Elle aurait pu aller toper direct Perceval, mais il est trop emmêlé entre Caprice, Miel et Colline, ça serait foutre un peu plus le bordel entre eux, et elle a encore un minimum de bon sens. Et puis c’est un mic-mac dont elle veut pas trop se mêler.

Alors du coup, on va cogner plus haut. Direction l’une des personnalités qui incarnent le mieux cette putain d’académie perfide. Et on oublie les détails qui font le plus mal.

On laisse de côté, Colline et Miel qui ont failli se casser sans elle, sans eux. On bouche ses oreilles quand on entend que Caprice a baissé son froc comme un pantin pour les Nova. Que Miel n’est pas loin de le rejoindre. Et que Colline risque de finir sur le bas-côté.

Haut l’coeur et coup de poignard. Elle ne leur a pas parlé depuis le festival. Silence radio imposé. L’évitement qui recrée le gouffre. Mais remarquez, c’est réciproque. Aucun des trois n’a pipé depuis. Probablement trop déçus d’avoir raté leur coup ou peut-être bien bouffé par l’orgueil de cette victoire amère.

Si Caprice n’avait pas été sous l’influence des Novas, il aurait défendu son frère, il l’aurait aidé et il n’aurait pas mis Miel dans cette position. (et tanpis si ça veut dire qu’ils se seraient cassés tous les trois) Ça aurait été mieux. Au lieu de ça, ils tombent en lambeaux, ils marchent sur leurs cendres, un semblant d’harmonie crevé sur les pavés du grand stade. Fratrie cabossée.

Et dire que ce sont eux les plus brillants de la clique avec Noël.
Teddy coincée dans ses mécaniques, elle ne peut pas s’en empêcher. C’est pour ça qu’elle se concentre sur ceux qui ont le plus d’influence. Sur ceux que ça amuse de tout déchirer chez les gens -les Devray ne font pas exception. Famille écartelée. C’est de pire en pire. Et Teddy est fatiguée.

Donc dans son viseur, y a une jugulaire. Le pas vif, l’alice activé avant même d’avoir passé les portes du gymnase, la menace qui grésille dans l’air. Elle s’en fout qu’il y ait des témoins ou non. Elle s’en fout des risques. Faut que quelqu’un assume les conséquences de ce qu’ils font à cette famille -et probablement à toutes les autres. Attaque en forcée. C’est sa colère froide et sourde qui la guide, gronde dans son ombre jusqu’à éclater. La cheerleader plaquée au mur. La main de Teddy en grippe autour de son cou. Plus aucune nuance au fond d’ses yeux. Elle serre.

–Salut. Pression. J’ai besoin d’un truc et j’espère que tu vas m’aider. Son alice insiste. Il paraît que tu as de l’influence. La voix placide, comme en contrôle alors qu’elle ne l’est pas. À moins que tu ne sois aussi inutile que tous les autres, et dans ce cas-là… j’passerais au-dessus. Le ton sulfure enlacé à ses mots. Ça veut surtout dire qu’elle l’encastrera quand même ici si elle en a envie. L’avantage de plus trop avoir l’contrôle. Oups. Elle aura trop forcé.

Ils vont rendre l’étoile à Colline et elle s’occupera plus tard d’arracher la liberté d’sa famille à ces fumiers.

Elle tique au “ma biche” un peu trop familier. Les pupilles qui se vissent sur la rouquine et l’inspiration qui se bloque dans ses poumons, comme pour mieux retenir l’éruption. Même si y a toujours la fratrie dans le fond de sa tête -toujours trop présents- … À ce moment, elle ne voit plus que Juno. Et elle parle encore beaucoup trop. Alors elle la relâche à peine, pour mieux la bloquer, l’bras en travers de sa gorge, les cordes vocales entravées. Désolée Caprice, cette fois-ci, ça sera probablement pas sur elle qu’elle laissera des marques, et y a un risque de raz-de-marée.

– Ton petit côté maso je suppose. Sa réputation et tout le tralala qui la précède. Tu vas utiliser tous les pouvoirs possibles de votre connasse d’étoile filante, et tu vas tout faire pour que mon frère Colline récupère son étoile.

C’est peut-être peine perdue, désespéré ou complètement stupide, mais c’est la seule chose à laquelle elle a pensé. Et quand on fonce les yeux fermés, bornée, on en arrive-là. À menacer une pauvre fille qui pourra certainement rien faire. Mais ça on l’admet pas. Non. Au lieu d’ça. On s’obstine. Le poing qui se pose doucement sur le mur à côté du visage de la cheerleader. Qui s’enfonce lentement, adrénaline aidant, fissures craquants.

– Tu t’en sens capable ? Elle n’attend même pas une réponse. J’peux ajouter un truc alors. Oubliez Caprice. Excluez-le d’votre boys band à la con.

Est-ce qu’elle le voit que Teddy est sérieuse ? Qu’elle est prête à démolir cette section ? Qu’elle les casserait au moins en deux et s’en prendrait à chaque membre ? Ils ont pas réussi à calmer sa colère depuis qu’elle est arrivée à l’académie. Au contraire, ils n’ont fait que l’entretenir, grandir. Alors maintenant ils vont faire quoi ? La foutre au grenier ? L’isoler ? Bouhou, effrayant.