Froid, son nez était rouge et sa bouche pâteuse. Qu’elle détestait cette sensation glaciale, ses morsures méchante sur son visage fragilisé. Eriu aimait ces moments de liberté vestimentaire, quand personne n’attendait qu’elle vêtit encore une fois le septi-éternel uniforme. Toute sa panoplie d’hiver était là, gants, écharpes, trench-coat fermé.

Elle dansait dans son attente. Elle attendait quelqu’un, elle avait tant prévu cette après-midi là. Son téléphone occupait sa main tandis qu’une autre se chargeait bien poliment de réchauffer son corps avec le chocolat chaud brûlant. Elle attendait quelqu’un. Plus que quelqu’un, son Quelqu’un.

Rien de romantique, même si le sourire était heureux. Rien d’empirique, se disait-elle en remuant ses jambes.

Marisol était un ange, précieux, voluptueux. Son ange. C’était des rencontres comme ça, des liaisons comme ça, des silences partagés, des petits regards complices qui donnaient le monde. Eriu ne se rappelait même plus quand elle l’avait rencontré, Eriu ne se rappelait même plus quand tout avait commencé à avoir un sens si intime pour elle. Marisol, une soeur, une amie, une confidente, une mini elle qu’elle peut protéger. Un fragile mirage mais si puissant et dense.

Alors, c’était pour ça. Pour ça qu’Eriu avait organisé cette sortie, qu’elle lui envoyait parfois des SMS qui signifiait tout et rien. Elle pouvait attendre dans le froid. Une gorgée de chocolat la fit frissonner et elle s’appuya contre le mur.

Puis enfin, une ombre. Une ombre très rose. Un bout de joue rosée. C’était Marisol. S’approchant d’elle, Eriu eut un éclair farceur, et en appuyant le gobelet chaleureux dans le dos de son amie, elle prit la voix la plus grave pour lui dire :

-Marisol Montaigu-Samson…

Eriu éclata de rire. Son rire balayait la neige de sa gorge, vibrant, appel à la joie.

-Je t’ai attendue longtemps, tout allait bien ?

Elle se reprit un peu, se mettant à sa hauteur. Eriu était comme une enfant, contente de retrouver son compagnon de jeu

-Sinon, Salut, contente que tu aies pu te délivrer pour moi

C’était honnête, tout ce qu’elle avait besoin de transmettre.

Vie écarlate, sa peau s’enflamme au contact chaleureux de Marisol. Le tissu ne sert à rien, le contact est si simple, si vrai, comme si il avait toujours existé, comme si elles étaient accordées. Le monde avait un sens furtif, tandis qu’elle appuyait sa joue contre la sienne, torse contre torse. Elles étaient soeurs, et quand tendrement l'étreinte se brisa, le monde était plus lumineux.

Le monde était comme Mari. C’était un bonheur simple, goûtu et pourtant, ce nouveau monde lui tirait un sourire apaisé. Il manque un et le monde entier est dépourvu de vie. Et là, le “un” était avec elle.

Eriu se doutait de la raison du retard de Marisol, des raisons duveteuses, des raisons paisibles. Marisol ne ferait jamais attendre quelqu’un pour une chose stupide, alors elle eut un sourire et haussa les épaules, le vent glissant sur ses épaules. Ce n’était pas grave, ce n’a jamais été grave.

-Je comprends, tu as dû avoir une raison bien à toi. Comme aider une âme esseulée, peut-être ?

Ton semi sérieux, monde qui scintillait dans le creux de la main. Elle écoutait ses mots, voyait les petits cristaux d’eau qui se manifestait dans l’air à son souffle, un sentiment tendre qui se balançait dans les creux de ses tripes. Elle n’avait pas besoin de dire quoi que ce soit, marisol savait à quel point eriu rendait ses sentiment. Pourtant, une petite larme glacée sur le haut de sa joue existait pour prouver l’inverse. C’était beau, c’était véritable.

((vraiment un rêve))

-Je ressens la même chose, ça fait bien trop longtemps...Si tu n’étais pas toujours là, j’aurai pu oublier ton visage.

Elle riait, la main sur le coeur. Une petite blagounette, pour apaiser ce moment cérémonique. Petite bouille de soleil mère qui prenait un air renfrogné, elle lui pinçait la joue. Légèrement, comme un baiser d’oiseau. Façon de dire que c’était juste un jeu.

Puis en se reculant, elle prit une grande respiration, avalant goûlument le temps commun.

-Je t’avoue que j’avais grandement envie d’aller voir le stand de bougie ! Il paraît qu’il y a un parfum qui sent la neige, tu trouves que ça a une odeur ? Oh aussi ! J’aimerai bien voir le stand de décoration, si cela te dérange pas.

