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— Sasha a été adopté un peu avant ses un an.
— ses deux sœurs, Héloïse (la cadette) et Magnolia (l’aînée) sont arrivées en même temps un peu plus d’un an après Sasha. Elles ne sont pas des sœurs de sang non plus.
— Maman est une anglaise qui a deux alices, le premier lui permettant de contrôler l’amour, le second lui permet de détecter les autres alices. Elle a été à l’Académie durant sa jeunesse ; c’est une partie de sa vie qu’elle a très mal vécu. Une fois « libre » elle est partie vivre aux USA.
— Papa est un américain de la Nouvelle-Orléans aux origines françaises, tout ce qu’il y a de plus normal. Il est tombé amoureux de Maman sans qu’elle utilise son alice.
— Maman a toujours voulu une grande famille, mais elle ne voulait pas perdre ses enfants à cause de l’Académie, donc elle ne souhaitaient pas qu’ils portent son nom… manque de chance, Maman est stérile.
— Les parents ont dû se marier pour pouvoir adopter et Maman s’est employé à user de son alice de détection pour « sauver » des enfants.
— Ils ont beaucoup voyagé, tout en restant aux USA.
— Maman est du genre étouffante, elle couve clairement les trois enfants, alors que Papa est beaucoup plus cool. Il est certain qu’elle a user de son alice d’amour pour éviter des disputes entres les enfants, pour le reste rien n’est prouvé pour le moment.
— Les autorités ont fini par les trouver alors que Sasha n’avait que 6 ans, Magnaolia et lui ont été envoyé à l’Académie Alice en Irlande (Héloïse n'a pas d'alice, mais au vu de sa proximité enfant avec Magnolia, Maman et Papa l'ont tout de même adopté).
— Papa et Maman (surtout Maman) leur écrivent toutes les semaines depuis, cela fait un certain temps que Sasha n’arrive plus à répondre avec assiduité (notamment à Maman).
— c’est au début de l’adolescence que Sasha a commencé à être suivie par un psychologue, quand il s’est dit de lui-même que quelque chose clochait.
— pour Sasha, il est très compliqué d’exprimer l’amour et il se trouve qu’il est physiologiquement bloqué vis à vis de son désir (en gros, même s’il en a envie, il n’a pas d’érection).
— il suit donc une thérapie pour essayer de débloquer tout ça et il y a de forte présomptions sur le fait que ça soit peut-être à cause de sa mère d’adoption. Sasha espère que non, mais en soit il n’arrive pas à la confronter (surtout que par lettre lol). On pense même qu’elle a possiblement étouffé son TDAH en essayant de le calmer avec son alice.
— pour le moment, ça n’empêche pas Sasha d’aimer la seule maman qu’il a connu, mais c’est assez compliqué pour lui car il remettrait presque en doute sa relation avec ses sœurs, qu’il aime plus que tout.
— voilà, c’était le gros résumé de l’histoire de Sasha !
C’est toujours comme ça.
Sasha se demande de plus en plus souvent pourquoi il continu d’y aller, de suivre des séances chez le psy et pourtant, inlassablement, toujours un peu en retard au rendez-vous qui a été fixé la fois précédente, il se pointe. Ses phalanges toquent contre la porte et doucement il l’entre-ouvre. Le psychologue O’Bannon toussote un peu et Sasha se décide à véritablement enter.
« Bonjour. » « Bonjour Sasha. » Pendant un instant il reste debout, se demandant à l’instar de Lincoln comment va se passer la séance : Va-t-il réussir à rester en place ? Sasha s’avance et va s’installer sur la banquette, déposant son sac au sol.
« Comment ça va pour toi aujourd'hui ? » Assez habituelle comme question. Sasha se demande à chaque fois s’il la pose à tout ceux qui viennent le voir, probablement. Lincoln O’Bannon est le psychologue de Sasha depuis maintenant trois et c’est probablement celui que préfère l’adolescent de tout ceux qu’il a eu. Il ne tarde pas à répondre :
« Ça va bien et vous ? » C’est une habitude pour Sasha de retourner les questions quand on les lui poses. Il ne ment pas, son TDAH semble ne pas être ingérable en ce moment et son alice ne s’est pas trop déclenché pour rien non plus. Au fond, ça le rend nerveux et comme si le psychologue le savait, il se tourne pour sortir d’un des tiroirs de son bureau un
fidget spinners. Sasha remercie l’homme au cheveux brun silencieusement alors que ce dernier lui répond :
« Ça va aussi, merci. » Cela décroche un sourire à Sasha, qui fait tourner le
spinners entre ses doigts. O’Bannon agite une main en direction de son écran d’ordinateur.
