(end) plénitude ❞ miel (stand 4)

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plénitude — miel & sohan

sohan n'avait jamais connu la quiétude - de son enfance exiguë aux devoirs constamment imposés par sa propre ambition, il ne connaissait que stoïcisme et hypocrisie pour dénouer le fil de son monde ; et parfois, il fallait bien l'avouer, il étoufferait presque de ne pas savoir se laisser aller

à travers les stands des Techs il analyse brièvement pour ne pas se retrouver incapable de rendre compte en cas de rapport à fournir, et ses yeux se posent instinctivement sur des objets disposés sur le stand près d'un espace détente ; ah oui, tenu par la jeune Devray - et il avait déjà vu le représentant principal s'y être arrêté la veille.

il s'approche ; presque en proie idéale, et pendant que Miel a le dos tourné il pose sa main pour dévisager brièvement le grigri attractif - elle se retourne, et le voilà à se perdre en justification.

❝ bonjour Miel. ❞ il avait une mémoire excellente des noms et des visages ; et le patronyme qui lui était associé se répandait en nombre dans l'académie, alors elle n'était pas vraiment un piège.

❝ ce sont les objets que tu fabriques, c'est ça ? ❞

et il y avait une quiétude inattendue qui planait soudainement dans cet échange - le premier, en fin de compte.

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plénitude
miel & sohan

Je ne t'ai pas entendu arriver, Sohan, mais quand je me suis retournée, je n'ai pas sursauté. Du monde qui passait à ce stand il y en avait, la plupart du public autorisé s'était approchée de cette manière-là : sans bruit et hypnotisée. Machinalement j'ai répété le texte que j'ai préparé pour tous les clients, avoir des répliques pré-construites ça me permet de ne pas flancher.

« C'est cinquante rabbits l'unité. L'effet dure une à deux heures. Il n'est efficace qu'à titre personnel et le bijou se désagrège pour disparaître tout à fait une fois épuisé. »

Mon regard se fige sur toi et c'est comme si mon esprit venait d'émerger. Je me rends compte que je n'ai pas du tout répondu à ta question, et je me confonds en maladresses.

« Ah, euh. »

Alors je secoue la tête, je ne sais pas trop quoi dire, je me sens bête. Je déglutis, reprends mon calme en tapotant nerveusement contre le stand et m'efforce un sourire bancal et dénué de toute joie. Je suis exténuée.

« Oui, ce sont mes grigris. Mais... Ils sont à cinquante rabbits. »

Ne te fais pas de fausses idées, je n'essaie pas de te soutirer de l'argent.

« Je dis ça parce qu'hier quelqu'un m'en a volé quelques uns et c'est idiot parce qu'ils... ne fonctionnent pas dans des mains inappropriés, ils se désintègrent sans avoir eu le temps de prodiguer leurs effets. »

Je baisse les yeux. L'idée de tous ces bébés gâchés, ça me brise un peu.

« C'est injuste, ils étaient très beaux, et c'étaient mes modèles d'exposition. Alors maintenant il ne me reste que ceux-là... »

Un regard aux cinq grigris posés sur le stand.

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il l'écoute et s'amuse à la détailler ; elle avait ces airs de poupée tellement évident que nombreux devaient être ceux à la réduire à ça, et d'emblée, sohan pouvait deviner une force d'esprit contrebalançant un physique plus frêle - elle n'était pas moins jolie.

❝ qui t'a volé ? Tu en as une idée ? Je suis au conseil, tu sais. ❞

et contrairement aux autres, stratégiquement, il devait agir différemment - de manière moins crispée, solennelle, ou moralisatrice.

❝ j'veux dire... ❞ chacun des mots choisis avaient une résonance particulière - parce qu'il s'agissait de Miel Devray, de ses grigris, et de l'esprit tourmenté de Sohan.

❝ si t'as besoin, on est là pour ça. ❞

et puis pour éviter les troubles, il reporte son attention sur les grigris et en désigne un plus particulier, aux couleurs plus vives que les autres.

❝ celui-là me plaît. Tu penses que ... ❞ et il fallait faire un pas vers elle alors il s'appliquait, et ne s'en cachait pas ❝ mes mains sont appropriées ? ❞

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Je secoue la tête. Je n'ai pas envie de lancer une chasse aux sorcières. Ce n'est pas si grave, si les grigris ont disparu. Et puis il n'y aurait aucune preuve. A l'heure qu'il est, ils doivent déjà être retournés à l'état de poussière. Les dégâts ne sont pas matériels. C'est à l'intérieur de mon cœur que ça a ouvert des plaies.

