La vie dans l'académie suivait son cours, le jour du festival sportif s'approchait.
Pourtant Jason n'avait pas l'humeur aux festivités.
C'est d'ailleurs une préoccupation pas si nouvelle qui venait embrumer son esprit : la cause de son élévation sociale.
S'il avait réussit à améliorer son quota concernant les punitions distribués par son statut de Nova, il restait néanmoins très en-dessous de ce à quoi il aspirait afin de devenir major.
Mais demander à Ace des conseils à ce sujet serait une forme d'échec, il ne voulait pas sembler incompétent auprès de son ami.

Il existait dans cette académie une étudiante dont les résultats à ce sujet dépassait de très très loin les siens.
Pour tout dire, c'était comme comparer le jour et la nuit.
S'il aurait refusé de venir lui demander conseil auparavant, peut-être parce qu'il était plus du genre à éviter sa présence qu'autre chose, il se retrouvait aujourd'hui dans une impasse.
Situation extrême à laquelle il devait remédier le plus vite possible car le temps s'écoulait irrémédiablement et que Jason s'était trop longtemps ménagé.
Le hasard avait voulu que son dernier entretien avec elle se termine sur une note moins déplaisante que ce qu'il aurait pu imaginé.
C'est donc sans grande conviction mais avec un peu d'espoir qu'il se rendait au gymnase, pendant l'entraînement des cheerleaders.

Installé dans les gradins du gymnase, Jason observait l'entraînement.
Même s'il n'y connaissait pas grand chose en ce qui concerne les exercices de cheerleaders, il était indéniable que Juno-Bianca se démarquait de ses autres camarades.
Suffisamment pour qu'il soit apte à en faire la remarque, tout du moins.
Mais il était impatient et l'entraînement s'éternisait, de quoi le faire frapper au sol avec son talon.
Un peu bruyamment, certes.
A la première occasion, il applaudissait de manière maladroite.
Au final, il s'intéressait très peu pour l'entraînement auquel il assistait et n'avait d'yeux que pour le moment où elle daignerait lui accorder un peu de temps.
Après s'être fait suffisamment remarqué, il attendait qu'elle s'approche de lui, dans les gradins.
Sans même qu'elle n'ait le temps d'engager la conversation, c'est Jason qui s'exprimait.
D'un air très formel.

― Juno-Bianca. J'ai besoin de toi.

Indéniablement, il n'avait pas l'habitude d'exposer des requêtes.
Ni même l'habitude d'engager une conversation.
De converser, tout simplement.
Aidez le.

Encore une fois, Juno s'imposait face à lui par son élégance et sa droiture.
Lui dont l'attitude nonchalante transparaissait bien trop.
Mais Jason ne se laissait pas intimidé, il avait déjà vu la cheerleader plus arrogante et de bien plus près.
En tout cas, elle semblait encline à écouter sa requête, même si elle n'avait pas encore fixée le prix de ce que cela pourrait bien lui coûter.
Un peu timidement, il frappait le banc pour lui demander de s'asseoir à ses côtés.
Il avait un peu l'impression d'être une bête de foire contrastant beaucoup trop avec la rigueur militaire de leur entraînement.

Un blanc s'installait pendant quelques secondes alors qu'il cherchait la meilleure manière de formuler sa phrase.
Pour la faire patienter, il sortait un bonbon à la fraise de sa poche et le déposait dans sa main.
Véritable usine à friandise.

― Je viens te voir car tu es membre de la section NOVA et tu es la meilleure dans ton domaine. Celui des punitions, je veux dire.

La friction de ses mains contre ses cuisses témoignait de son stresse, malgré son calme apparent.
Il ne savait comment formuler ce genre de demande, lui qui avait pour habitude de se débrouiller seul.
Et discuter aussi librement avec quelqu'un comme Juno-Bianca lui donnait l'impression de ne pas être à sa place.
Pas légitime.

― Je voudrais atteindre un quota comme le tien. J'ai l'impression de manquer à mon devoir, des fois.

L'étudiant relevait sa main pour venir gratter son masque à l'endroit où devrait normalement apparaître l'arête de son nez.
Toujours un peu gêné, il reprit.

― Bon, peut-être pas me hisser à ton niveau, mais... Je voudrais faire mieux.

Être meilleur.
Être major, comme Ace ou Elyas.
Et faire plaisir au professeur comme ça, un peu.

