On délaisse le costume pour revêtir quelque chose de plus confortable. On oublie les accessoires et l'autre qu'on doit être le temps d'une pièce pour redevenir enfin soi-même. Dubitative, Aglaé, pas bien sûre de ce dans quoi tu t'embarques en acceptant de jouer mais il faut bien, le festival culturel était une guerre que personne ne voulait perdre. Alors ça range tout ce qui appartient à Nami et ça revêtit tout ce qui est d'Aglaé. Tu repasses l'uniforme, les chaussures, le sac, la chevelure rosée qui tombe presque au creux des reins. Non, pas bien certaines de ce que tu vas devenir, de ce que ça va donner. C'est là le propre du spectacle, on ne pouvait jamais réellement savoir comment le public allait accueillir la performance. Non pas que tu aies des doutes quant à tes capacités à réciter ton texte et faire ce qu'on attendait de toi, mais la scène était un endroit traite et si on avait dans quel état on y entrait, on ne savait jamais réellement comment on allait en ressortir. C'est peut-être un peu ce que tu appréhendes, ce que tu attends avec excitation aussi. Tu remballes tes affaires, gagnes l'extérieur dans un soupir bienheureux d'en avoir terminé pour aujourd'hui. Ce sera bientôt l'heure de la grande première et de la grande dernière, c'était les derniers ajustements. Tu espères que ça tiendra, parce que tu as l'envie de satisfaire le besoin revanchard de bien te placer, c'est que le sentiment de favoritisme des TECH a contribué à te dépasser. Peut-être un peu trop. T'en fais toujours un peu trop. Sans doute que ça en saoule plus d'un. Tu ne sais pas. Dans le fond, tu t'en fous.

A l’extérieur du gymnase il fait bon, l’air frai d’octobre, le vent qui chasse la légère tension avant une représentation. Tu passes ton sac sur ton épaule, prête à aller noyer ta faim dans du salé parce que ça grouille dans l’estomac. T’avances, et tu vois sa silhouette au loin. Tu la reconnais entre mille, l’avantage de beaucoup observer ses amis. Un sourire sur tes lèvres, tu trottines à petits pas pour l’atteindre et lui tapoter l’épaule du bout des doigts.

« Yo. »

Pas besoin de plus, ou de moins. Pas besoin de trop en dire, on sait que se voir ça fait déjà du bien au cœur et à l’esprit.

« Alors ce festival, tu t'ennuies pas trop ? »

Tu sais que les SPE ont été mis de côté cette année. Si tu approuves le fait de qu’on ménage les dangereux avec leur alice plus limitée les unes que les autres, tu ne comprends pas trop pourquoi on laisse à la traîne le reste. Sûrement une histoire de budget. T’imagines que Lady Gaga ça ne se paye pas tout seul… Qui a dit théorie du complot ?

« Je voulais te demander, tu viendras à la pièce demain ? Je peux vous réserver des places avec Elyas s’tu veux. »

@Elior Demaury + Terrain sportif + Octobre 2019

Ce qu'on ne t'a pas dit, c'est qu'on n'appréhende jamais la scène, bien au contraire. Ce qu'on t'a jamais raconté, c'est que petite on profitait du sommeil de maman pour regarder boucle les comédies musicales en cassette. On faisait des détours du haut de six ans pour aller se cacher derrière les sièges du théâtre de la ville pour observer les répétitions de la troupe locale. Des fois, on avait même le courage de pousser un peu plus tard pour voir les danseuses étoiles et les petits rats faire quelques pas. Si on avait l'argent, à l'époque, on aurait demandé à maman de nous inscrire. Ça avait toujours fasciné les planches, Elior, on adorait les spectacles à l'école pour ça. On oubliait les méchants enfants, les yeux de mamans qui faisaient sonner si faux ses je t'aime, Elior. On avait même bricolé, à l'époque, avec des chaussettes fines et le cordon de la robe de chambre de maman, des chaussons de danse. Alors non, Eliot, jamais on appréhende la scène, on s'y amuse toujours. Ce qu'on appréhende c'est tout autre choses.

« C’est pas tant ma prestation qui m’angoisse mais plus celle des autres j’avoue. » Et on se rend compte que ça sonne très prétentieux. « Enfin, ce que je veux dire c’est que j’ai pas l’habitude de travailler en groupe comme ça. Chez les cheer, y a pas de star ou de leader, on fonctionne en tant qu’entité. Mais là c’est différent et, je ne sais pas, je trouve ça archi compliqué de jongler avec tellement personnes différentes. »

Supporte mal le manque d’investissement quand ça parle de spectacle Aglaé. Envie de concurrencer le monde entier parce que la fierté est maladive et qu’on a beaucoup de choses à prouver quoi qu’on en dise.

« Genre, après ce que les Tech nous on mit faut qu’on assure. Lady Gaga, Elior, tu te rends compte ? J’ai proposé de me pointer en bikini sur scène pour concurrencer, parce que le sexy c’est vendeur t’vois, mais personne n’a voté pour. Même pas Felix. »

Grosse déception Elior, si tu savais. On avait tout misé sur l’approbation masculine.

« Je prends sans doute ça trop à cœur. Dès que ça sort du cadre des Cheerleader j’ai l’impression de plus savoir comment communiquer avec les gens. Anton et Agnès doivent me trouver archi relou, c’est sûr. »

Pourtant dieu seul sait qu’on a rien contre Anton et qu’on ne pense que du bien d’Agnès. Par moment même les choses les plus élémentaires sont insurmontables.

« J’ai hâte qu’on en finisse pour pouvoir aller au bal. Tu danses ? Parce qu’on n’a jamais danser ensemble et c’est scandaleux. »

@Elior Demaury + Terrain sportif + Octobre 2019