Téléphone qui se glisse sous la poche, il y a les pas qui se précipitent légèrement sur le bitume - le nez qui plonge dans la douceur de l'écharpe, les paupières qui s'apaisent un instant, ça goûte sur la peau l'air emprisonné de cette liberté factice en dehors des salles de classes ; le sac toujours sur l'épaule, comme dans la peur de perdre la moindre seconde des retrouvailles.
La chaleur dans le coeur, c'est la douceur de votre relation qui fourmille dans tes veines - alors ça engraine ta marche jusqu'aux serres.
Et ça veut taire ce qu'il y a derrière.
×××
Paradis des plantes et de l'oxygène neuf, ça lève un peu le menton, instinctivement, jusqu'à ce que tes prunelles s'illuminent, que tes muscles se relâchent, avant que tes jambes ne s'élancent dans une courte course pour le rejoindre.
— Jaja ! ça s'exclame T'es là ! un peu bêtement, le sourire aux creux des lèvres, il y a ton regard qui se glisse à sa hauteur, sur sa silouhette ; toujours la dérangeante impression d'un retour en arrière.
Il y a la main qui se noie dans ses cheveux - et peut-être que le geste se veut infantilisant, mais tu t'en fiches bien pendant un instant, juste le bonheur de goûter à sa présence sous tes doigts ; et puis, c'était toi le plus grand, pas vrai ? Et quand ça se détâche, ça lance un oeil sur ses côtés, réellement interressé - les plantes, ça te passait au dessus de la tête, mais si ça lui plaisait, ça ne pouvait qu'éveiller ta curiosité.
Le sac qui tombe sur le sol et les dix doigts qui se lèvent pour s'activer le temps d'une seconde, tu ne fais que le regarder.
— Mes p'tites mains sont parées pour t'aider, ça ira deux fois plus vite ensemble.
Sometimes I say, "hello, hello, hello Is anyone there Please talk to me, talk to me If you care".
à l'ombre des rhododendrons le végétal dit c'est l'heure, cela fait même des jours que l'on attend - et ce n'est que maintenant qu'il arrive ! - enlaçant les tuteurs les fleurs s'insurgent sûrement de le voir avancer en traînant les pieds comme si c'était une corvée d'être là en silence elles doivent penser qu'on ne le reconnaît pas.
ce n'est pas cet enfant qui prend bien soin de poser le cartable dans un coin, là où on ne risque pas de le salir, et ce n'est pas lui non plus qui gante les doigts lorsqu'il faut s'atteler à couper les gourmands ! on le regarde faire atterré et les roses et les azalées font grise mine, les corolles ternes tout à coup, toutes les feuilles bruissent son prénom, elles s'inquiètent elles demandent c'est bien toi ? c'est lui qui venait avant et désormais te voilà. tu n'es pas lui ce n'est pas toi qui a pris soin de nous ces derniers temps - vois ! regarde ! comme le travail manque de soin.
la rancune sous les yeux accuse l'absence on n'a pas baigné les lierres comme il faut et l'eau stagne au fond des pots et les plants de haricot poussent mal on a mal ficelé les rameaux ce n'est pas Jasmin qui a fait ça ce n'est pas lui qui fait comme ça pas comme d'habitude pas comme il faut pas comme il veut jamais comme il veut.
le geste vif, il enlève les gants et les jette, loin, ils atterrissent dans la bruyère, et puis impatient, à même le sol il s'agenouille, et creuse dans les parterres rageusement, déterre les tuteurs placés n'importe comment et racle, racle presque jusqu'aux racines pour vérifier que ça n'a pas fait de nœuds, et soupire, furieux, passe le dos de la main sur la joue et sali le visage de terre c'est alors qu'on le reconnait enfin cet enfant-là c'est bien lui on s'exclame.
