une passion une folle passion
elle s'était embrasée entre ses bras puissants avec toute la sincérité qu'elle n'avait pas, juré les mots d'amour suintants de douceur et de luxure pour ces fois où elle s'était consumée entre ses doigts, entre ses reins, au creux de sa chair pour renaître dans une agonie orgasmique - ceux des amoureux.

Dimitry, Bonnie l'avait aimé un temps, une courte saison, pour de vrai surtout pour de faux parce que Dimitry est le pince charmant des classiques Disney, avec ses lèvres chaudes son regard en coeur sa moue fermée qui donne l'envie le besoin presque de le conquérir et vivre sous son empreinte.

Mais Bonnie n'aime jamais entièrement pour longtemps alors elle s'est lassée du joli jeu, à deux claquements de talons de dire adieu mais sûrement pas merci d'avoir allumé en elle l'essence de vie qui l'aurait rendu si humaine.
Bonnie allait le jeter.
Mais Bonnie pauvre coeur abîmé s'est fait damner le pion de la rupture et il a repris l'ascendant là-dessus - même là-dessus, il ne lui cédait aucune parcelle de terrain, jusqu'à ravager un bout de son coeur.
Fut-il possible qu'elle en ait un.

Il l'a jeté en premier, en même temps que leur histoire et les souvenirs glorieux de leur ascension sur le monde.

Alors quand elle l'aperçoit ça n'est que le fruit du hasard puisque ça fait bien longtemps qu'elle ne cherche plus à exister dans le reflet de ses yeux - elle le fuit même, lui qui a su insuffler un bout de chaleur dans son être glacial.

Elle se ferme automatiquement, clot ses paupières l'espace d'un instant pour reprendre son audace habituelle sa prestance, remet ses cheveux noués en place derrière son oreille - mais attendre qu'il passe en se dissimulant, ce serait se mentir et perdre la face.

« tiens, Kotov. »

on brûle encore un peu sous les flammes de son regard mais on le fixe malgré le reste - en plein dedans.
ces cendres qu'il a laissé à l'abandon sans prendre le temps d'y éteindre le feu ardemment allumé depuis son arrivée dans son univers figé de poupée.

« ton score de sanctions infligées en tant que NOVA est lamentable, on m'a chargée de te le faire savoir. » aussi pitoyable que le mensonge qui sonnait creux entre eux.

la lady Swertsen
la lady, lady c'est si joli entre ses lèvres parmi toutes alors elle sourit mutine, sans se complaire dans le jeu du meilleur menteur qu'il domptait si bien même avant leur rencontre leur rupture aujourd'hui leurs retrouvailles
c'est si joli lady qu'elle se mue en lady héroïne dans ses songes les plus fous ceux faits de dentelle et flanelle entre les draps froissés des dortoirs bien plus vastes et somptueux - là où à son nom elle répond en souffles saccadées et promesses d'éternité, même si on sait
tous les deux
que tout ça c'est pas vrai.

et il est content de la voir, elle - lui il n'est jamais content pour personne et elle enrage de savoir tout ça, l'abject vérité sous les masques d'amabilité
ça fait longtemps qu'elle ne se laisse plus avoir
alors elle baisse le regard en fermant les yeux ; il n'y a pas là le moindre signe d'abdication, plutôt de contentement là où elle ne flanche plus pour des jolis mots raccrochés les uns aux autres par sa voix brûlante.

« un an et trois mois exactement, mais si tu veux mon avis, c'était pas assez long. »

son sourire ne fane pas et même elle le dirige droit sur lui en l'accentuant doucement
quitte à la mitrailler comme dans les rêves de vengeance autant faire preuve d'élégance

« quel joli mensonge, mais toi tu les cumules, tu restes définitivement maître en la matière, Dimitry. »

et rien n'a changé
il n'a pas changé
il prend son coeur ses sentiments et le jette en charpie comme si rien n'avait preuve d'existence

« tu me connais, tu sais que j'adore le pouvoir sur les autres. »

est-ce que c'est ça qui nous a rapprochés tu crois ?
la haine des autres l'amour de leur chute la tâche d'encre sur nos vies millimétrés
et mieux est-ce qu'on s'est aimés Dimitry ?

Les questions viennent, accourent et se bousculent dans son esprit en carcan, alors elle passe une mèche derrière son oreille et serrent un peu plus ses doigts autour de la lanière de son sac.

