Habituellement personne ne lui envoyait de messages à cette heure, simplement car il n'y avait que lui pour être réveillé et en état de marche avant six heures du matin. Alors quand l'écran de son téléphone s'alluma il haussa les sourcils, peut-être un peu inquiet d'y voir des mauvaises nouvelles se dessiner.

Elyas ne pensait à rien ; il ressassait rarement les idées car il savait que ça ne le menait jamais nulle part. Elyas préférait courir, et certainement pas en reculant ; Elyas préférait avancer, et tant pis pour ceux qui restaient derrière. Ce jour-là, cependant, il était resté figé sur place, et son regard se perdit dans des réflexions sans pensées, comme le corps tout entier mis en pause en attendant qu'elle vienne le libérer.

Il l'avait attendue, sans bouger.

« Salut »

Et avant même de lui adresser un sourire, elle avait commencé ; alors il s'était tu, avait étouffé toutes ses plaisanteries, par respect ou par égard, au moins par tendresse car ça avait l'air lourd sur son cœur et qu'il n'avait aucune intention de lui piétiner.

Il haussa les sourcils, un peu, et mit quelques secondes avant de lui répondre d'un léger mouvement négatif de la tête, comme pour balayer tout ça ; ce n'était pas tant qu'il ne voulait pas en reparler, c'était surtout qu'il n'y avait rien à dire. Lui, il n'y avait plus pensé.

« C'est pas à moi que tu dois t'excuser, Gabrielle.. »

Il baissa la tête. Il n'avait pas envie qu'elle croit qu'il prétendait la comprendre ; il ne voulait pas la protéger, mais il pensait sincèrement ce qu'il disait.

« Je te l'ai dit.. »

Il marchait sur des oeufs. Il n'avait aucune idée de comment le dire sans la brusquer. Les sentiments c'était pas son truc ; parler sensibilité c'était hors de sa portée.

« Moi je veux bien être là, mais c'est sur ta demande, et je respecterai quoi que tu décides. Si à ce moment-là tu ne voulais pas de moi, pas de problèmes. »

Il avait penché la tête un peu, tentant peut-être de déceler si il était sur un terrain glissant ou pas.

« Maintenant si tu veux en parler on peut, sinon on peut rien dire et courir. Mais sache qu'à mes yeux tu seras toujours Gabrielle. »

Il haussa les épaules.

« Je veux dire, la Gabrielle pour qui j'ai suffisamment d'estime pour la considérer comme mon égale. »

Il avait haussé les sourcils, peut-être un peu surpris, mais surtout impressionné. Ces mots, de la part de Gabrielle O'Brien, avaient une saveur toute particulière, car ils étaient inédits; uniques. Elyas n'avait eu aucune attente à son égard : il n'aurait jamais eu le culot de lui en demander autant. Ainsi pris de court, et toujours incapable de recevoir la reconnaissance humblement, il ricana, un peu cynique et faussement victorieux. En vérité, il était seulement heureux, et apaisé.

« Pourquoi donc, Gabrielle ? Tu penses que je ne ferai plus jamais rien qui mérite tes louanges ? »

A ses oreilles, cela sonnait comme un défi, et Elyas adorait les défis ; ils le rendaient meilleur.

Il ne releva pas sa remarque concernant Elior. Il n'appartenait qu'à lui-même et Elyas avait en lui une confiance aveugle. Leur amour était indépendant de tout le reste, quand bien-même tous les amours qui se débattaient à côté voulaient s'y immiscer.

« Et j'imagine que les matchs ne compte plus comme des victoires sur toi ? Si non, crois-moi... »

Il ricana, s'apprêta à prendre la fuite en courant - ils étaient là pour ça, après tout.

« Tu me devras encore tout un tas de déclarations du genre. »