"Jaja !"
alors Jaja relève la tête, avec des airs qu'on ne lui avait pas vu depuis longtemps - ceux d'un môme qui creuse la terre à main nue et dont le visage retrouve des couleurs comme les fleurs lorsqu'elles revoient enfin quelqu'un qui leur a manqué. comme elles on l'appelle
Elior !
et on ne se formalise pas lorsqu'il vient passer les doigts dans la tignasse charbonneuse jamais disciplinée. risette qui continue de dire Elior Elior Elior viens donc toi aussi enfouir les paumes dans les sols remuer la terre avec Jaja ! cool parce que comme ça fait longtemps que je suis pas passé y a deux fois plus de choses à faire. comme si l'on reprenait vie après l'hiver Jaja se lève d'un bond, électrisé par les retrouvailles il ne sait pas par où commencer ne sait plus trop où donner de la tête, il s'est levé trop vite et chancèle à peine, se rattrape à l'avant-bras d'Elior et remarque qu'il faut encore lever les yeux vers lui pour dire ah- pardon. Elior, toi aussi tu es là. sans prévenir les bras se ferment autour de toi et il y a dix secondes où l'on redevient petit au cœur des serres.
stop c'est l'heure on a dit et Jasmin comme il est venu, s'éloigne, défait la prise des doigts - on n'a pas besoin de tuteur pour pousser ! relève la tête comme si l'on venait tout juste de se remettre debout sur les deux pieds et il s'avance déjà vers tout ce qu'il reste à faire. je pense on va commencer tu vas pouvoir m'aider les pots de fougère ils sont super lourds et ils ont jamais vidé les baquets dessous il faut que je m'en occupe aujourd'hui absolument. Elior tu comprends c'était aujourd'hui absolument.
On a jamais eu la main verte, à croire que tout se meurt sous les doigts, comment s'épanouir soi-même si on est pas fichu d'épanouir une fleur - on se le demande. Tu dis pas mon truc pour la cuisine, pour les plantes, les animaux et tout le reste, peut-être ; mais pour certain, ça retrousse ses manches et ça plonge ses doigts dedans, les deux pieds en avant, parce que c'est pour certain, justement.
Il s'accroche à toi, maladroitement et tu l'observes avec trop d'amour aux coins des lèvres ; il s'excuse, mais tu ne t'en préoccupes pas.
Au moment où il s'éloigne, les mots viennent à tes oreilles et tu l'écoutes avec application pour savoir très exactement comment lui venir en aide - un instant d'égarement et il était certain que tu ne saurais plus comment t'y prendre. Tu hoches vigoureusement la tête et sans plus tarder, tu vins décrocher des gants pour y habiller tes dix doigts et, une fois fait, ça se baisse pour porter les pots.
— Ah putain c'est lourd... le langage aux orties, ça parle comme aux autres parce qu'on a jamais appris ce qu'il ne se dit pas.
— Fais attention... à toi.
Et ça déplace pour laisser la place à la terre, aux feuilles mortes et au reste dans le fond du baquet, presque indiscernable.
Ca se redresse, le regarde un instant et le regard se perd sur tout ce qui entoure - ça revient vers lui, un instant, à nouveau, le sourire, comme toujours.
— T'aimes ça ? Ici ? Je paris que t'y reste des heures... et ça s'accroupis, prêt à nettoyer, à aider, tout en parlant de tout, de rien surtout, de lui avant tout. C'est reposant...
Sometimes I say, "hello, hello, hello Is anyone there Please talk to me, talk to me If you care".
peut-être pas du vert au bout des doigts Elior mais toi au moins tu es grand et fort, bien plus fort que Jaja qui te voit soulever les fougères et jurer parce que ceux de ton âge ont le droit.
aussitôt les baquets à l'air libre Jasmin, sans se soucier de retrouver ses gants pour couvrir ses mains, va vite chercher de quoi racler tout et puis revient. laisse tout à même le sol pour saisir le coin du premier bac, il lève un regard amusé vers Elior à quelques pas. toi fais attention à tes pieds ! on aurait du prévenir et te dire de venir bien chaussé, et Jaja soulève pour vider toute l'eau stagnante, elle éclabousse un peu et puis s'écoule jusqu'aux rigoles au centre de la serre, inonde et disparaît, comme les pensées sombres lorsqu'on vient ici.
