les souvenirs de la soirée avec ace lui brouillait encore le coeur, les mouvements, les pensées, son être tout entier. elle n'avait osé imaginer comment se serait déroulé la suite, si seulement elle n'avait pas résister au dernier moment.
si elle lui avait cédé
si elle lui avait laissé tout pouvoir sur elle
comme il semblait déjà avoir - beaucoup trop tôt à son goût.

elle s'était laissée bercée dans les bras de morphée, l'alcool finalement avait consumé toute la luxure qui émanait de ses pores quelques minutes auparavant.
elle trouvait chaque jour un moyen de s'occuper différemment, éteindre ce feu qui brûlait en elle et annihiler l'envie qu'elle avait de le revoir - elle se rappelle à peine comment elle pouvait faire.

après l'entraînement de volley, Aglaé vint la voir pour hurler à peine que le terrain intérieur ne serait laissé à disposition des cheerleaders qu'à partir de novembre - gabrielle haussa un sourcil et avant d'obtenir la fin de l'histoire, elle se dirigea vers la douche et les vestiaires. sous l'eau qui ruiisselait sur son corps elle abrégeait sa combustion et elle organisait ses pensées.

priorité à tes responsabilités, gabrielle.

les cheveux encore humides, l'uniforme de l'académie sur le dos, elle avait pris le pas en direction du conseil des élèves - elle ne s'y rendait jamais habituellement, et savait à peine où la salle se trouvait. elle avait demandé quelques indications par messages à Aglaé, et dans le même temps, elle laissait perdre son chemin ici ou là dans les salles vides.

je crois que c'est là... elle réfléchissait trop souvent à haute voix, gabrielle. elle s'avança dans la salle qui semblait être réservée au conseil, et n'y entendit que peu de bruit.
peu de bruit à part celui de son palpitant.

excusez-moi ! je suis gabrielle o'brien, capitaine de l'équipe de volley-ball

elle s'était annoncée, en espérant trouver un écho à sa voix. elle pénétra dans la salle d'un pas timide, et faillit tourner les talons au bout de quelques secondes, incertaine d'une autre présence qu'elle.

elle se retourna
et elle s'arrêta net.
elle avait oublié, au-delà de l'incendie qu'il avait allumé en elle
qu'il n'était pas un simple élève parmi d'autres.

ah c'est toi. désolée, je cherchais de l'aide pour un petit souci de terrain. je sais pas si tu en as entendu parler. elle parlait vite, distinctement, en rafale pour que les sursauts de ses émotions ne la rattrape pas.
que son emprise à lui ne la surprenne pas.
et qu'elle se justifie du plus qu'elle peut qu'elle n'était pas, inconsciemment, à sa recherche.

tu es tout seul ? elle se jetait dans ses griffes, une nouvelle fois.
faussement inconsciente de ce qu'elle était en train de faire.

un peu, elle avait espéré que cette emprise magnétique qu'il avait eu sur elle ce soir-là n'ait été que le fruit de l'alcool, de la vulnérabilité de son corps tremblotant, de son esprit faible et embrumé.
il avait fait face,
reposé les yeux sur elle
elle avait succombé à nouveau à sa stature et son audace
sa froideur et la chaleur qu'il allumait au creux de son ventre, au bas de ses reins

non, absolument pas.

elle avait baissé les yeux, et sensuellement s'était muée en proie docile
elle voulait lutter, un tant soit peu
releva son regard et reprit position
il n'allait pas la faire succomber si facilement
mais il allait le faire, assurément.

seulement je voulais m'assurer que les plans n'avaient pas changé pour le club de volley-ball.

elle avait balayé ses tremblements, effacé les rougeurs sur sa peau, éteint le brasier au frémissement de son épiderme
écrasé toute trace de lui de cette soirée là, quand bien même il ne l'avait pas touchée
qu'en aurait été-t-il d'elle si seulement il avait posé une main sur son corps

au-delà de ça, c'est pas pour jouer au justicier, mais pourquoi les cheerleaders n'ont pas autant de privilèges que nous ?

ce système si injuste
elle ne se tairait pas sous prétexte qu'elle lui fait face, à celui qu'elle admirait de loin et qu'elle sent si près d'elle à trop d'instants en si peu de temps.

tu noteras que c'est tout de même injuste. ses prunelles dans les siennes, elle s'était tenue à bonne distance, les mains plaquées dans une fausse attitude désinvolte sur la table derrière elle.
comme si elle maîtrisait quoi que ce soit.
tout ça n'était que du remplissage pour meubler le peu de conversation que tu voulais avoir avec lui.
tout ça n'était que des faux semblants
des excuses pour entrer dans son monde.

oh puis laisse tomber, de toute façon ça va rien changer.

elle avait fini par le détourner face à lui, son regard d'acier - elle semblait trop affaiblie pour ne rien laisser paraître
elle éludait la question, aussi fort qu'elle pouvait.

pourtant, sans s'en rendre compte - vraiment ? - elle se reprit

le hasard est bien curieux des fois. je tombe encore sur toi. sans le vouloir.

elle y courait, dans la gueule du loup.