Jason se savait incapable d'atteindre un palier comme celui de Juno et elle le confirmait.
Sa personnalité ne fonctionnait tout simplement pas dans ce sens.
Que ce soit par simple flemmardise ou manque d'envie, il se savait incapable de traquer qui que ce soit comme Juno-Bianca savait si bien le faire.
S'il lui était inférieur socialement parlant, il espérait malgré tout qu'elle soit capable de lui donner des astuces.
Peut-être des cibles plus faciles que d'autres.
Des élèves qui avaient tendance à commettre plus souvent des infractions, afin qu'il puisse imposer une punition légère comme celle de la vaisselle.
Car l'hygiène, c'est important.
Mais rien de tout cela, Juno relevait simplement les faits : ce n'était pas dans sa nature.
Dépité, l'étudiant laissait s'échapper de son masque un long soupire, le regard dirigé vers le sol.

Sa demande se révélait infructueuse et s'il aurait pu s'amuser du petit défi qu'elle lui proposait pour terminer sa sentence, il n'en était rien.
S'il apprécierait de l'étonner un jour, ça ne serait certainement pas en se comportant comme ce qu'il n'est pas.
Juno-Bianca avait sûrement raison, autant rester fidèle à ses convictions.
Jason relevait les yeux pour fixer le plafond, cette fois-ci.
Il croisait les bras, se donnant l'air de réfléchir.

― Je suis peut-être capable de t'étonner. Mais pas sur ça.

De nouveau, Jason fouillait dans ses poches pour en sortir un bonbon, à la pomme cette fois.
Déposant la sucrerie dans le creux de sa main, une nouvelle fois, c'est les yeux à demi-clos qu'il lui témoignait son sourire.
Le masque n'était pas pratique pour se montrer expressif mais il lui était reconnaissant pour ses mots.
Peut-être qu'en un sens, elle s'était montrée rassurante.
Il n'était peut-être finalement pas un mauvais membre de la section NOVA, simplement un membre différent des autres.

Jason désignait l'entraînement des cheerleaders d'un geste de la tête, son regard n'ayant jamais quitté Juno, afin de lui faire preuve de son admiration pour leur rigueur et leur coordination.

― C'était impressionnant. Votre entraînement. Tu as beaucoup de talent.

Sa sincérité était presque insolente.
Quelqu'un comme elle avait sûrement l'habitude qu'on la bombarde de compliments.
Mais il prononçait vraiment ses mots avec une pointe d'admiration.
Il détournait finalement son regard du sien pour se remettre à fixer le plafond.

― Je fais un peu de baseball, moi.

Jason n'était pas adroit, cela était un euphémisme.
Il ne maîtrisait pas les codes d'une discussion et même ses tentatives pour attirer l'attention de quelque se révélaient maladroites.
Car c'est bien ça qu'il était réellement venu chercher, même si inconsciemment.
L'attention de Juno.
Sans pour autant développer une obsession pour elle, il avait déjà pensé plusieurs fois à elle depuis leur entrevue dans la bibliothèque.
Elle pour qui il était plein de jugement et de préjugés se révélait bien différente de ce à quoi il s'attendait.
Alors qu'il s'attendait simplement à discuter avec un bully qui se croyait reine de l'académie, elle semblait finalement réellement s'intéresser à son amie, Laëstiel.
Jusqu'à venir à sa rencontre pour déceler ses tourments.
Et peut-être pensait-il stupidement que quelque part, elle s'intéressait un peu à lui aussi ?

Femme complexe qu'il ne savait déchiffrer.
Car il aurait été bien trop réducteur de la limiter à son apparence royale et son attitude dominante.
Que se cachait-il derrière cette recherche de la perfection ?
Lui il cherchait un confort de vie, de la tranquillité.
Qu'est-ce qu'elle recherchait ?
Et dans sa tentative de prolonger l'instant en sa compagnie, il fut démasqué.
Le piège déjoué aussi rapidement qu'il fut mis en place.
Son masque salvateur qui dissimulait la rougeur de ses joues qui remontait pourtant jusqu'à ses pommettes.
Bien sûr qu'elle savait qu'il faisait du baseball, c'était son rôle de cheerleader.
Il insultait son intelligence, s'il pouvait pouvoir la faire parler avec ça.
Mais elle se jouait de l'humour pour désamorcer la situation, le taquiner.
Un humour avec lequel il était bien maladroit.
Pas habitué à ce qu'on le taquine, visiblement.
Jason répondait d'un sérieux à tout épreuve.

― Là ? Ici ? D'accord.