« C'est gentil, mais ça ira. »

D'habitude je ne me fatigue pas à dire ces phrases-là. Je communique avec des gestes un peu vagues, et je laisse les autres plongés dans le silence. Mais toi, Sohan, on dirait que tu me laisses toujours tout le temps de parler, que tu attends pour m'écouter. Alors je veux bien faire cet effort pour toi, au moins un petit peu.

Quand je baisse les yeux sur le grigri que tu désignes, je suis un peu gênée. Celui-là, je l'ai fait pour Saada. Je suis étonnée que ce soit lui qui t'ait hypnotisée, mais pas tant que ça. Je le prends entre mes doigts, et alors que le silence s'installe, je songe que je n'avais jamais fait cette expérience-là.

Oh, avec les Devray ça ne marchait pas vraiment, tu sais. On a tous été adoptés. Alors je t'ai tendu le bijou qui avait pris la forme d'une mésange, en hochant la tête un peu.

« Je ne sais pas. Je ne l'ai pas fait pour toi, mais... pour Saada. Alors peut-être que ça vaut la peine d'essayer ? »

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bien entendu il ne lui était pas désigné ça aurait été trop simple - un peu occulte aussi, et Sohan était la définition même du rationnel ; pourtant il ne peut pas s'empêcher de sourire à l'énonciation de Saada. Ça ne l'étonnait pas tant que ça.

❝ ça ne m'étonne pas de Saada. C'est ma soeur. ❞

et comment aurait-elle pu savoir - Saada ne parlait pas vraiment de Sohan, où du moins pas à sa connaissance, et peut-être que son égo gonflé y trouvait une nourriture orgueilleuse.

❝ tu la connais ? ❞ il range ses mains dans ses poches et s'abstient de toucher à nouveau les grigris disposés, ils ne lui appartenaient pas, et elle était encore la mère formelle de ces objets - il attendrait sa permission tacite, sur tous les plans.

❝ le singe est plutôt cool. ❞

mais autant l'aiguiller, Miel - ils ne se connaissaient en rien, comment pouvait-elle savoir.

❝ et ces grigris... ils sont assez reposants. ❞ le regard de Sohan plonge dans les yeux de Miel, et il se permit, sans contrôle, une pensée à voix haute ❝ où peut-être que ça vient de toi ? ❞

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miel & sohan

Je lève les yeux vers toi. Saada je la connais mais je préfère que tu ne le saches pas. En fait je connais beaucoup de monde, parce que je m'assieds et que j'observe. Les noms des gens me sont tous à peu près familiers, je les associe à des visages et des idées. Toi, Sohan, je savais aussi, et pas seulement parce que tu fais partie du conseil. Juste parce qu'un jour tu es passé dans le couloir où j'étais, et que j'ai entendu ton nom se faire appeler. Des conversations sans intérêt pour quiconque étaient une source immense d'informations pour qui voulait bien les écouter.

Alors de mes doigts l'oiseau retourne à la table et je regarde le second qui t'attire. Je le prends et l'observe. Normalement je ne vends pas les modèles d'exposition. Comment avouer que j'ai fait celui-là en te regardant dans un couloir ? Je n'ai pas envie d'avoir l'air bizarre.

Ou peut-être que c'est déjà trop tard.

« Ah, euh, alors.. »

Je baisse les yeux. Il s'est illuminé d'une lueur tendre, et il m'a paru un peu étrange. D'habitude les effets sont chaotiques, avec toi ils ont l'air si apaisants. Je me demande à quel point tu es troublé de tempêtes, à l'intérieur de toi, pour que mes grigris décident de te faire cet effet-là ?

« Ca fera... cinquante rabbits, s'il te plaît. »

J'ai parlé très doucement, parce que j'ai de la peine à avouer qu'il y en avait déjà un prévu pour toi ; comme pour beaucoup d'autres que j'observe dans les couloirs.