« Je peux aussi aujourd'hui ? » Le rouquin sait très bien ce que ça veut dire, il va enregistrer ses pensées, ses souvenirs entre autres ici. Il s’écoule quelque secondes d’hésitation avant que Sasha donne son accord d’un simple hochement de tête.
« On commence par quoi ? » Comme toujours il est impatient et le psychologue semble réfléchir avec ses doigts tatoués entremêlés.
« On va commencer par le commencement, une nouvelle fois. Quel est ton tout premier souvenir d’enfance ? » Ses yeux sont plantés dans ceux de Sasha, son pouvoir est actif et il lance l’enregistrement sur l’ordinateur. L’adolescent prend une grande inspiration et ferme les yeux.
Même en remontant le plus loin possible dans son esprit, il est incapable de se souvenir de quoique ce soit avant son adoption. Il a beau forcer sa mémoire, il n’arrive pas à entendre la voix de sa génitrice, ni à avoir le souvenir de son odeur… tout ce qu’il y avait avant son adoption par les Amouretti s’est effacé ; après tout, il était si jeune. Les paupières de Sasha papillonnent et il ré-ouvre pleinement les yeux.
« Ce n’est pas très clair, mais je crois que c’était le soir de Noël ou mon anniversaire, en tout cas il y a plein de papiers cadeaux. Maman m’explique que je vais avoir une sœur. » Un sourire énigmatique qui semble laisser transparaître un certain amusement, s’étire sur les lèvres de Sasha.
« Au bout du compte, j’en ai eu deux. » Il n’est même pas sûr que cela soit un véritable souvenir, c’est peut-être simplement né du fruit de son imagination. Un premier souvenir factice, doux, comme pour combler l’espace vide jusqu’ici.
Lincoln observe les images sur l'écran. Elles défilent à vitesse grand V et s'il ne lui était pas possible de les enregistrer, il lui serait probablement impossible d'en comprendre le sens. Les fonctions cognitives du garçon voyagent à la vitesse de la lumière. Images, émotions, texte parfois même, rien ne fait sens comme sur une œuvre d'art contemporaine qu'on voit parfois. Il hoche la tête en caressant sa barbe.
« Hmm... Et tu te souviens de ce que tu as ressenti quand elle t'a dit ça ? » Sasha fronce légèrement les sourcils. Les souvenirs impliquant sa mère sont assez dur pour lui, dans le sens où il ne sait pas si elle était parfaitement normale, ou si au contraire, elle était entrain de le pourrir avec son don. Il réfléchit un instant avant de répondre, tout en essayant de ses rappeler :
« Je pense que j'étais content, enfin... si on me l'annoncais maintenant, je le serais. Pour être franc, à l'époque je n'en sais rien. » Lui-même a conscience que quelque chose cloche, normalement les souvenirs avant l’âge de trois ans, c’est… bref. O’Bannon semble partir sur une autre question que Sasha connaît bien.
« D'ailleurs, si tu devais me donner un sentiment ou une impression pour décrire ton enfance avant l'académie, ce serait lequel ou laquelle ? » « Heureux. Il y avait beaucoup d'amour dans notre foyer. » Ça lui laisse un goût amer dans la bouche, car il sait très bien que cet amour peut être biaisé et ça expliquerait probablement pourquoi aujourd’hui loin d’elle, ils sont tous un peu dysfonctionnels à leur façon.
Chaque mouvement, chaque mimique, aussi subtils soient-ils, le psychologue les analyse avec minutie pour en tirer des conclusions plus tard. Pour le moment, c'est uniquement de la concentration et des notes qu'il prend pendant leur échange. Il hoche la tête à chaque fois que Sasha répond avec diligence, malgré ses hésitations.
« Je vois... » Lincoln en gratte à nouveau le papier de sa mine de critérium.