Alors qu'il commençait à chercher la manière avec laquelle il pourrait se mettre à genoux sans foutre un bordel monstre dans les gradins, Jason se figeait net pour replonger son regard sur Juno.

― Je. Je peux pas. C'est sale, par terre. Je veux pas.

L'étudiant au masque se rasseyait correctement sur le banc, frottait l'arrière de sa tête.
Il prenait bien trop au sérieux la blague de son interlocutrice.
Jason n'était pas un simple d'esprit, peut-être prenait-il vraiment à cœur le fait d'avoir insinué qu'il ne prêtait pas attention à elle et le reste des cheerleaders.

― Je suis désolé. Je viendrais vous encourager sans rien demander, la prochaine fois.

Froid mais doux garçon.

Un imbécile ?
C'était peut-être le cas.
Était-ce parce qu'il ne voyait aucune humiliation au fait de plier le genou pour demander pardon ?
Visiblement, le problème si situait plutôt dans le fait que ce lieu n'y était pas approprié.
Ou bien le public était un problème.
Jason n'avait que faire du monde qui l'entourait, cela fait maintenant depuis ses trois ans qu'il existait sous le regard de ses détracteurs.
Cette action ne représentait même pas une balle qu'ils pourraient utiliser contre lui.
De son indifférence s'était forgée une armure imperméable.
Et son regard ne quittait pas le sien.
Uniquement devant elle ?

Jason n'y voyait vraisemblablement aucune objection.
En effet, s'il n'avait cure du regard que les gens pouvaient déposer sur lui, il était évident que ce n'était pas excuse pour la plonger elle dans l'embarras.
Et il acceptait cette situation.
De la même manière qu'il ne ressentait aucune forme d'humiliation à se soumettre face à l'académie et ses professeurs, il n'en voyait aucune à s'agenouiller devant une reine.

― Très bien. C'est promis. Mais je veux un tapis.

Dit-il en hochant la tête de bas en haut.
Pas vraiment une résignation car il n'avait pas lutté.
Car il commençait à développer pour Juno un intérêt intense.
Il voulait comprendre son fonctionnement.
Comprendre sa force.
Ses motivations.
Passer plus de temps avec elle.
Comme si cela était suffisant pour obtenir des réponses, il se permettait même de formuler ce désire d'un aveu coupable.

― Dis moi, Juno-Bianca, pourquoi es tu aussi parfaite ?

Il devait bien y avoir quelque chose qui l'animait, pour se plier à ce genre d'entraînement presque militaire.
Pour l'inciter à écraser tous ses adversaires.
Qu'est-ce qui faisait de Juno-Bianca la Juno-Bianca ?
Pourquoi ne ressentait-il pas de malice, venant d'elle, alors qu'il l'avait toujours imaginé comme un prédateur sanguinaire ?

Sa phrase n'avait rien d'un compliment, elle était une requête.
Une supplique pour pouvoir se débarrasser de cet intérêt soudain.
Jason n'était pas habile pour s'intéresser, il ne savait contrôler ses passions, sa fougue.
Et il souhaitait obtenir des réponses, avant de véritablement devenir esclave.
Mais la bienséance était de mise et il ne pouvait s'imposer indéfiniment à ses yeux.

― Si tu veux reprendre l'entraînement, je ne t'en empêcherais pas. Je sais que je ne suis pas nécessairement la meilleure compagnie souhaitable.

Pourtant au fond de lui, il désirait qu'elle reste là.
Encore un peu.

Elle expliquait.
Juno-Bianca donnait une explication et pourtant, cela sonnait creux.
Non pas qu'il remettait en doute sa sincérité.
Evidemment que Juno considérait la perfection comme son identité, qu'elle méprisait la médiocrité.
Mais ce n'était pas tout.
Sans qu'il ne soit capable de l'expliquer, il pouvait déceler qu'elle cachait quelque chose de plus sombre en elle.
Une motivation plus sincère.
Et c'est cette motivation qu'il était désireux de connaitre.
Toutefois, Jason ne connaissait pas suffisamment la jeune femme pour pouvoir obtenir ce qu'elle ne voulait pas partager.
En serait-il seulement capable un jour ?

Et son sourire ravageur contre lequel il ne pouvait s'opposer.
Jason hochait la tête docilement, comme s'il se contentait des réponses fournies.
Perspicace comme elle était, certainement se doutait elle que ce n'était que façade.

― Tu as raison, ça ne peut faire de mal à personne de pouvoir visualiser un objectif.