au sol où c'est encore sec, une fois les baquets reposés il s'y agenouille, au moment où tu le rejoins et t'accroupis auprès de lui et du travail à faire. évoque le temps passé sous les orangers et les lauriers - c'est les plantes que l'on rentre pour l'hiver - ah, Elior, si tu savais, toutes les heures qu'on a gaspillé ailleurs.
du trouble sous le paisible, mais c'est penser aux beaux jours précédant tous les orages alors Jasmin sourit tout de même, saisissant déjà des poignées de feuilles mortes pour faire un tas en dehors du bac. oui j'aime trop... j'ai pas fini d'apprendre, j'étais sûr de connaître par cœur toutes les fleurs mais Olivia elle m'en a montré d'autres encore, et comment on s'en occupe. et à chaque fois c'est différemment alors y a toujours des trucs à faire - ici on s'ennuie jamais. le vide n'existe pas dans la Nature - elle en a horreur et ça tombe bien car Jasmin aussi.
il préfère quand c'est plein de terre et de parfum, se languit de l'extérieur depuis toujours, et se forcer à rester dedans les ongles propres et les cols bien blancs c'est si peu lui - c'est pour ça qu'on a tardé, Elior, à t'envoyer des messages, ce Jaja trop sage des dernières semaines, tu ne l'auras pas reconnu. lui non plus ne se reconnait plus, reconnait moins l'endroit d'habitude on ne doit pas gratter autant sous les plantes... la risette désemparée en voyant les feuilles s'empiler on n'en a jamais retiré autant. j'ai pas trop eu le temps de venir avant aujourd'hui, du coup c'est un peu fait n'importe comment... il espère que vous ne lui en voulez pas trop, les fleurs et toi, d'avoir été aussi occupé. (débordé submergé).
à Elior comme à elles, Jaja a envie de présenter des excuses. assidu à l'école il a cumulé les absences à vos coté et les dents malmènent un peu les lèvres une seconde, avant de soupirer les craintes - elles se mêlent à ses souffles rieurs tandis qu'il lève les yeux vers toi. j'avais peur que tu trouves ça nul. c'est idiot pas vrai ? mais c'est qu'à force on ne sait plus trop la différence entre être un enfant et jouer au grand.
Alors il te dit plein de jolis choses, de jolis mots murmurés comme si ça pouvait être déplacé de mieux s'entendre parler - et tu l'écoutes, attentif, comme à ton habitude, parce que tout ce qu'il débite à toujours eu la moindre de tes attentions. Et malgré tout, pourtant, on est un peu trop conscient qu'on a laissé flétrir ce qui s'était épanouie - pas vraiment un éloignement de l'un et de l'autre, juste la vie qui se subit des deux côtés et les pas trop fragiles pour se retrouver.
Plus il en parle et plus tu le trouves un peu plus beau cet endroit, là où le silence est roi et où la vie s'agite - le regard perdu dans ses gestes, tu ne captes aucun de ses regards et peut-être que ton cœur appréhende, peut-être qu'il le sait avant même que tu ne l'entendes ; avant aujourd'hui le monde n'était pas aux plantes, à la terre, aux ongles noires et à l'odeur des herbes.
Et finalement, il le relève, le menton, malgré les aveux du bout des lèvres - et c'est flagrant, à cet instant, la ressemblance ; cette manie de toujours regarder dans les yeux, même si on a honte - parce que parfois c'est trop important à dire que les mots seuls ne suffisent pas.
— J'avais peur que tu trouves ça nul.
— Pas du tout. et ça sort sans même y réfléchir, peut-être même qu'il y a un sourire - simplement pour apaiser les craintes, on l'espère. Moi je trouve ça cool. Je pense que je connais pas un dixième des fleurs qui se trouvent ici et que t'en sais plus que moi. C'est un peu à part de tout ici... alors peut-être que j'y connais rien, mais j'aime beaucoup. y a le menton qui se penche et tu l'allèges de ton regard pour retrouver la terre au fond du baquet - alors on copie les gestes, pendant qu'on met en forme ce que l'ont pense.
