Le rythme entraînant dans ses oreilles.
Gauche, droite, gauche, droite. En haut, en bas.
Elle se dégourdit les jambes, profite des vastes terrains sportifs pour s’adonner à quelques pirouettes. Tant de temps depuis la dernière fois qu’elle a pratiqué la gymnastique. Le club de cheerleaders, c’est pas tout à fait pareil. C’est un peu plus cloisonné, pas les mêmes libertés. Les chorégraphies sont parfois strictes.

Là, c’est elle. Elle seule.
Pas de barrière, pas de contrainte. Son imagination pour seule limite.

Mia se dandine, tourne sur elle-même, remue son popotin. Aujourd’hui est une belle journée. Le Soleil est haut dans le ciel, baigne l’académie d’une chaleur agréable.

Pause. Coup d’œil sur sa montre.
Les autres sportifs vont bientôt arriver, l’entraînement commence dans peu de temps. Ça ne la concerne pas réellement, ça veut seulement dire qu’il va bientôt falloir libérer le terrain. Ou se faire plus petite.
Elle regarde l’heure une nouvelle fois.
Bof, ça fait déjà une heure et demie qu’elle traîne ici. Se dégourdir, c’est bien, le faire trop, un peu moins.

Mia décide de passer à autre chose. Elle ramasse sa serviette, s’essuie le visage, la nuque, avant de laisser la serviette autour de son cou. Se penche pour récupérer sa bouteille d’eau, en boire une rasade.

Et là, alors qu’elle prend le temps d’observer son environnement, elle le voit.
Lui.
Assez grand – tout l’est, pour Mia, elle est si petite –, brun. De dos, elle ne perçoit pas grand chose. Par contre, il est intrépide, ça, c’est certain.
Elle arque un sourcil. Pourquoi fait-il le singe ?

L’élève semble grimper sur le bâtiment, peut-être pour … Non, non. Pas peut-être. Il arrive à l’étage des filles.
Mia exulte. Pourquoi ? Pourquoi fait-il ça ?

« Tu vas te faire mal ! »

La brune court à la rencontre du casse-cou, s’aperçoit que son intervention était stupide. Parce qu’en criant, elle lui a sûrement fait peur. Il est au sol.
Rouge pivoine, la Mia. Elle hésite. Mais c’est de sa faute, alors elle prend son courage à deux mains.

« Je suis d-d-d-désolée ! »

Une longue inspiration. Une aussi longue expiration.

« Je voulais pas que tu tombes … »

Toute petite voix.
Peu importe qu’elle veuille ou non. Il est à terre, maintenant.
Mia s’approche, tend une main timide.

« Ça va aller ? »

Mais elle a l’impression que plus ça va et … moins ça va.

La main plus grande que la sienne, qui s’en saisit et s’en sert pour se relever. Il fait effectivement une bonne vingtaine de centimètres de plus qu’elle, voire plus encore. Peut-être trente.
Impressionnée, elle a un mouvement de recul quand il se présente. Azrael Tremblay. Son nom ne lui dit rien. Elle a peut-être vu sa silhouette, ici ou là, mais ne s’en souvient pas. Ce serait étonnant, le brun n’a pas l’air de ces gens qu’on oublie facilement. Il a ce quelque chose de particulier, qui titille les narines de Mia.

Ils lèvent la tête presque au même moment. Pas si haut ? Comment ça, pas si haut ?
Vers le haut, puis vers le bas, puis ils remontent. Ah, si, si, c’est sacrément haut. Étonnant qu’il n’ait pas plus mal que ça, d’ailleurs. Ou alors, il le cache drôlement bien.

Cacherait-il des choses ? Pour de vrai ?

Il dissipe le malaise, ou le renforce, Mia ne sait pas trop. « Ma belle », pas une appellation qu’elle entend souvent. Les gens ont tendance à l’apprécier, oui, mais ils la voient plus comme une gamine joyeuse. Peut-être trop, parfois. Mais jamais on ne l’a affublée d’un tel surnom.

Sourcil arqué, elle reste muette un instant. Ce n’est pas de sa faute. Vraiment ?

« Oh. Si je ne t’avais pas appelé, tu ne serais pas tombé. »

Mia se mord doucement la lèvre. L’odeur fleurie se fait moins présente, masquée par les doutes qui l’habitent.

« Après, oui, si tu n’étais pas monté … »

Plus murmurée que prononcée, cette dernière réplique permet à Mia de faire le point sur les événements. Elle balaye d’un revers de main la gamelle, les causes, les conséquences. Enfin, quelques unes des conséquences, parce qu’il reste Azrael, en chair et en os, qui la regarde du haut de son mètre quatre-vingt.

Mia lève le nez, penche la tête.

« Tu escalades souvent, comme ça ? Tu n’as pas peur de te blesser ? »

Une innocence à l’épreuve de tout. Naïve, Mia ne s’imagine pas une seule seconde qu’il tentait de grimper pour espionner les filles. Après tout, peut-être était-il là pour escalader ? Juste pour améliorer ses compétences ?

Les topazes détaillent Azrael. Alors que la lycéenne se calme, son parfum se manifeste de nouveau, plus doux. Il se mêle à l’odeur dont émane le grand brun. Elle est agréable, à vrai dire, ne démontre aucune animosité ni autre émotion sombre.

Mia l’interprète immédiatement comme une preuve de son innocence. Il ne grimpait pas pour de mauvais motifs, simplement pour s’entraîner. Ça paraît tout à fait logique.

« Tu devrais peut-être penser à t’équiper, ou escalader ailleurs … ? »

Eh bien, oui, ce serait moins risqué !