut s'énerver. Chercher les ennuis. Chercher le conflit. Tenter de te convaincre. Rien, rien ne changera ce que tu penses d'Asmo.
Parce qu'on ne peut détester son propre reflet.
« De toute manière, Ace, ce que je fais avec Asmo ne regarde que lui et moi. Tu n'as pas ton mot à dire de toute façon. Si je ne me permet pas de venir foutre mon nez dans tes autres relations, alors tu n'as pas le faire aussi. Ça ne te paraît pas censé et équitable ? Ce n'est pas ce que les amis sont censés faire ? » et tu insistes. Sur ce mot. Amis. La définition de l'amitié est différente pour beaucoup de gens. Pour certains ça ne représentent pas grand chose, mais pour toi c'est différent. Tu attends de tes amis qu'ils comprennent, Ama. Qu'ils comprennent ton désir de vivre libre. Ce qu'il ne fait pas actuellement. « Tu vas me dire que si je perdais ma seule étoile de merde qui n'a de sens que pour les imbéciles qui lui en donne... tu ne seras plus "ami" avec moi ? Si c'est ça, dis-le tout de suite qu'on en finisse. »


« J'ai changé ? C'est n'importe quoi. » là. Il y a les prémisses de l'enfant. Des enfants qui s'apprêtent à se chamailler stupidement. « C'est toi qui vient ici pour me juger sur ce que je fais alors que je fais encore ce que je veux. Et j'aurais pas le droit de te foutre dans la gueule que tu fais aussi de la merde ? » la voix s'élève. D'un ton après l'autre. Suintant des émotions agacées qui commencent à perler. De l'impatience également. « Toi tu n'as pas changé. Tu fais toujours croire que tu t'intéresses aux autres. » il y a ce son nasal caractéristique du sarcasme qui s'échappe. Brûlant la fin de tes dires. Et ton pied, Ama, agresse à présent les cailloux au sol. Entreprenant une symphonie hargneuse. « T'es là simplement pour me faire la morale pour que je ne te fasse pas honte ensuite, pas vrai ? Tu ne penses vraiment qu'à ces conneries d'étoiles et de prestiges alors que c'est juste n'importe quoi ! » le voilà. Cet instant fatidique ou la balance entre l'adulte et la gaminerie sombre. « Elles te servent à quoi tes étoiles à part te faire mousser ? » à nouveau ce son.
Vous y voilà à présent.

Ce n'est qu'une joute. Une joute verbale qu'il finit par stopper. Se laissant glisser jusqu'au sol. Levant les mains en l'air. Et Amaryllis, tu te contentes de l'observer. Un instant. Rien qu'une seconde. Soupirant finalement en égarant une main leste dans la crinière blanche. Les yeux au ciel, tout ceci aurait pu prendre fin. Tout, mais ses mots écorchent ton silence. Avec fracas. Retenant l'impulsion sombre qui remonte au fond de tes entrailles. Il ne comprends pas, Ace. Que tout ce qu'il a, c'est du vent. Que tout ce qu'il croit avoir ne représente rien. Finalement, qu'à-t-il reçu à courir après ces étoiles. C'est de voir les autres se voiler la face qui t’exècre. C'est d'entendre de sa voix qu'il doit te sauver qui te fatigue. « D'une chose l'une, Ace, je n'ai pas besoin d'être sauvée. Et j'aimerais que tu évites de me sortir ce genre de conneries. » ce n'est qu'un murmure. Une tonalité faible. Retenue de justesse.
Il ne cherche que ton bien.
Peut-être. Sûrement. Qui sait. Sans doute. Tu ne sais pas, Amaryllis, tu le crois. Pour ne pas être de mauvaise foi jusqu'au bout. Pour autant, tu n'en veux pas. De cette phrase que tu entends suinter dans les dires de trop de gens. Ils viennent à toi, pensant qu'ils peuvent te sauver. Qu'ils peuvent t'aider. Qu'ils sont obligés de le faire. Outrepassant les désirs de la seule concernée. « Qu'est-ce que vous avez tous à croire que vous devez sauver qui que ce soit... » je vais très bien. Des mots superflu qui ne se prononcent pas. Probablement un poil stupides. Un brin contradictoire. Mais tu vas bien, Amaryllis. Tant que tu arrives encore à le dire.


« Tu crois tenir la liberté, Ace ? » les mots qui s'échappent. Les mots qui retentissent. Ceux qui viennent t'agresser avec violence. Qu'il ose dire qu'il est libre. Ça reste en travers de la gorge. Peu importe le silence et le temps qui s'écoule. Peu importe les inspirations longues et interminables qui soulèvent ta cage thoracique. Il y a ce sentiment amer. Qui nécrose. Inspirant à nouveau en cherchant le calme et la paix. « Maintenant tu n'as plus besoin de faire semblant ? Et tu crois que ce que tu as c'est la liberté ? C'est ça que tu oses me dire ? » calme. Calme, oui. La voix passe les lèvres abîmées avec un brin de douceur et de sérénité. Mais tu l'entends, Ama. Tu l'entends le ton voilé au fond de ta voix rauque en cette saison d'hiver. Tu l'entends, cette fatigue. « Tu n'as rien, Ace. Tu n'as rien si ce n'est les miettes de pains qu'ils t'ont donnés. Tu as tout fait dans leur sens et tu te penses libre ? Vraiment ? Depuis quand la liberté se gagne par son comportement ou par ses efforts ? » ça t’écœure. Encore. C'est inévitable.
La seule idée de sa liberté, t'afflige.
« La liberté ça ne se mérite pas et ça ne se gagne pas, comment est-ce que tu ne peux pas comprendre ça ? Comment est-ce que tu peux croire que tu as plus que moi maintenant que t'es monsieur major ? Tu as tout fait, absolument TOUT ce qu'ils voulaient que tu fasses. Ce qu'ils veulent qu'on fasse tous. Être des gentils gamins sages qui ferment leur gueule et qui se plient aux règles. Et pour les pousser à faire ça ? Donnons des miettes de pain pour leur faire croire qu'ils ont gagnés. » cette fois-ci, ce n'est pas contre lui. Ce timbre acerbe et nivéal. Il ne lui est pas destiné. C'est cet endroit, Ama, depuis toujours c'est cet endroit le seul fautif. Tu n'es pas assez naïve pour croire que tu seras un jour libre de tout. L'humanité en elle-même prive toujours de la liberté des autres. En parlant de liberté collective, elle vous prive déjà de ce qu'est la liberté. Tu n'es pas dupe, Ama, mais tu ne veux pas être cette enfant sage. Suivre les règles gentiment et hocher de la tête à tout ce qu'ils disent. Si tu le fais, Ama, tu ne retrouveras jamais l'humanité qu'il te manque. « Si tu étais libre, Ace, tu pourrais sortir d'ici quand tu le désires. Tu pourrais refuser de faire ce qu'ils te demandent. Tu pourrais parler de ce qu'est la classe dangereuse. Si tu étais libre, Ace... tu ne serais pas devant moi maintenant. »

