il y avait des boum boum dans l'air, et pas seulement à cause des bruits de ballons rebondissant sur le sol. la compétition brûlait ses veines et la détermination brouillait sa vue, mais elle était teintée de fumée noire et aveuglante dans son crâne - gabrielle n'était pas concentrée de la même manière que d'habitude. aucun de ses regards ne se portent sur quiconque dans la salle, en dehors d'Elyas - elle évitait celui d'Ace et savait que Robin serait troublé malgré l'image ternie qu'elle avait d'elle-même, elle n'aurait pas pu affronter l'admiration dans ses yeux. Elle n'en était plus digne. Elior n'existait même plus depuis quelques jours, et elle s'en persuadait.

Lorsque le capitaine adverse s'approcha après avoir donné congés au reste, elle ne sourcilla pas - au contraire même, une colère froide figeait leur environnement.

« Tiens, capitaine. Quel honneur. »

elle n'afficha aucun rire, aucun sourire - elle ne lui céderait plus rien, malgré tout ce qu'elle avait à lui offrir, il y a quelques jours seulement auparavant, au-delà de leurs cris et aboiements.

« Quelque chose ? Hum, je sais pas, je pensais pas que la compétition qu'il y avait entre nous incluait Elior aussi. »

piquante gabrielle, acide gabrielle ; le dire à haute voix lui donnait conscience du ridicule de la situation et de sa haine. sa haine du bonheur de celui qu'elle aimait le plus au monde : elle n'autorisait personne d'autre à entrer dans sa bulle et peut-être était-ce là le véritable noyau de ses angoisses et de son amertume.

« excuse-moi, je devrais pas t'agresser comme ça. elle avait eu le temps d'y réfléchir - et blanche n'y avait pas été pour rien. c'est juste que... je sais pas, cette défaite, j'ai du mal à la digérer. »

elle affronta son regard - et elle sut par instinct qu'il n'y avait aucune provocation ni animosité ; juste de la gentillesse, et ça la dérangeait de trouver ça là entre eux alors qu'elle l'avait détesté pour ce qu'elle était incapable d'être - contrairement à lui.

d'un geste vif, par réflexe qu'elle voulait susciter, elle lui lança le ballon qu'il agrippa entre ses mains instantanément.

« je crois que je sais plus trop c'que je fais, ces derniers temps. »

dans son regard il y avait toute la détestation qui n'existait pas entre eux - elle n'avait jamais pris forme.

« pourquoi ? »

pourquoi tu viens vers moi alors que je te repousse si fort ? moi si répugnante.

il aurait pu saisir des douceurs dans le coeur de gabrielle - elle aurait baissé les armes devant sa compassion, son soutien, ce qu'il représentait par leurs liens indéfectibles et il était bien le seul à l'académie à la maintenir à ce niveau - elle ne voulait pas tellement que ça se passe comme ça, pourtant elle lisait dans les sous-titres de ses paroles une suffisance qu'elle ne supportait pas, celle qui la mettait en face de ses démons.

« franchement Elyas... tu crois que je suis une gamine à qui tu peux faire la morale comme ça ? »

elle avanca pas à pas lent mais décidé pour lui faire face au plus près, elle relevait son regard embué à la distance qui se réduisait entre eux - il y a avait sous ses paupières des milliers de sentiments qu'elle repoussait trop fort.

« ai-je sous-entendu que tu l'avais injustement volé ? il ne m'appartient pas, si c'est ça que tu voulais me faire dire. »

elle saisit son t-shirt d'une empoigne ferme - elle s'accrochait à lui.

« je ne t'en veux pas parce que tu l'aimes. elle marqua une pause, le silence était lourd alors que le bruit venait des vestiaires. Je ne t'en veux même pas d'ailleurs pour ça. Mais tu arrives avec tes grands discours en pensant savoir ce que je ressens, au fond ? »

elle ne voulait surtout pas craquer devant lui - pourtant c'est ce qu'elle fit, et aux larmes de rage elle savait qu'il y avait autre chose, puisqu'elle ne pouvait mentir aussi lâchement.

Tu n'en sais rien, rien du tout. Tu ne peux pas savoir à quel point je me sens seule depuis qu'Elior est avec toi, depuis qu'il a trouvé quelqu'un qui l'aime, et moi, et moi... »

en quelques secondes elle s'était brisée, de longues nuits blanches en intenses réflexions, de sentiments tourmentés en myocarde qui ne s'apaisait plus.

« je suis désolée de te le dire, mais tu pourras pas me sauver comme lui tu l'as sauvé. »

étrangement, Gabrielle n'avait pas honte, de pleurer ainsi devant Elyas. La seule culpabilité qu'elle portait était celle d'avoir haïe le bonheur de sa moitié, à elle.

« tu ne peux pas toujours être le héros, Elyas »

et là où un seul poing s'était accroché à son vêtement, le second l'avait rejoint, et son front contre son torse, elle se mua en reproches silencieux.

sans broncher elle le laissa dans ses justifications futiles - inutiles, il était bien le seul de qui elle n'attendait aucun mot particulier, elle l'avait compris en ravalant ses sanglots qui paraissaient d'un coup bien pathétiques. Ils ne fonctionnaient pas sur Elyas Crawley, et elle semblait l'avoir oublié l'espace d'une seconde.

Gabrielle avait la jalousie mal placée - il avait tout et sans s'en rendre compte il lui avait volé ce qu'elle avait de plus précieux
un narcissisme ridicule et dérisoire.

elle le toisa pendant qu'il rangeait le filet - et dans ses mouvements elle reconnaissait le seul à l'accepter sans rien dire dans ses vanités. elle ne savait plus quoi dire, son venin elle venait de le ravaler et il avait un goût amer au fond de sa gorge.

« sois là quand je me relèverai »

un souffle à peine audible - mais déjà pour elle c'était beaucoup.
alors elle s'éclipsa sans en dire plus, son aigreur et son acescence pour seule compagnie.