par définition la vie est absurde. à l'échelle de l'univers, l'humanité est plus insignifiante que le plus microscopique des grains de tous les déserts du monde réunis. S'il faut relativiser son passage, l'existence de la planète terre se dilue dans une seconde qui se perd dans des heures.

Les étoiles qu'on regarde sont déjà mortes. A des millions d'années de nous dans une distance si indescriptible que la lumière la traverse plus lentement qu'un escargot un champ de blé, ces corps célestes en ébullition ont déjà connu leurs fin. A un paroxysme qui dépassera de loin toute allégorie que peut inventer Hollywood sur le trépas de l'homme, toutes les couches se sont disloquées dans le démembrement d'une réaction nucléaire. A côté l'homme crève sur la route, dans un lit d’hôpital et répand soudainement l'odeur nauséabonde de tous ses fluides. La mort a une sale odeur.

Braddock dans le minuscule salon de son appartement, perdu quelque part dans Kensington, lui même perdu quelque part dans Londres qui elle se perd dans le comté du même nom et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on arrive aux confins de la l'univers, avait rapidement compris que la vie humaine était anomalie. Un soubresaut bref et éphémère, égaré sur l'épiderme d'un geant qui n'en prendrait jamais conscience. Pas plus que l'être humain ne s'inquiétait de la disposition des atomes qui le composaient, un mardi en milieu de semaine.

Des lors, fallait-il vraiment s'inquiéter de marquer son passage sur cette planète ? De trimer dur pour faire quelque chose de sa vie et d'accorder une parcelle de son attention à la très horripilante madame Robinson, enseignante à l'école élémentaire du quartier ? Au milieu des Benzodiazepines, de la codéine et les centaines d'autres narcotiques de prescriptions qui servaient de béquille à ses deux parents, Braddock avait très tôt appris à enterrer ses rêves et à relativiser par le néant.

N'appartenant pas à l'infime majorité chanceuse qui roulerait sur le monde sur le dos de pauvres personnes comme ses parents, il n'y avait pas d'intérêt à consacrer tant d'efforts pour devenir quelqu'un ; quant au mieux il serait un petit cadre minable condamné à la vie d'entreprise jusqu'à ses soixante ans. Où la, ses enfants aliénés le laisserait crever dans son coin.

A quoi bon aussi utiliser son energie pour se révolter, s'inquiéter de causes qui ne le concernait pas ? Et tous ces gens encore plus stupides qui sombrait au plus profond de la bêtise humaine, engoncé jusqu'au cou dans la superficialités matérielles et autre considérations esthétiques rabaissantes ?

Il fallait trouver le plaisir de vivre dans les petites choses mais lorsqu'on a la malchance de survivre grâce aux allocations et qu'un repas festif se limite à toute préparation qui n'est pas du réchauffé, il devient alors difficile de trouver de petit plaisir. Alors par mécanisme de survie, l'exceptionnel esprit humain dans un fantastique instinct de conservation ferme les portes, se cadenasse à l'espoir. Et dans ce drôle d'état qu'on nomme l'atonie, on survole les jours avec une absence robotique.

Il y aurait ça puis la fin, très bien mais c'était sans compter sur ce bref cadeau du destin ou alors un clin d'oeil du malin. Quel dieu bien cruel vous donnerait un soleil pour vous le retirer brusquement à la majorité ?