Tu l'entends. Tu l'entends parfaitement. Laissant ton propre silence caresser ses mots. Ses gestes. Il ne veut que ton bien. C'est exact. Tu en as conscience. Tout comme tu ne cherches que le sien. Quitte à ce que vos visions différentes s'entrechoquent. Parce qu'il vous faut dire les choses. Tout simplement. Il vous faut vous confronter à vos pensées si éloignées. Pour vous rapprocher, sûrement. C'est ainsi qu'elle s'est forgée. L'amitié qui vous retient. Qui vous lie. Absorbant ton attention un instant. Quelques souvenirs du passé se remémorant. De votre première rencontre. De votre première conversation. De la première impression. Troublé finalement par le contact. Tu l'écoutes toujours. Tu l'entends encore, Ama. Et une mine résignée voit le jour. Résigné à arrêter de tourner autour du pot. Résigné à arrêter cette joute qui ne devrait pas exister. Pour ne pas vous blesser.
Parce que ce monde le fait déjà assez.
« J'entends parfaitement ce que tu m'dis, Ace, mais.... comprend aussi que je ne vois pas pourquoi je devrais choisir entre toi et lui. Je veux dire... je ne peux même pas putain être amie avec qui je veux ? » parce que c'est le départ de cette conversation. C'est le pourquoi de cette situation. C'est le pourquoi de sa venue. « J'sais bien que les sans étoiles ne sont pas bien vu et blablabla... mais franchement on a quel âge hein ? On est pas à la maternelle ici ! Qu'est-ce que ça peut me foutre qu'il fasse ce que bon lui semble ? C'est pas comme s'il m'obligeait à.... j'sais pas moi, me mutiler ou bien me droguer ou encore me bourrer la gueule ou que sais-je. » c'est une vision des choses que tu ne comprends pas. Incapable de voir ce que la réputation peut engendrer. Après tout, tu n'es déjà pas rose, Ama. Avec cette langue de vipère. Ce regard supérieur, hautain. Cet air de princesse froide qui ne te sied guère. Dans les couloirs, tu exerces le masque. Des faux-semblants. Pour survivre. Et si tu peux survivre à tout cela, Ama, c'est en grande partie grâce à eux. « … Tu penses vraiment que j'ai déjà moi-même bonne réputation ? Avec mes altercations verbales en tout genre ? Peut être que je ne gagnerais pas, c'est vrai, mais au moins j'aurais essayée. J'aurais essayée comme cela me semble juste de le faire. J'me serais battue que ce soit dans le vent ou non. »


Les doigts au creux des mains de glace. Ils viennent s'enrouler à ces derniers. Dans une infinie douceur. Et le regard devient clair. « Ace... je sais que tu fais ça pour moi. Je le sais, mais... tu sais comment je suis, n'est-ce pas ? » un léger rire t'échappe. « J'crois qu'on est tous un peu trop bizarre ici, mais bon... on a évolué dans cet endroit et nous.... à une place bien trop dégueulasse et délicate. » vous n'êtes pas étrange, tu le sais. Vous êtes unique. Entier. À la recherche de ce que l'on vous a volé. En quête d'un nouveau souffle pour inspirer jusqu'à demain. « J'fais attention à moi, tu sais. Sûrement de façon dangereuse à tes yeux, mais... Asmo est quelqu'un de bien. C'est quelqu'un de gentil. Je le connais depuis que je suis arrivée ici. On a toujours été proche. Il est sûrement pas au goût de tout le monde, mais... ne le juge pas simplement à ses étoiles, s'il te plaît. » douce. Incroyablement douce. Tu te revois enfant. Lorsque tu te réconciliait avec ta sœur jumelle. Avec tes parents. Lorsque ta mère te berçait dans ses bras que tu trouvais immense à l'époque. Douce comme l'enfant que tu as toujours été au fond.
Qui s'est étiolé avec le temps.
C'est un accès de douceur, oui. Assez pour que tu relâches ses doigts. Que tu l'enroules dans tes bras. Posant une tête lourde sur son épaule. « J'ai besoin d'toi dans ma vie. J'ai besoin de lui aussi. Et... je te promet de réfléchir à mes étoiles et aux majors, d'accord ? Même si... comme toi... j'ai pas d'intérêt à sortir voir ma... famille. » qui n'en est plus une.