Mais tu ne dit pas tout ― pensait-il.
En tout cas, Juno était toujours à ses côtés, de quoi raviver les flammes de la discussion.
Si elle lui laissait la chance d'en apprendre encore un peu plus sur elle, il se devait d'en profiter.
S'était-on déjà sincèrement intéressé à elle ?
La rançon du succès, lorsqu'on ne devient rien d'autre qu'un symbole et un sourire enflammé.
Et quel sourire.

― Dis moi, Juno-Bianca... Est-ce que ça t'arrive de te sentir seule ? Tout en haut ?

Parce que moi, oui.

Juno-Bianca n'était plus réceptive.
Son regard avait changé.
Elle lui infligeait la méfiance dans laquelle il s'était baigné pendant des années.
Pourtant il ne lui en voulait pas le moins du monde.
Comprenait car lui aussi s'était montré méfiant envers elle, lors de son intervention à la bibliothèque.
Et puis, dans le fond, elle avait raison n'est-ce pas ?
Qu'est-ce que tu attends ?
Qu'est-ce que tu veux ?
Lui qui avait cessé d'attendre après les autres se retrouvait là, devant une fille qu'il n'aurait certainement jamais osé abordé, à vouloir analyser son comportement ?
Ce qui constituait son essence ?
Peut-être qu'il avait senti en elle la même solitude que la sienne.
C'est probablement ça.

Si elle voulait qu'il soit honnête, il le serait.
C'était bien là la seule chose qu'il pouvait lui promettre.

― Non, rien de tout ça. Je. Je crois que je veux en savoir plus sur toi.

Le regard fuyant, ses doigts se resserraient autour de ses cuisses.
Comment lui divulguer le fond de sa pensée ?
Qu'il pensait avoir besoin de quelqu'un comme elle, pour mieux se comprendre ?
Son intérêt pour elle était soudain mais embrumait déjà son esprit, lui qui avait pourtant apprit à ignorer ce qui ne lui apportait aucun confort.
Deviendrais tu avide, Jason ?
Avide de goûter à des sensations nouvelles ?
D'abandonner la solitude pour essayer de devenir un peu plus humain ?

Elle l'avait dit, il n'était pas un prédateur.
Pas comme elle.
Pourtant, ça pouvait sembler stupide.
Mais il avait l'impression d'avoir plus en commun avec elle que ce qu'on pouvait percevoir.

― C'est stupide. Laisse tomber. Je vais y aller.

Pas envie de se faire traiter de monstre une nouvelle fois.
C'est plus simple de fuir.

Elle avait bien raison.
Il était stupide.
Stupide de vouloir fuir Juno-Bianca qui s'était montrée étrangement compatissante à son égard.
Stupide de lui imposer cette peur qu'il avait toujours détesté ressentir dans le regard des autres.
A vouloir se protéger, il avait condamné Juno-Bianca avant même qu'elle ne puisse avoir la chance de lui offrir ce qu'il désirait.
N'avait-il pas dit qu'il souhaitait être meilleur ?
Alors, pourquoi fuir ?
Jason avait enfin de la chance de pouvoir prouver sa valeur, se montrer meilleur que les autres en traitant la cheerleader différemment que la manière dont il avait été traité.

Sa réaction provoquait une réaction brusque, dans son regard.
Un changement.

― Je ne vais pas fuir.

Et il s'agenouillerait autant de fois qu'il le faudra, pour s'excuser auprès d'elle.
D'avoir vu en elle quelqu'un capable de le blesser tout comme Carmen l'avait fait auparavant.
De condamner sans procès.
Elle ne ressemblait en rien à toutes les idées qu'il s'était fait.
Etait-ce ça, ce que ressentait les étudiants qui voyaient en lui un monstre sans même lui avoir adressé la parole ?
Coupable, il ne laissait pourtant transparaître dans son regard aucun doute.
Peut-être un peu amer de s'être comporté ainsi alors qu'il était venu quérir son aide.
Au final, il l'avait insulté.
Sans le vouloir.

― Pardonne moi. Je suis maladroit. Pas méchant.

Je te le jure étouffait-il entre ses lèvres.
Mais s'il devait promettre de ne plus fuir, du moins pas devant elle, il devait avant cela s'assurer de quelque chose.

― Juno-Bianca, est-ce que tu as peur de moi ?

