Tiraillé entre l'obligation de la norme et le rêve de l'extraordinaire ; il est perdu, Ariel. Il pense et repense l'injustice de n'être que ce que l'on peut. Parce qu'il est lâche, il rêve de liberté et de folie sans jamais quitter cette cage morne lui donnant cette illusion de sécurité dont il a tant besoin.
Il ne s'élève pas plus haut que le nécessaire, Ariel. Il représente la plus parfaite des moyennes ; celle que personne ne méprise, celle que personne n'adule. On en oublierait presque qu'il est là. Parce qu'il ne veut pas montrer qu'il est plus, il préfère se cacher derrière une façade ordinaire. Bien à l'abri, on ne porte les ambitions de personne : ni espoirs, ni reproches. C'est celui dont ne vous remarquez pas la présence, jusqu'à ce que vous ressentiez son absence.

Ariel se cache derrière sa sœur, comme une muraille qui le sépare de la réalité. Ariel se cache derrière un alice qui sait tenir à distance le reste du monde. Ariel s'évade dans ses lectures ; il explore des mondes imaginaires pour oublier que les choses sont comme elles sont.
Atteint d'une maladie qui consiste à vouloir ce qu'on a pas, il rêve d’impertinence, d'audace et d'évasion. L'idée n'est pas de devenir un autre, mais de se laisser voir tel qu'on est vraiment. Jamais les mots fâcheux ne passent la barrière de ses lèvres. Pas de vagues. Il se transforme de l'intérieur, Ariel ; un esprit rêveur, libre en pensée à la bouche cousue. Les sentiments sont parfois trop forts pour songer à les exprimer, on s'accroche trop fort au masque qui recouvre la crainte.

Une coquille pleine qui semble bien vide, il se dérobe à ses interrogations les plus intimes. Il a le sourire angélique, Ariel. Les questions qui fâchent, il les enterre au plus profond de son être, parce qu'il y a des boîtes qu'il ne vaut mieux pas ouvrir.
Il s'est adapté à sa prison, Ariel. Pour la supporter, il se dit que plus rien n'est grave. Parce que c'est mieux comme ça ; il se laisse vivre.