les âpres de l'alcool et l'ivresse des moments passés lui avaient fait tourné la tête - elle ne marchait plus très droit, ne pensait plus vraiment clairement, et ses émotions s'entremêlaient dans une valse sans rythme et sans régularité. elle ne tenait plus rien, ne maîtrisait plus son corps et son coeur, et si elle avait la contenance des habitués de l'alcool, elle savait sa vulnérabilité immédiate aux sursauts de son palpitant.

sa main effleure le bar dans une tentative de reprendre le contrôle, ses joues rosées entament des rires hilares et des joies non contenues - elle était heureuse de vivre ce soir. elle avait vivre ce soir. encore un verre s'il te plaît Rachelle. elle n'était qu'étudiante, pourtant la barmaid l'avait déjà vue plusieurs fois, suffisamment pour se souvenir d'elle et pour avoir échangé quelques oeillades. les quelques vétérans restant faisaient parties de son cercle proche, et quand bien même, ils venaient de l'intégrer. La pool party s'était déroulée mieux qu'elle n'aurait cru, et elle aurait voulu répéter ces heures comme un cycle régulier dans le tourbillon de sa vie.

Son coeur pourtant manque un battement quand elle tourne la tête de l'autre côté du bar, et que les traits si délicats qu'elle admire de loin habituellement sont à quelques mètres de distance - Gabrielle cligne des yeux, pour ancrer la réalité de cet instant, et reste la bouche ouverte de stupéfaction. euh... en fait rentrez sans moi les gars, j'ai encore un truc à faire. bonne nuit je vous aime ! Gabrielle en faisait toujours trop, en toutes circonstances. elle avait saisi son verre en tapotant timidement dessus, hésitant plusieurs minutes, avant de respirer un grand coup et d'y aller. elle s'approcha, et passa une main furtive sur son bras pour lui signaler sa présence. Bon... bonsoir ! Gabrielle passa une main dans ses cheveux, recula de quelques centimètres pour laisser à Ace son espace vital, et prit place sur le tabouret derrière elle.

euh... si tu veux pas que je m'installe je finis mon verre en deux secondes et je m'en vais hein ! je t'embêterai pas. le rose aux joues devient rouge et elle fixait son verre trop souvent pour être complètement à l'aise.

je savais pas que tu fréquentais ce genre d'endroit ? je t'y ai jamais vu.

les secondes qui s'écoulent avant qu'elle ne prenne place à ses côtés lui semblent une éternité. Gabrielle se tortille sur ses jambes titubantes et noue et dénoue ses doigts entre eux pour traduire une nervosité - qui n'était rien pourtant à ce qu'elle aurait été en étant sobre.

sa main qui effleure son visage la fit fermer les yeux - elle n'aimait pas les contacts et étrangement, c'était plus par réflexe que par réelle appréhension de sa part. Quand elle rouvrit les paupières, il était toujours là, mais la mèche de cheveux ne venait plus frotter son visage. Mécaniquement, elle inspira légèrement et sa voix s'automatisa - les effluves d'alcool sûrement.

Je ? Oui complètement. Mais si j'étais pas soûle je t'aurais pas abordé aussi.

le rire qui éclata entre ses lèvres à lui arracha un sourire à Gabrielle - elle aurait pu en pleurer tant elle était alcoolisée et nerveuse - à sa suite, elle esquissa un rire sans hilarité. avec un ami ? avec Maximilien ? en prenant place, elle sentit ses yeux se poser sur elle - sûrement surpris de la curiosité dont elle faisait preuve. elle n'attendit pas pourtant pour se justifier. enfin je sais pas ? c'est juste que... d'habitude on vous voit souvent ensemble alors...

elle se tenait beaucoup trop droite sur sa chaise pour être naturelle - on aurait dit une gamine prise en faute et elle osait à peine le regarder dans les yeux - à cause de sa vison troublée, elle s'en persuadait. je dois être ridicule c'est vrai. en plus il est tard et puis tout le monde est parti. Gabrielle n'était pas aussi réservée, hésitante que dans ce moment là - elle réfléchissait, autant qu'elle le pouvait, pour choisir les mots qui le canaliserait - qu'il ne s'échappe pas encore, qu'il ne lui échappe plus. Les délégués peuvent faire retirer des étoiles alors ? elle prit appui dans sa main, le coude vissé sur la surface de la table, pour se donner une contenance tout en pouvant le regarder dans les yeux - ses yeux perçants.