"on" tu dis ? elle avait faiblit quand il avait établi le contact fugace entre leurs deux peaux - il était piquant elle était amère et elle sentait encore l'acidité de leur échange couler dans ses tempes.
elle arqua un sourcil sans le suivre du regard, à réfléchir sur ce qu'il venait de lui dire.

et comment tu comptes t'y prendre ? en restant planqué derrière ton bureau à t'occuper de la paperasse pendant que vous jouez les intermédiaires entre les geôliers et les prisonniers ?

sans la moindre goutte d'alcool dans le sang, elle s'était permis une provocation d'un autre genre
mais elle ne supportait que difficilement ces changements brusques d'attitudes
elle s'imaginait, en ces instants, qu'il avait choisi la fuite en avant pour essayer de s'en sortir.

je ne te comprends pas, Ace.

pourquoi la tournure des évènements prenait une ampleur si tragique, entre deux étudiants qui n'étaient rien l'un pour l'autre quelques jours encore auparavant ?
elle admirant de loin cette stature froide et noble
lui se murant dans un silence de verre
et eux qui jouaient à un jeu dangereux la veille sous une lumière tamisée

on parle de ça parce que c'est ce qu'on a tous en commun ici. la seule chose qu'on puisse partager.

elle s'avança jusqu'à son bureau et plaqua ses deux mains sur la surface rigide où des dossiers en tout genre s'empilaient.
peut-être qu'au fond, ils étaient le microcosme de ce qui se jouait bien plus haut
l'académie qui profite de gens différents
lui qui maintient son emprise sur elle et la laisse là, sans réponses et plus de questions encore, l'effusion des sens en prime

le système selon toi ferait alors que si toi tu t'échappes, ce sont les élèves les moins étoilés qui en souffriraient ? comme moi ?

elle ne savait pas, pendant quelques secondes, d'où lui sortait cette rage qu'elle nourrissait à l'encontre du système
d'où lui venait cette colère permanente qu'elle laissait sortit aux moments les moins opportuns
pourquoi lui la mettait à nue sans même qu'ils n'aient partager plus de quelques minutes de leur vie.

parce que tu as trois étoiles ?

malgré les couleurs prises par son visage à leur intimité toute nouvelle
il suffisait de quatre murs et la tension entre eux finalement
elle avait la voix claquante et le regard dur
un peu de contenance pour ne pas fléchir sous son regard trop perçant

je n'ai pas fini, non, navrée de te décevoir.

et encore, elle ne voulait pas voir tout ça.
il venait simplement de lui asséner la vérité en pleine gueule.
quelle ironie.

oh mais je serai ravie que tu m'énumères les différences entre toi et moi elle ne céderait pas
malgré le frisson qui lui parcourait le bas de l'échine au moment où il agrippa son bras - sans douceur elle n'y avait pas vu les mêmes effluves de désir que la veille ; elle les avait vu quand même.
malgré les tressaillements de son corps entier elle gardait la tête haute, soutenait son regard si froid si dur pour être à la hauteur.

parce que tu as quelque part où aller ? dis-moi Ace, que ce n'est pas tout ce qu'il te reste ? que tu n'es pas coincé ici comme moi, nous tous ?

elle venait de chuter, sans s'en rendre compte
dévoiler sa propre vulnérabilité à un homme qu'elle connaissait à peine - il mettait à nue ses failles et pour ça, elle le méprisait. s'auto-persuadait qu'en fin de compte, il n'était qu'une énigme au premier regard il y a plusieurs mois - il ne s'en souvenait sans doute pas - et que dans sa carcasse glacée elle avait voulu y trouver un souffle de vie, de la chaleur, un brasier qui brûlait et que ce n'était pas simplement le fruit de son imagination.
elle voulait y trouver de l'espoir, derrière son regard de marbre.