Et il ne faisait pas référence au Jason qu'elle avait sous les yeux.
Mais bon à cet alice dont il ne pouvait se débarrasser, pas plus qu'il ne pouvait le contrôler.
De ce danger constant qu'il représenterait, sans ce masque.
Comme lors de la rencontre à la bibliothèque, il déliait les sangles du masque à l'arrière de sa tête pour laisser apparaître son visage, une nouvelle fois devant elle.
Il ne pouvait rompre le mutisme mais le regard qu'il lui adressait valait mieux que mille discours.
Est-ce que tu as peur ?

Juno-Bianca était forte.
Incroyablement forte.
Bien plus que lui.
Elle fixait son fardeau sans faillir, sans laisser retranscrire quoi que ce soit.
Et ils se disaient bien plus en un regard que tout ce qu'ils avaient pu se dire avec des mots auparavant.
Jason n'en savait pas plus sur elle, sur ses motivations, mais il avait comprit quelque chose d'important la concernant.
Elle ne reculait, elle ne reculerait jamais.
Pas à la bibliothèque, pas dans ce gymnase.
Ni aujourd'hui, ni demain.
Et il admirait cette force, cette conviction si intense qu'elle était meilleure que les autres en tout point.
Peut-être qu'il avait commencé à le croire, lui aussi.
Sa main droite parcourait les lignes de son visage, jusqu'à sa mâchoire.
Comme promit, Jason ne fuyait pas.

Juno-Bianca relevait son matin, le faisait afficher la laideur de son alice non pas comme un fardeau mais comme une fierté.
Ses crocs, sa crinière, ses griffes.
Pouvait-il vraiment devenir lion ?
Peut-être pas.
Mais en cet instant, elle lui donnait l'impression d'être bien plus qu'une ombre léchant les murs de cette académie depuis toute une vie.
Depuis trop longtemps.
Et il lui était reconnaissant, sans pouvoir l'exprimer par des mots.
Jason attrapait sa main, l'enrobait entre ses doigts gantés.
S'il était incapable de ressentir de la fierté pour la capacité destructrice de son alice, il pouvait être heureux de ce que cela évoquait chez elle.
Avait-il obtenu une forme de respect de sa part ?
Et comme un adepte, Jason se plierait aux préceptes de la reine aux cheveux de braise.
La honte être moins présente.
La solitude, plus transparent.

Son regard se déposait sur les baskets impeccablement blanche de la cheerleader.
Il désignait les chaussures d'un mouvement de la tête et plongeait de nouveau son regard dans celui de Juno.
L'air de dire Je pensais que tu t'entraînais aussi en talons.
Pourtant, malgré l'absence de ses talons ― de DIX CENTIMÈTRES SÉRIEUX ?? ― elle était bien plus grande qu'à la bibliothèque.

Elle l'accompagnait dans son silence, dans les murmures secrets, les mots qui ne dit qu'avec les yeux.
Juno-Bianca riait du regard qu'il avait adressé à ses chaussures, répondait au défi par un sourire qui soulevait son corps.
Car le corbeau sentait naître en lui une flamme qu'il pensait avoir oublié depuis déjà plusieurs années.
Il dévorait la cheerleader des yeux, même lorsqu'elle le quittait pour rejoindre l'entraînement.
Même lorsqu'elle lui adressait ce regard et ce sourire complice.
Même lorsqu'il le pouvait plus ressentir la chaleur de sa main à travers ses gants.
Peut-être aurait-il du en profiter un peu plus, ôta cette peau de plastique comme il l'avait fait avec sa muselière ?
Existait chez cette reine une douceur insoupçonnée, une aura apaisante, lui qui la pensait uniquement déesse vengeresse.

Perdu dans ses pensées, c'est un geste désintéressé qu'il s'emparait de nouveau du masque qu'elle avait écartée sur l'assise derrière elle.
Elle n'avait pas fuit.
Lui non plus.
Peut-être qu'ils s'étaient un peu compris, lors de cet échange ?
En tout cas, ils s'étaient mutuellement acceptés.
Jason ne savait ce que cela pouvait signifier si ce n'est qu'il ferait tout en son pouvoir pour lui arracher de nouveau ce sourire qui avait serré son cœur et allégé ses épaules.
Il pouvait se voir différent, dans les yeux de Juno-Bianca.
Elle aurait pu l'écraser mais lui avait offert le plus tendre des silence.
Et alors qu'il attachait de nouveau son masque pour enfin quitter le gymnase, il regagnait sa prison.
Mais depuis l'ouragan Juno-Bianca, il se sentait un peu plus libre.
Un peu plus lion.