ceci dit... elle jeta un oeil furtif à sa montre pour s'assurer de ne pas dire une connerie les membres du conseil sont dispensés de couvre-feu ou alors toi aussi t'es dans l'illégalité la plus totale comme moi ? elle éclata de rire avant de se ressaisir enfin... l'alcool en moins j'veux dire. enfin t'as compris.

elle plaqua doucement sa main sur son front, levant les yeux au ciel, se maudissant d'être incapable de fermer sa grande gueule quand elle le devait.

l'audace coule dans ses veines embrumées par la surconsommation d'alcool - elle ne put s'empêcher de sourire dans une mine narquoise au sceau de leur pacte, aussi futile soit-il. elle ne broncha pas à la glace recouvrant le verre, arquant seulement un sourcil devant tant de froideur - self control.

Marché conclu, monsieur du conseil des élèves.

elle roula des paupières avant de se hisser légèrement vers lui, les yeux plein de désir et la voix tremblant de sa splendeur- elle avait ce rictus insolent qu'ont les enfants désobéissants, et elle s'échouait dans ces interdits qui acidifiaient un peu sa vie.

Mais méfie-toi, si cette petite entrevue me plaît, je pourrai te faire du chantage pour t'avoir comme ça pour moi toute seule de temps à autres.

elle laissa quelques secondes s'échouer entre eux avant de briser le silence dans un rire sonore, cristallin, enfantin - puéril. je rigole détends toi enfin. le ricanement doux et juvénile s'évanouit quelques secondes plus tard - et elle ose, l'alcool aidant, à croiser son regard et y déposer le sien plein d'ardeur. et c'est gentil, mais je ne suis pas une demoiselle en détresse, je peux très bien me débrouiller sans prince charmant pour me ramener à mon château le ton s'était fait un peu froid sans qu'elle s'en rende compte, alors elle écarquilla les yeux pour y trouver celui qui lui laissait tant d'admiration - seulement ? - au creux du ventre, de loin.

et en le fixant, elle but une nouvelle gorgée, par esprit de provocation - il n'avait rien demander à ce qu'elle lui prouve quoi que ce soit. haha, si j'avais su que je me retrouverais seule à seule avec toi. cette fois, le rire était nerveux. et elle était spontanée Gabrielle - sans réflexion dans ses actions, à la vodka qui guidait encore ses mouvements. alors elle vérifia simplement que sa robe trop serrée n'était pas indécente - bien sûr que si - et elle scruta au loin la vitre du café pour essayer de devenir dans quel état était son maquillage. tu veux boire un truc, toi ? je peux te commander un verre, c'est moi qui offre. elle posa ses yeux sur le verre glacé, et sans relever la tête, elle soupira.

un nouveau verre je veux dire.

son coeur à gabrielle, s'emballe, entame une course effrénée dans laquelle ils se heurtent l'un et l'autre - de sa voix chaude il avait emprisonné son monde en une fraction de secondes, elle sentait son palpitant mourir un peu plus à chaque syllabe et sa peau crépiter sous les émotions fulgurantes qui noyaient son coeur déchiré. ses yeux roulent de son visage dessiné au serveur qui acquiesce - elle n'avait plus son mot à dire.
elle n'avait plus aucun ascendant
elle n'en avait jamais eu mais voulait s'en persuader encore.

et elle était restée mutique, à détailler - pour la première fois où elle le pouvait
détailler ces angles si inspirés de son visage, taillé à la craie, sur une toile d'artiste, entre ses traits elle voulait lire des milliers de couleurs et d'émotions, y cueillir la moindre de ses aspirations et y répondre un instant par sa propre existence - elle ne l'aimait pas comme il fallait, pas pour de vrai - mais elle l'aimait en cet instant aussi fugace que son admiration venait d'éclore pour y laisser les sens s'éveiller.

oh, tu es le genre d'homme à savoir ce qu'il veut.

ses paupières lourdes n'étaient plus assommées par l'alcool ni par la fatigue - simplement l'ardeur de leur échange ; elle aurait voulu qu'il ne se termine jamais.