« Dès que tu l'auras pris, il va se consumer, mais je peux le sceller pour une durée déterminée, pour que son effet se déclenche à retardement. Comme j'ai dit ils durent entre une à deux heures. C'est comme tu veux.. »

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plénitude — miel & sohan

elle se tait, ne répond pas, élude ce qui semblait relever de l'intime pour elle et Saada - il reste muet, interdit, mais des dizaines de questions viennent l'envahir devant son mutisme ; peut-être qu'il avait été trop pressant, voire indiscret, et que sa dernière question l'avait mise mal à l'aise - il était crispant, Sohan.

❝ c'est pas donné, ces petites choses. C'est que ça doit valoir le coup. ❞

il pouvait paraître brutal, et pourtant à l'instant il ne l'avait pas vraiment voulu, alors il porta sur elle un regard naïf, grand ouvert sur son monde, et tend la main vers elle après avoir déposé les rabbits de l'autre sur la surface de la table.

❝ c'est censé faire quel effet, en fait ? ❞ les grigris étaient l'objet du débat, et pourtant une question si évidente venait bien tard dans leur échange - la créatrice avait un pouvoir bien plus monopolisant, mais il n'en dit rien, par peur de la crisper un peu plus que ce qu'il savait déjà.

❝ je veux bien que tu le scelles, oui. ❞

et finalement il retira sa main, puisqu'elle avait encore à faire, et il l'observa sans rien dire, semblant admiratif, les yeux rivés sur le mouvement de ses mains attardées sur le petit objet.

❝ j'essaierai cette nuit, si j'ai envie de dormir un peu plus que trois heures. ❞ ça lui avait échappé - il n'en parlait jamais, quel intérêt ?
et pourquoi, tout semblait échapper à son contrôle, quand elle était là ?

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miel & sohan

Comment te dire, Sohan que je ne sais pas ? Je n'ai pas la moindre idée de comment ça marche, je ne sais pas ce que les gens vivent ; j'aimerais, mais ces objets n'ont aucun effet sur moi, pas le moindre. Je penche la tête, un peu, j'essaie de trouver des mots qui te satisferont, mais je crois qu'il n'en existe pas. Alors je bafouille, je m'égare.

« Erm.. »

J'ai pris l'argent et ait scellé le bijou entre mes mains. Sa lumière s'est éteinte, et elle se réveillera ce soir, comme tu l'as demandé. Je te tends ton achat, et j'esquisse des hypothèses, un peu maladroites.

« Ca dépend des gens, je crois ? Parfois j'ai l'impression qu'ils ont la tête qui tourne, et ils deviennent incohérents. Certains s'endorment, d'autres sont juste plus rigolos, ... »

Alors peut-être que tu n'auras pas du tout envie de dormir, ce soir, mais j'espère pour toi que tu t'assoupiras. Ne prends pas ça pour de la bienveillance, je me sentirais juste un peu mal si tu venais demander remboursement, ou si tu parlais mal de mon stand.

« J'espère que ça ira, alors, pour tes insomnies... »

Ma voix était effacée, parce que je n'aimais pas avoir l'air de cette enfant douce - ou fragile. Ça ne me convenait pas.

« Tu viendras me dire ? Ce que ça a fait ? »

Je t'ai esquissé un sourire, j'espère que tu l'as vu car il n'était que pour toi.

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plénitude — miel & sohan

entre ses mains se retrouve le grigri maintenant scellé et il lui tardait d'être à ce soir pour découvrir les promesses tacitement faites et profiter des effets espérés. Sohan esquisse un sourire doux, apaisé déjà mais pas par l'objet non, plus par Miel elle-même qui traçait des sillons d'innocence sur sa peau sans même le frôler.

la discussion n'avait pas beaucoup d'intérêt pour qui l'avait écoutée : des banalités échangées somme toute entre deux élèves parfaitement inconnus l'un de l'autre jusqu'alors, un marchandage sans briser aucune règle - trop sage -

mais elle savait, elle seule, ce qu'il ne disait à personne d'autre - ses troubles du sommeil, ça n'avait rien d'extraordinaire, banal, risible presque, et la voir solliciter quoi que ce soit de sa part, un retour, une inquiétude minime - mais elle avait le mérite d'être.

alors il range le grigri dans sa poche et ses yeux balaient le visage de la douce enfant.

❝ c'est promis. merci. ❞

théâtral, excessif, mais il n'avait que ce dernier mot à dire - et malgré sa froideur, il était systématiquement interpellé - subjugué - par ceux qui, contrairement à lui, étaient capables de lire dans les yeux des autres sans contrepartie.

❝ bon courage pour ton stand. ❞