— N'ai pas honte de toi, encore moins avec moi. Si tout ça, c'est toi, je veux tout savoir, même si je comprendrai sûrement pas. un peu plus haut le regard, ça observe les feuilles qui ondulent et si le sourire se perd, l'intérêt s’aiguise - qu'importe les facettes de Jasmin, tu les acceptais toutes et peut-être que finalement, il n'y avait rien de plus Jasmin que des doigts délicats qui donnent vies par amour, à l'inverse de la réputation de l'alice qui lui est propre.
— Et si on se moque de toi pour ça... ça le retrouve, la fine silhouette pleine de terre et d'humidité - ça donne envie de lui plonger la tête au fond du baquet. Tu m'le dis et ils rigoleront pas longtemps.
et du doigt ça dépose de la terre sur le bout du nez
Sometimes I say, "hello, hello, hello Is anyone there Please talk to me, talk to me If you care".
oh... ok ça va, si t'aimes bien ça va. crépuscule de regard au diapason, les tiens Elior, et puis ceux de Jasmin, ils retournent à la terre en même temps. y planter des graines plus sages, les iris y fleurissent paisible. et te regarder enlever à ton tour tout ce qui pourrait étouffer les plantes, les feuilles mortes et la terre noire au fond des baquets, on a l'impression que tu décharges l'esprit d'enfant de ce qui lui pesait ces derniers temps. à chaque poignée de végétal putréfié qu'on enlève, Jaja respire mieux.
rien qu'un peu de trouble sur les yeux mais pas longtemps parce qu'il a douze ans et qu'à cet âge là on est grand. ah - on se moque moins Elior, tu sais. et pour d'autres raisons désormais. mais tu dis qu'il n'y a rien à mépriser par ici - même si on a de la terre sur le nez
réveille l'enfant nature - ça manquait d'engrais insouciant - le visage se froisse sur l'instant et puis c'est de la sève candide qui vient courir dans le sang elle fait tressaillir d'éclats de rire tandis que Jaja secoue la tête car passer la main où Elior a taché le visage ne ferait qu'aggraver les choses. maiis- c'est pas moi qu'il faut rempoter ! on va avoir besoin de ça pour les magnolias. ils aiment bien même si c'est fané et trempé, ça mange de tout. l'euphorie momentané, comme le pollen elle s'égraine et s'éparpille dans quelques derniers ricanements tandis qu'on se reprend, replonge les doigts au fond des bacs - même si c'est moribond c'est du vivant, alors ça ne l'écœure jamais, Jaja. et il acquiesce, parce qu'à Elior on n'a pas peur de dire oui. d'accord, alors, le prochain qui m'embête je t'appelle comme ça tu lui casses la tête. ou les bras, comme tu veux, c'est toi qui vois. des nuages qui passent sur les serres tout à coup - ou bien dans le ciel sombres des prunelles, on ne sait pas trop. toujours des frissons qui galopent sur l'échine dès qu'on évoque les os, en ce moment, et on ne comprend pas bien pourquoi.
incertain, le geste hésitant - c'est bien accroché à la surface des baquets alors Jaja s'empare d'un des outils pour commencer à racler. finit par souffler tout haut ce qui balaie l'esprit tout bas. ... t'as déjà tapé quelqu'un, Elior ? on s'interrompt dans le chemin de pensée car il faut forcer un peu sur l'un des rebords, serrer les doigts sur le manche pour appuyer, ça rend les phalanges blanches. avant de reprendre, l'air de rien. genre, vraiment fort. genre à faire mal pour de bon. on demande, comme ça, si tu t'es déjà sali les mains.
Adorable on ne peut que rire, se défendant comme si c'était toi l'enfant - la vérité c'est que vous l'êtes tous les deux, seulement avec des problèmes d'adultes en dedans. Trop tôt la joie s'efface pour laisser place à quelque chose de plus délicat - Elior, le cœur lourd, on se dit que de vous deux il est celui qui pourrait briser les autres ; on aimerait le délester des corps craquelés et des âmes disloquées pour échanger tes malheurs contre le sien - peut-être serait-il moins lourd.
C'est les enfants maudits des romans mal écrits.