Mais qui te dis que je vais te suivre dans ton château ?

de prince il semblait s'être mué en loup
elle n'était pas une simple brebis - et se jeter dans ses bras n'était pas source de terreurs
ça faisait trop longtemps qu'elle avait dessiné cet espoir en rêve - éphémère et intense.

elle s'était approchée de son adoré - aussi fictif soit-il
se perdait dans ce jeu dangereux et naïf
avant d'être interrompue par le serveur qui venait leur apporter deux tasses de café. elle le remercia poliment avant de porter la tasse à ses lèvres, pour y cueillir la chaleur de l'arôme - et peut-être, pendant ces instants, elle allait réorganiser ses idées volatiles.

tu es très intriguant, comme mec.

elle reporta son regard acier sur lui
vint y arracher quelques douceurs à son désir
et lui sourit naïvement
la pauvre petite biche inconsciente du danger.

en tout cas, je nous ai offert un premier contact, moi. alors rien que pour ça, je me félicite.

elle leva sa tasse dans un geste hésitant - moins pourtant que quelques minutes auparavant
on ne joue plus, gabrielle.

merci pour le café, au fait.

dans ses iris elle voyait danser les rêves qu'il lui promettait juste pour ce soir - elle se brûle presque trop à jouer avec lui de la sorte. elle y devinait des milliers d'instants qui n'auraient duré que quelques secondes, quelques heures tout au plus ; ça faisait chauffer son coeur, agiter ses sens, paralyser sa faculté à réfléchir de manière rationnelle.

je ne considère pas ça comme des ennuis, navrée.

elle sourit l'insolente, vient chercher la chaleur de la tasse - et imagine la saveur de ce que ça aurait pu être, si ça avait été différent - dans ce même regard il l'avait capturée entièrement, jouant avec elle comme une simple marionnette ; elle donnait trop de pouvoir aux hommes, gabrielle. avec un sourire mutin qui plus est, sans gêne ni hésitation.
dans cette nuit polychrome il avait ajouté une couleur inédite, brillante de mille feux, éclipsant pourtant toutes les autres.
elle détourne le regard et rit - encore et encore.

tu as raison, je ne voudrais pas me faire attraper par les autorités de l'académie.

elle termine son café et repose délicatement la tasse sur la table du café
elle se lève, féline et même sauvage
entame le pas et ne lui tend pas la main - il n'avait pas besoin d'elle.
il ne demandait pas encore après elle.
elle n'était que trop peu de choses.

je crois qu'il est trop tard pour prendre le bus.

un oeil à sa montre puis vers lui, qui la suivait trop tranquillement.

on partage le taxi ?

elle avait sorti son téléphone portable et taper à une vitesse phénoménale les démarches pour appeler une voiture - l'habitude sans doute.
elle s'y engouffra et l'adrénaline de la fin de soirée la tenait trop en éveil.


lorsque les murs de l'académie s'étaient dessinés dans leur paysage, elle avait toujours les rougeurs sur ses joues qui trahissaient son désir - fugace et intense, elle en suffoquerait presque.

devant les portes des dortoirs, elle se tourna vers Ace.

merci pour cette fin de soirée. c'était étonnant mais ça m'a plu.

elle bat des cils, l'inconsciente. s'approche de lui dans une proximité toute nouvelle - elle sentait son corps se consumer à cet instant et se crispait presque pour tenir une contenance minime.
elle posa une main sur sa joue et vint y déposer un baiser - bien plus chaste que le reste.
son désir hurlait et elle le fit taire - si elle cédait maintenant, elle n'était plus rien à partir de demain.
malgré ses envies.
malgré ses lèvres qui l'appelaient.
malgré ce qu'il avait saisi chez elle et dont il ne semblait pas vouloir se défaire.
malgré lui tout entier.

je te l'ai dit, c'est un premier contact.

elle s'éloigna doucement
se retourna l'espace d'un instant
lui sourit pour lui jurer secrètement qu'elle reviendrait vers lui - tôt ou tard
ils le savaient tous les deux

bonne nuit, monsieur le membre du conseil.

elle prit la direction de son dortoir, pour une nuit sans sommeil et plein de rêves dans la tête.