ce que tu fais depuis qu'on s'est parlés hier soir, c'est détourner mon attention avec ta belle gueule et la façon dont tu me touches. tu joues un rôle j'en suis sûr.

elle dégagea sans plus attendre l'emprise physique qu'il maintenait sur elle - elle n'en avait pas vraiment envie, mais dans sa théâtralité, elle y était obligée. elle n'aurait pas été crédible, si seulement elle lui avouait que ça lui faisait plus d'effet que ça.

on est pareils toi et moi. on s'donne un rôle dans l'académie mais en fin de compte est-ce qu'on a le choix ?

elle s'avance d'un pas, relève le menton et pose un index sur son torse - l'accusatrice et la victime

et ça te fait chier que je sois là, à marcher sur tes plates-bandes, parce que tu peux pas me mentir à moi.

son souffle s'était échauffée - elle ne voulait pas admettre l'attirance physique, il n'y avait que la joute verbale et l'ascendance que l'un devait prendre sur l'autre.

mais si ça te dérange, on s'arrête là immédiatement. peut-être que je me suis trompée depuis hier soir.

l'avertissement avant sa propre chute.

tout allait trop vite
gabrielle n'avait plus rien en tête quand elle sentit le contact de leurs lèvres, lui offrant une frustration fiévreuse de ne pas continuer sur leur échange tumultueux, malgré le gain de l'ivresse de ses baisers - elle ne savait plus, en quelques secondes, pourquoi elle était venue, ce qui l'avait fait rester - et peut-être qu'en fin de compte, c'est ce qu'elle cherchait depuis le début.
elle se rendit compte, au moment où l'initiative de lui rendre ce baiser était prise, qu'elle avait perdu toute crédibilité dans ses propos. il la mettait en face de ses propres contradictions, son manque de volonté, sa faculté à tomber dans les bras d'un homme trop facile - elle n'avait que trop peu d'estime d'elle-même au fond
la culpabilité l'envahit en un instant - elle se traitait de tous les noms intérieurement.

attends! elle avait encore moins de crédit quand elle interrompit le baiser pour le toiser, l'espace de quelques instants, pour appeler à nouveau ses lèvres - elle vit ses propres mains se poser sur les joues d'Ace - l'esprit et le corps ne répondaient plus au même appel.

alors elle choisit le même moyen habituel pour les situations sur lesquelles elle n'avait plus aucun contrôle - la fuite.
alors gabrielle se redressa, l'écarta légèrement en posant ses mains sur sa chemise, et se releva - en maintenant le contact pourtant, ses doigts toujours à caresser sa peau à travers l'uniforme ; la communication gestuelle était trop forte chez elle.

je peux savoir ce que tu fais ?

elle avait l'envie au creux du ventre de passer ses mains autour de son cou pour le rappeler à elle - mais elle se dégoûtait déjà de céder si facilement aux désirs des affrontements avec un homme.
elle avait saisi, avant sa déchéance, qu'elle pouvait gagner bien plus de lui que des moments charnels à savourer entre les murs de la salle du conseil.
elle le mettait à nu, lui à l'image si impeccable, lesté de toute émotion dérangeante, par l'alice qu'elle possédait au creux de ses mains. ça la fit sourire, l'inconsciente.

tu fais souvent ça, avec les gens qui te font chuter de ton piédestal ?

elle avait envie, au fond, encore, de faire un pas de plus vers lui - mais elle avait aussi la peur de perdre tout intérêt à se donner trop facilement.
elle s'éloigna, pour attraper le sac de sport avec lequel elle était arrivée quelques minutes auparavant, rompant toute proximité avec lui - et passant sa langue sur ses lèvres pour savourer encore le goût de la défaite.

je ne crois pas qu'un membre du conseil, délégué principal qui plus est, ait bien raison de faire ce genre de choses à un endroit pareil.

elle pouffa de rire - naïvement, avec un peu de provocation au bout des syllabes tout de même
et puis leur réalité lui revint en pleine gueule.

avec une quasi-inconnue qui plus est.

elle passa la anse de son sac sur son épaule, prête à s'échapper - un peu comme la veille.
mais là encore, son désir et son esprit ne fonctionnaient pas à l'unisson.
et elle prit la peine de ne pas lui préciser l'effet qu'il venait de lui procurer, sous ses airs ingénus.

je lâcherai pas l’affaire, crois-moi. Tu m’auras pas comme ça, Ackerley.

et elle claqua la porte derrière elle, dans un dernier geste théâtral, en écoutant le fracas du mouvement plutôt que les sursauts tambourinants de sa poitrine.