« Et tes sentiments, comment tu pourrais expliquer qu'ils soient brisés ? Que toi, tu te sentes brisé ? » Sasha commence à se sentir légèrement tendu, il gigote sur la banquette, un peu comme s’il cherchait une meilleure position. Ce n’est pas quelque chose où il arrive à mettre des mots. O’Bannon semble l’avoir sentie et rapidement il le rassure :
« Ne réponds que si t'en sens capable, Sasha. Pas de pression, n'oublie pas. » L’adolescent sourit pour signifier que ça va et il se replonge un instant dans ses pensée pour essayer de trouver des mots à aligner sur un sentiment qui le poursuit depuis ses douze ans environs.
« Hum... je ne sais pas expliquer comment, car au mieux on aurait des hypothèses, rien de concret, mais je peux expliquer ce que je ressens. C'est un peu comme... » Il commence à agiter ses mains pour parler, c'est toujours le cas quand ça devient complexe et le psychologue l’encourage d’un petit sourire.
« Suivre une notice à la lettre et qu'au bout du compte ça ne fonctionne pas. Tout est là, bien à sa place et pourtant, ça ne fonctionne pas. » L’homme aux tatouages laisse échapper un rire qui détend Sasha et le fait sourire plus profondément.
« Exactement comme un meuble d'une marque suédoise dont on ne citera pas le nom. Il y a toujours une vis en plus et on ne sait pas où la mettre et ça perturbe, c'est un peu ça ton sentiment, non ? » La réponse de Sasha à la question est assez instinctive :
« J'aurais plus l'impression qu'il manque une vis. Le meuble tiens et pourtant, il manque un truc, mais... peut-être que je me trompe et au contraire, il semble y en avoir une en trop. » Ses sourcils se froncent légèrement, cette question il doit encore la potasser un peu avant d'y trouver une réponse adéquate. Le psychologue semble essayer de pousser délicatement Sasha à dire des choses profondément ancré en lui. Le début de la nouvelle question de Lincoln tend légèrement Sasha. Cette formulation est généralement signe de quelque chose que même le psychologue peut juger délicat.
« Encore une fois, tu as le droit de ne pas répondre verbalement mais... Tu préférerais savoir si ta mère a utilisé ton alice à mauvais escient et a fait de toi ce que tu es aujourd'hui ? Ou bien rester dans l'ignorance totale ? » On sent qu’il fait bien attention à ne pas employer les termes de déni, culpabilité ou rancune, tout en essayant d’amener Sasha vers un aveu ou du moins, une réalisation. Ce dernier grince des dents, mais il répond plus rapidement que pour les autres questions du même acabit.
« Je ne veux pas rester dans l'ignorance, mais j'aimerais que cela ne soit pas sa faute ou du moins, qu'elle ne l'ai pas fait exprès si c'est le cas. » Il a toujours eu l'impression qu'elle l'aimait profondément, trop pour lui infliger ça, mais il n'est pas exclue qu'il se fourvoie.
Lincoln dodeline de la tête par accord avec l’adolescent. Sasha commence à trouver le temps long, le
spinners n’est plus vraiment utiles et il commence doucement à faire bouger ses pieds, comme s’il jouait une rythme sur une batterie. Le psy semble bien penseur soudainement aux yeux du roux.
« Hmm je vois... De ce que tu me dis, ta mère semblait t'aimer vraiment. Mais ton père, tu m'as déjà dit être sûr qu'il n'avait pas été "victime" de l'alice de ta mère. Comment tu peux en être persuadé ? Il y a quelque chose qui te pousse à le croire ? » La question trouble un instant Sasha et à la fois, elle lui semble avoir une réponse assez logique. Il est persuadé que sa mère les aiment, vraiment, mais peut-être que cet amour la bouffe et qu'elle a peur de les perdre, ça expliquerait pourquoi elle aurait pu... Sasha secoue la tête, comme s'il essayait de s'échapper de ses pensées.
« La façon dont elle se raccroche à lui. Ça me semblerait trop surréaliste qu'il soit le pilier qui la fait encore tenir debout et à la fois sa marionnette. » Lincoln a bien conscience qu’en tant que psychologue, il doit déterrer même les souvenirs les plus douloureux pour y démêler quelque chose et le jeune homme n'est pas une exception. Mais il est courageux malgré tout, il continue sans relâche jusqu'au bout.