Marchant à côté d’elle, créant cette aura de joie que les fêtes vénéraient, le stand de pâtisserie débordait doucement d’odeurs gourmandes, les rires étaient une mélodie, chaque pas avec Marisol était heureux.

-D’ailleurs, si tu veux manger ou boire quelque chose, n’hésite pas à me le dire. Je t’invite!

C’était nullement un cadeau, Juste un désir égoiste d’Eriu. Elle voulait lui faire plaisir, elle voulait lui donner une bonne journée digne de ce nom. l’humeur était festive, autant en profiter.

Eriu rêvait
D’un monde sans Mari
Peut-être que c’était son monde avant ?
Eriu vivait
Un monde avec Mari.

Un monde chaud, vivant, rirant, qui sentait la joie, qui respirait l’audace. Ce monde temporel était si cher, si précieux, si magnifique que l’argent avait été inventé pour tenter de le vendre. Mari était l’incarnation d’un monde, Eriu était l’heureuse bénéficiaire. Elles avançaient ensemble, bras liés, telles des siamoises, deux corps pour un lien.

C’était…
Oh…
C’était la première fois que quelqu’un était de sa “famille”.
Le monde avait été bon en dotant Mari de son existence.

Le monde a été tendre malgré ses vents glacials, ses tempêtes nivéales, les nuits rigoureuses. Car le monde lui avait permis de croiser le chemin de Marisol, son étoile polaire.

C’était bientôt la fête de la famille, et pourtant...Marisol était la seule personne avec qui Eriu voulait donner ce moment. Un bref moment d’émotion, une empoigne autour de la main froide de Mari. Comme un aveu silencieux, un souhait perdu.

“J’aimerai fêter les fêtes d’hiver avec toi. J’aimerai partager ce moment mythique avec toi.”

Mais, les mots ne veulent pas sortir. Alors, elles avancent ensemble, dans cette poudreuse invisible.
Puis, elles parlaient de choses si innocentes.

(Le monde avait pas
besoin de tourner maintenant)

L’odeur de la neige. Marisol titillait son intérêt maintenant. Son nez avait jamais été particulièrement sensible aux odeurs australes, encore moins au givre. C’était une chose étrange que d’inventer une bougie à cette odeur. Qui aimait la poudreuse après tout ? Ne fuyait-on pas la neige armés des plus épaisses vestes pour ne pas finir frigorifié, pour continuer à vivre ?

Alors, elle se demandait. la neige pouvait avoir l’odeur d’une boue tendre. Une boue qui tâche, qui refroidit. L’odeur des rires. L’idée était étrange, mais apaisante. Elle parlait ainsi à Mari :

-Peut-être que l’odeur de neige est différente ? La neige est faite de boue aussi quand elle commence à fondre ? L’eau prend bien une odeur différente en fonction de son entourage ! Mais...je reconnais que c’est un parfum vraiment mhh...si je devais être gentille, je devrais dire atypique.

Vague de rire, petite pique gentillette pour ce monde doux. Eriu sentait avec Marisol toute la limite du monde, l’éducation des moeurs, la bonté de son coeur. Eriu n’était pas bien, Eriu était coupable de mettre Mari dans une bien fâcheuse position.

Le coeur tendre
de Mari
Ne veut pas la blesser
Ou l’abuser.

Mais, elle lui tient quand même doucement la main. Entendant ses mots, comprenant son corps. Elle n’insistera plus, mais sa main sera généreuse pour Mari. Car même si la possession ou la satiété n’étaient pas ses objections, ni la condition pour passer une journée mémorale….

Elle lui rendit son sourire. Et l’affaire fut balayée d’un vent gelé mais hospitalier. Eriu la suivit sur le stand curieuse. Une armée de petits flacons se battaient pour avoir son attention. Des colorés, des noirs, des blancs, des jolis, des étranges. Que de choix. La foule ne fut même pas ennuyante quand il fallut s’en approcher. Du moins...Elle ne s’en aperçut point!

Sa soeur de coeur semblait pleine d’une nouvelle vie, attrapant la bougie et la sentant. Gâteau au chocolat qui cuit dans le four ? Quel appellation précise. Se penchant par dessus l’épaule frêle de Marisol, elle prit une bouffée de cette bougie. C’était fabuleux. Elle pouvait s’y voir.

Attendant devant un four ronronnant son gâteau, l’odeur qui embaume la pièce, les moindres petits recoins oubliés ou oubliables de ce sanctuaire pâtissier. Ca ne lui donnait pas faim, non…

(c’était de la nostalgie.)


