Elle tousse, sent ses poumons peiner à reprendre de l'air alors que sa gorge lui fait mal.
Puis, délicatement, elle remonte son écharpe sur son visage afin de cacher sa bouche et son nez. 
Elle enfonce l'une de ses mains dans sa poche, l'autre tenant toujours le bout de tissus qui la protégeait du froid, le regard perdu dans l'immensité du ciel.

Qu'il faisait triste avec ces nuages gris qui répandaient leur couleur sur l'entièreté du paysage, offrant une vision du monde bien sombre. Les feuilles mortes se laissaient emmener par le vent glaciale qui faisait frissonner les arbres grandement dévêtus, laissant Topaze observer le spectacle. Passionnant. 

Si sa mère était là, elle aurait certainement gâché ce moment. "Tu vas prendre froid. Rentre et tout de suite !". 
Elle entendait sa voix, sévère et pourtant pleine de bienveillance. La voix d'une mère fière, stricte, avec qui tout doit être fait rapidement et correctement. Mais une mère anxieuse, toujours inquiète vis-à-vis de sa fille à la santé fragile car de faible constitution. 

"C'était un jour comme celui-ci non ?" 

Topaze sourit faiblement, ferme les yeux un instant. Oui, elle s'en souvient. Elle s'en souvient parfaitement bien. Elle l'entend encore, le ressent encore... La musique classique, faible, qui ravi ses oreilles de petite fille calme et bien éduquée. La voiture qui tremblait sur le sol de pierre. La voix faible de son père qui se rabaissait face à un femme trop caractérielle pour lui. Lui...Un homme droit et exigeant mais moins étouffant que son épouse. Puis le cri strident de sa mère. Puis le choc. Violent. L'air froid. Les sons lointains. Le néant. 

Topaze ouvre les yeux. Cette fois, elle voit le ciel. Elle a juste un peu froid, mais elle n'a pas mal. Seul le sifflement du vent raisonne dans ses oreilles. Seule l'odeur du bois caresse ses narines. Mais l'autre fois, c'était différent. L'autre fois, elle avait chaud, elle avait mal. Seuls des petits "bips" résonnaient dans ses oreilles, ainsi que des voix inquiètes. Seule l'odeur du désinfectant agressait ses narines. Mais pas trop. 

"T'as bien cru que t'allais finir comme ta tante et ton oncle. Et comme moi. Ahah !" 

Topaze sourit à nouveau. Non, elle n'avait pas fini comme eux. Pas d'après les médecins. Pas d'après ses parents. Pas d'après la société. Elle était vivante. Elle avait juste gardé des cicatrices, avait été miraculée car avait évité tout dommages intérieurs importants. Justes des blessures extérieures. Mais ce n'était rien. Ce n'était rien à côté de l'idée d'avoir perdu un oncle et une tante qu'elle n'a même pas eu l'occasion de connaître véritablement car trop jeune lors de leur mort. Mais elle les voyait. Parfois. Comme s'ils venaient voir comment elle évoluait. Comme s'ils voulaient la voir grandir, comme ils le faisaient avec leurs enfants. 

Topaze a le coeur serré. Elle a le coeur serré car elle aime sa famille et pourtant, ils sont tous si éloignés d'elle, d'une façon ou d'une autre. Ça fait mal. 
Pourtant, elle a essayé. Elle a essayé mais elle était trop timide, trop renfermée, ne savait pas comment leur parler. Elle était intimidée par les filles, mal à l'aise avec les garçons. Et maintenant ? N'est-ce pas trop tard ? 

"Et si on rentrait ? Je ne voudrais pas que tu tombes malade, si ce n'est pas déjà fait, ahah" 

Topaze tourna la tête vers Lucie. Lucie a la peau pâle, très pâle. Ses lèvres sont gercées et d'un ton légèrement bleuté. Ses cheveux sont blonds cendrés, longs, ondulés mais en bataille. Ses yeux sont bruns et rieurs. Elle tend sa petite main toute fine vers la jeune médium, souriant. Topaze la regarde un instant, le regard triste et désolé. Mais elle tente quand même l'impossible. 
Elle tend la main, tente de s'emparer de celle de sa plus vieille amie. Sans succès. Pourtant, elle a presque l'impression qu'elle y est parvenue. 
Mais le sourire de Lucie ne disparaît pas, au contraire, il s'agrandit alors qu'elle tape ses deux mains l'une sur l'autre.
 
"Bon, on se bouge, non d'un chien ? Je t'ai dis que je voulais voyager au moins une fois avec une amie et faire un tour dans le parc n'est pas vraiment un voyage pour moi. Mais si tu meurs gelée sur place avant, on ira pas loin !" 

Oui. Il était temps de rentrer. Demain sera un autre jour. Lucie sera encore là, comme elle l'est déjà depuis des années. Le monde n'est pas encore destiné à finir en cendres. Oui, demain sera un autre jour, un jour de plus dans cette académie où elle était destinée à faire ses études. Comme lui avait dis sa mère. Ce sera un jour de plus où elle pourra prendre son courage à deux mains et oser ce qu'elle n'aurait pas oser étant enfant. 

Demain sera un autre jour...