« ne te ridiculise pas comme ça au beau milieu des couloirs, et moi avec. Ça s'est terminé ainsi parce que tu es incapable de t'impliquer sérieusement dans une relation adulte. Mais ne t'inquiète pas, tout le monde sait que c'est de ta faute. »

Elle pauvre éplorée et lui l'homme sans coeur - presque misogyne.
Elle s'en est assurée.
Et on jurerait que son sourire s'est agrandi à nouveau, à l'abri des regards.

dans ses yeux à lui elle se rappelle tellement de choses
les étreintes aussi passionnées que les cris et les larmes qu'elle a versées en bonne actrice au moment de la rupture, le contact de ses doigts sur sa peau d'ivoire elle lui a permis tant de fois dans des élans magnanimes qui laisse l'exaltation de la chair pour qu'elle en redemande encore
pour peu elle en rêve encore
sans sentiments sans émotions juste la passion
alors elle passe ses doigts sur sa joue, tendrement
lui sourit avec douceur
la fausse, ils le savent tous les deux

« je ne te fais croire rien du tout, je ne fais qu'énoncer les faits »

ses doigts glissent de sa joue à la naissance de sa nuque, elle plante ses yeux océan dans ceux de Dimitry, et laisse la nostalgie consumer ses pores
il l'avait fait sentir vivante, et pour ça elle le déteste encore

« tu veux mon pardon, Dimitry ? Je consentirai à le donner... »

les mots en suspens, il y a des conditions, comme toujours avec Bonnie
elle calcule ce qu'il y a à gagner, celle qui aura le plus de maturité des deux d'être passée à autre chose quand lui parle encore du passé
et puis lui il est tellement valeureux, au sens premier du terme - que ce serait bien dommage de le laisser couler d'entre ses mains

« incline-toi dans ce cas, et jure moi de ne plus jamais utiliser ton alice sur moi »

comme si ça avait été le cas - quand bien même elle l'a aimé au passé au présent pour de vrai
pose presque un genou à terre ce serait trop
elle défait le contact de sa main sur son visage, recule d'un pas, attend l'exécution
parce que sa seule façon d'exister, c'est sur une scène sans spectateurs avec un rôle à jouer

« on pourra conclure une trêve, après ça, mon ange »

sinon ce sera la guerre
et elle souffle plus bas, en secret, contre son oreille lors d'une nouvelle approche furtive et fugace, à l'ancienne

« tu sais très bien que je peux te faire souffrir, de toute façon »

en jouant avec l'alice ou l'esprit
le corps et le coeur aussi

Ça la bouffe elle le sent elle sent ce sentiment si plaisant parcourir sa peau enflammer son épiderme affoler son palpitant
ce sentiment si plaisant d’avant
Elle y dévoile un sourire intrigant, submergé par la plénitude qu’il lui offre
Comme avant
Comme avant
Mais tout à changé
Plus rien n’est comme avant

Ses mains tremblent ses doigts s’agrippent à la manche de son uniforme
Elle ne voudrait pas le toucher
Se satisfaire à nouveau de ce qu’elle avait banni de son corps son cœur son esprit
Lui tout entier tapi dans l’ombre de ses sentiments à jouer avec comme un marionnettiste elle pauvre poupée désarticulée
Tapie dans un recoin prêt à l’attaquer
Et ravager l’ensemble de ses certitudes

arrête....

Elle souffle à peine audible les mots ne percutent rien à part le vide elle le sent elle le sait elle s’étouffe avec sa propre frustration.
Et le déteste encore.
Encore plus qu’hier moins que demain.

Ça suffit!

Et là le cri résonne broie leur intimité en trois syllabes mais il a gagné du terrain déjà sur elle.
Il a fermé son alice avant qu’elle ne s’exclame dans les couloirs et attire l’attention sur eux - elle les devine, ces regards dardes sur leurs silhouettes d’amoureux d’avant
D’ennemis d’aujourd’hui.
Et si elle était sincère, elle dirait que tout ça
Elle n’en veut pas non plus.

Elle se fige et lui lance un regard charbon, de ses yeux si claire et sa voix chantante ne donne plus mélodie.
Seulement du mépris - elle hésite
Hésite encore
Et finalement, laisse sa main gifler la joue de Dimitry
Dans un élan de spontanéité.

Je ne te pardonnerai jamais, Dimitry.

Elle ramasse son sac tombé dans l’affolement, glissé le long de son bras droit, remet ses cheveux en place et redresse le dos.

Tu n’as aucune idée de la bataille dans laquelle tu viens de te lancer.

Sombre bâtard.
Elle le murmure, mais sait que ce ne sera audible que pour lui.
Et tant mieux.
Alors elle quitte la scène en lui lançant une dernière œillade de mépris.