-C’est vraiment époustouflant Mari! J’aurai cru sentir que l’odeur du chocolat, mais je sens la scène! Tu y arrives aussi ?!

L’excitation rend sa voix fluette, ennuyante. Mais vibrante, elle avait plus besoin d’essayer. Attrapant un parfum au hasard, elle lut l’étiquette pour le jeu de faire sentir quelque chose de nouveau à ce petit bout d’absolu :

-Sens moi ça ! Si tu arrives à deviner, tu es particulièrement douée!

Un jeu...Comme une fragrance de notre enfance…
Oubliée, mais si vivace aujourd’hui.

Les yeux lumineux de Mari semblent se perdre entre les différents mondes de sa vie. Les régions perdues de sa mémoire, les rires de ce temps indolent, le temps de la joie du gâteau.

Les enfants ne mangent pas parce qu’ils ont faim. Les enfants ne rient pas parce qu’ils sont joyeux. Les enfants ne vivent pas parce qu’ils veulent vivre. Les enfants vivent, rient, mangent parce qu’ils veulent ressentir la chaleur, l’amour. Les enfants veulent être aimés car sans amour, pourquoi continuer à manger ? Pourquoi continuer à jouer ? Mais les yeux de Mari hurlent que Mari a été aimée.

Mari a été la petite chérie de parents doux. Mari a été l’ange des moments de solitude. Alors, Eriu souriait. Car tout était joli et le chocolat était l’odeur qui pouvait apaiser les pires blessures. Car le chocolat rappelait un rêve où tout était plus simple, où tout était plus joli.

Le rêve de l’enfance.

Un peu excité oui, un peu heureuse certainement, éblouie oui. La magie de noel était forte car les coeurs la désirait. Et dans les yeux de Mari, il y avait du bonheur, de la nostalgie, de l’émerveillement.

-Eheh, c’est absolument pareil! Ca l’air songeur sur les capacités des alices, tu ne trouves pas ?

Puis ça continue. Les gens qui se pressent contre eux, les rires, la vie qui pulse et vit constamment entre elles. C’était pas très important maintenant, n’est il pas ?

Elles étaient leurs mondes à elles
L’existence à part entière
de celle qui semblait
être soeur de l”autre.

Mettre la bougie sous le nez de Mari fut un peu brusque. Mais ce n’était pas grand chose, pensait Eriu. Juste une impulsion innocente. Quelque chose qu’un enfant ferait. Sans y réfléchir, sans peur, sans angoisse.

C’était juste quelque chose pour rire, après tout. Marisol respira l’odeur, ses yeux parti ailleurs dans des nuances inconnues. C’est vrai que Mari était un être à part, un être qui fut heureux. Alors par curiosité,pour atteindre ses paradis qui étaient d’une douce couleur grise, elle huma à son tour cette bougie.

Cela ne sentait rien au début. Elle allait être déçue, taquinée un peu les joues rougies et les yeux qui commençaient à se gonfler de sa douce Mari. Quand soudain, un fragment.

L’odeur de livre, ça sentait les livres neufs. Les replis de la bibliothèque de l’académie. Elle entendait les pas, les petits rires.

Ce n’était pas l’académie.
Ce n’était pas ce qu’elle croyait voir.

Elle sentait l’odeur d’une eau de cologne. L’odeur du cachemire propre. Un souvenir longtemps oublié. Les bras de son père, toute petite Eriu. Souvenir primitif, originel, primordial.

Elle sentait son souvenir. Les paroles douces de son père, le lien tendre, la main de sa mère sur son dos. L’odeur de leur parfum, l’odeur du livre qu’il lit. L’odeur de la lotion pour le corps de sa mère.

Elle sentait tout ça. Et c’était perturbant.

Car elle ne devrait rien sentir après tout, elle devait être close du nez. Elle n’avait eu d’enfance qu’avec Marisol. Alors pourquoi ce souvenir existait ?

Chassant ce souvenir, elle n’avait pu très envie de sourire. Mais, voyant les yeux pleins d’une vie passé de Marisol, elle eut une douce ombre

-J’ai senti l’odeur des parfums de mes parents! et toi ? Je parie que tu as senti quelque chose de sucré, vu comment tu es toute douce !!

Petit rire, joie réinjecté dans ce monde qui devait devenir autre chose que gris. Car Marisol était là. Plus de passé, que le futur.

-Tu as trouvé la fameuse bougie neige ? Dis moi entre la bougie fondant au chocolat et enfance, qu’est que tu prèferes ?

Elle faisait danser la bougie d’enfance entre ses doigts. Hésitant à la reposer. Car quelque chose en elle, voulait pas perdre l’odeur d’un temps perdu. Malgré toute sa volonté.