— fidèle c'était le premier, judas c'était le second ; l'humour des parents dans les prénoms, c'est plus tard qu'ils en grinceront des dents - c'est qu'en plus judas on l’appelait en premier dagobert et que lui, on lui a même pas donné d'autre alternative il a dû se l'inventer lui-même

— dès le départ c'était jamais l'un sans l'autre ; fidèle il doit l'avouer, il s'en rappelle à peine assez, c'est que sans les photos il pourrait même pas différencier ses parents vous savez

— trop jeune pour se souvenir des pleurs et des déchirures au cœur, y a l'histoire dans sa tête qui commence quand ils étaient au nombre de deux - les retrouvailles qui rendent plus fort, le dos droit et le nez en l'air, c'est la main dans la sienne pour ne plus jamais la lâcher

— à la primaire on lui fait comprendre que son prénom est limite limite et c'est juste après que ça choisit celui-ci bien plus compliqué à prononcer, les pas qui se précipitent vers judas et le doigt pointé pour lui dire ne m'appelle plus jamais comme ça !

— correspondance avec maman et papa pendant ce temps et jusqu'à maintenant, zéphyr il dit tout de tout à ses parents c'est que d'ici ils peuvent rien faire pas vrai et puis s'il veut s’appeler comme ça, personne n'en a rien à en dire - fallait réfléchir avant de confondre mon prénom avec celui du chien de maison !

— et derrière les lettres on lui dit sois fort ! alors il sera fort. on lui dit sois appliqué et concentré. alors il fait du mieux qu'il peut pour rendre fier, ça vise les astres sans même qu'ils aient à redemander. on lui dit ne fais pas n'importe quoi ! mais il a jamais su comment faire. et puis, on lui dit aussi protège ton frère ! mais ça c'était pas nécessaire.

— la prochaine étape c'est le collège et zéphyr il en fait peut-être qu'à sa tête, collé à son frère ça grogne contre le monde de pas trop s'en approcher parce qu'il l'aime si fort vous savez, c'est un peu sa seule constance dans l'existence pour lui il est prêt à tuer

— et puis savoir qu'il est pas éternel, ça fait mal, mal, mal, dans son esprit sa vie s’éteint au moment même où celui-ci disparaît alors c'est peut-être de là que l'envie de tout vivre s'est fait ressentir ; c'est comme s'il se jugeait limité, ça compte les battements de judas avant la (leur) finalité

— et puis c'est le lycée, promis, promis qu'il s'est calmé, doucement, sûrement, c'est les découvertes, ça s'élance dans un tout c'est un bordel sans nom pourtant ça sauve les apparences ; zéphyr toujours propre sur lui alors que c'est sale ce qu'il fait pourtant c'est un bon garçon quand on le connaît

— maintenant c'est la dernière ligne droite, ça fait peur de se dire que bientôt il sera loin de tout ça - il veut pas, il veut pas, il veut rester là ici à tout jamais c'est en dehors qu'il se sent emprisonné