L’après-midi semblait s’écouler doucement, sans heurt, minute après minute avec la paresse des premiers jours d’été songeait-il en arrosant les grandes jardinières de tulipes et de jacinthes. C’était bientôt la saison des tournesols, Gaspard ne pouvait jamais s’empêcher de penser à la jolie robe bleue de maman avec cette mélancolie des jours heureux. Il se demandait parfois si maman avait fini par la remettre et si elle s’était remis à rire. Il lâcha un soupir mais, ce n’était pas un temps à être nostalgie, Gaspard avait encore à faire !

Il reposa l’arrosoir à sa place et enfila les gants suspendus à côté avant de s’enfoncer dans la réserve – prenant soin de se baisser. C’était un véritable désordre avec les nouveaux arrivages et le club avait été très animé depuis le début du printemps. Il semblait qu’aujourd’hui était idéal pour ramener un peu l’ordre entre les pots sales, les outils un peu rouillés qui avaient besoin d’un dégraissage et les grosses boites remplies de choses en tout genre, accumulées au fil des années. La serre était vide depuis deux heures et il se doutait bien qu’elle ne serait pas très fréquentée aujourd’hui.

Après tout, Gaspard aurait dû être lui aussi bien occupé à préparer ses examens de fin d’année qui annonçait la fin de son cycle lycée à la bibliothèque mais, pour tout dire, Gaspard n’avait pas vraiment envie d’y penser. Il n’avait pas toujours décidé ce qu’il voulait faire l’année prochaine, il n’était pas bien sûr, c’était long de choisir quelque chose pour toute une vie et s’il se trompait ? Alors il préférait le vacarme des outils de jardinage à celui de ses pensées.

Pourtant à sa grande surprise, il sembla à Gaspard entendre la porte de la serre grincer et peut-être même un son de voix ? Il aurait préféré rester cacher dans la réserve mais, il était peu probable que qui que ce soit puisse passer à côté de son boucan et il n’y avait personne d’autre pour le sauver d’une interaction humaine. Il attendit quelques minutes, inspira une grande bouffée d’air et sortit timidement la tête par l’embrassure de la porte. Ne voyant personne, il s’enfonça d’un pas hésitant dans les allées jusqu’à ce que…

Carmen. Carmen Berretta ?!

Il cligna des yeux plusieurs fois comme si cela pouvait la faire disparaitre sans comprendre ce qu’elle faisait ici. C’était probablement le dernier endroit où il aurait pensé la croiser et il en savait quelque chose, il était devenu un maitre dans l’art de l’éviter ces dernières années. Carmen était…c’était plus simple de juste ne pas la voir. De toute façon, elle avait très clairement indiqué que c’était réciproque et maintenant après toutes ces années à ne rien se dire, il n’avait même plus les mots. Gaspard réalisant qu’il n’avait toujours rien dit, se redressa et réussit à grogner :

« Tu veux... ? »

Ce qui n’était probablement pas la façon la plus cordiale d’entamer une trêve, c’était sorti plus brut qu’il n’aurait voulu, vraiment.