« C'est compréhensible. Ta mère n'a pas l'air d'un monstre tyrannique d'après tes descriptions, ni d'une manipulatrice patentée. Mais j'ai quand même une dernière question par rapport à ça. Selon toi toujours, dans quelles situations ta mère a pu utiliser son alice sur tes sœurs et toi ? Que ce soit une impulsion légère ou bien vraiment marquée. » Le fait que le psychologue aille dans son sens le rassure plus qu'il ne se l'avoue réellement. Sasha a peur justement de tellement se tromper sur le compte de sa mère... la vérité a un visage rude et brut.
Il soupire, ses nerfs sont mis à l'épreuve et la fin approche enfin… de toute façon, même Lincoln commence a avoir du mal à resté câblé sur Sasha. Ce dernier pense au fait qu’il va aller nager après la séance ; quand les pensées de Sasha commence à s’éparpiller c’est qu’il arrive au bout de sa limite. Pourtant, il prend une fois de plus le temps de réfléchir, de se poser et se baser sur ses souvenirs et ses impressions avant de donner une réponse.
« Quand on se disputait. Elle avait toujours le talent de nous calmer soudainement et à chaque fois, j'ai eu la sensation d'une vague d'amour fraternel qui me submergeais pour mes sœurs. » Une ombre de tristesse passe sur le visage de l'adolescent.
« Quand on faisait des cauchemars aussi, ou quand on avait peur. Ça donnait la même sensation que quand on boit une boisson chaude, mais partout. » O’Bannon semble particulièrement fier de l’adolescent, malgré que son regard glisse de temps à autre sur l’écran d’ordinateur. Sasha aimerait bien savoir ce qu’il y voit. Soudainement, Lincoln reprend la parole, alors que le roux n’attends qu’une seule chose : qu’on le libère. Cependant il reste assit et attentif.
« Si tu veux mon avis encore précaire, pour la seconde situation, c'est l'amour maternel. J'aimerais pouvoir échanger avec ta mère une fois pour la sonder elle aussi. Si tu le souhaitais, dans le cas où ça puisse se faire, je pourrais ou non te donner mon analyse. Pour la première situation c'est... Disons se servir d'un moyen pour faciliter le quotidien de parent. Tu avais ces sensations à d'autres moments ? Dans la vie de tous les jours ? » Sasha hoche affirmativement de la tête, oui il voudrait bien cette analyse et il écoute la suite. Le rouquin fournit un dernier effort de concentration, tout en ayant conscience qu'il y a une question silencieuse là dessous.
Et est-ce ça qui t'a donné l'impression d'être submergé par l'alice de ta mère ? Voilà ce que voudrait réellement lui demander O’Bannon, mais le psychologue a bien conscience que c’est trop brutal. Sasha hésite un instant.
« Peut-être, mais c'était moins fort alors... plus diffus. » Sans un regard vers l'enregistrement pour ne pas mettre Sasha plus mal à l'aise qu'il ne l'est déjà, le psychologue hoche une dernière fois la tête avec un
« Je vois. » qui laisse planer le doute sur une quelconque analyse puis fouille de nouveau le tiroir à
fidget spinner pour en tirer, non pas un autre petit bidule du genre mais un caramel mou. A la vue de la friandise, Sasha a presque failli se laisser fondre de soulagement, mais il s’est plutôt levé à l’instar d’O’Bannon qui lui tend le caramel avec un sourire chaleureux.
« Merci ! » Il était enfin libre d'aller se dégourdir les jambe, c'était limite s'il sentait des fourmis au bout de ses pieds.
« Merci à toi d'avoir tenu le coup. Tu peux filer te vider la tête maintenant, je ne te retiens pas plus longtemps. La prochaine fois, on fera une séance un peu plus douce et moins centrée sur tout ça si tu préfères. » Sasha relève ses yeux noisettes vers le bleuté du regard du psychologue.
« D'accord et à la prochaine fois, même jour, même heure ! » Il se baisse pour ramasser son sac et gratifie Lincoln d'un large sourire avant de passer la porte et de la laisser claque derrière lui.