Et toi, Elior ? As-tu brisé toi aussi ? De tes mains, as-tu entachés des humains plus humains que tu ne pourrais l'être ? On aimerai dire que non - dire à Jasmin qu'il ne faut pas agir comme ça, montrer l'exemple de l'exemplaire ; parce qu'il était ton petit frère.
Malheureusement, on regarde un instant les mains couverts des gants - c'est que tu les sais plein de sang. À frapper fort parce qu'on nous as fait du mal avant - tu sais Jasmin, parfois c'est les plus grands que nous que l'ont abat, parfois c'est même nos propres parents mais ça, tu le sais déjà.
Malgré qu'on soit frère Jasmin, on est heureux de pas avoir le même père.
— Oui... parce que tout n'est pas blanc et noir, Jasmin, parce que parfois c'est pour se défendre, parfois c'est aussi pour défendre ceux qu'on aime - Jasmin, on frapperait pour toi et plus que tout, on frappe pour Elyas, parfois pour d'autre aussi parce c'est comme ça - parce que des fois on est en deçà de l'humanité qui nous as été attribué.
— ... et pour la première fois Elior, pour la première fois de toute ton existence, tu aurais presque des remords - y a le cœur qui tambourine, jamais de regret à faire payer aux autres, pourtant auprès de Jasmin, on a presque peur de pas l’amener vers le droit chemin, parce que pour soi, c'est le notre mais on veut pas, on veut pas faire n'importe quoi, on veut pas gâcher autre chose que soi.
— Sans mon alice, j'ai déjà frappé fort, très fort. Et... j'ai jamais eu de regret. et on lui fait confiance, on lui parle comme à un ami, une confidence, un secret, comme s'il était plus âgé, parce qu'il devait savoir qui tu étais vraiment, Elior, loin d'être un modèle pour les autres - Je veux être comme toi plus tard ! Oh Jasmin, si tu savais à quel point Elior prie, prie auprès du Dieu de sa mère, que cela n'arrive jamais.
— Parfois parce que j'ai une colère que je peux pas contrôler. Des fois je deviens juste... fou de rage. Parfois pour me protéger ou protéger les autres. Et j'ai jamais eu de regret parce que... je crois qu'on m'en a retiré la capacité... Mais Jasmin, ce n'est pas parce que je te dis ça, qu'il faut se mettre à foutre des patates de forain à tout le monde dans la cour okay ? l'amusement qui vint ravager ce qui s'était dit, on sourit pour apaiser les larmes des éplorés.
et ça veut surtout dire ne fait pas comme moi on n'y revient jamais
Sometimes I say, "hello, hello, hello Is anyone there Please talk to me, talk to me If you care".
tu as dis oui fort, très fort et sans regrets toi aussi Elior, les ecchymoses tu dis ces sentiers là on connait on les a déjà foulé, tu les as déjà parcouru en long en large parce que fou de rage.
tu sais Jasmin a les mains propres sous la terre rien que la peau blanche et les ongles ras qui n'entailleraient pas grand chose s'il s'en faisait des griffes. serre parfois des petits poings comme toi - on voudrait faire comme toi Elior - mais il ne les lance pas bien loin pas bien fort, non, rien que dans son oreiller de temps en temps quand il a des tourments (il a essayé les arbres mais l'écorce fait trop mal) alors alors filer des œils au beurre noir ça n'arrivera probablement pas. des bourgeons de sourire timide au coin des lèvres. j'veux faire mal avec personne Elior t'inquiète... mais c'est qu'il a gelé cet hiver et ça peine à éclore. tu sais les mains sont propres alors est-ce qu'ils comptent vraiment, les détours du coté des chemins dont tu parles ?
aux poignets frêles brillent sourdement de lourdes perles, en bois sombre ce sont elles qui retiennent les mauvais coup de sang et font qu'on a pas à se soucier du pouvoir qui sommeille en dedans.
depuis qu'elles ont pris l'eau salée il y a des matins où Jasmin se réveille en sursaut et porte aussitôt les doigts là où elles se trouvent et il ne sait pas pourquoi. il ne se souvient pas bien de tout ce qu'on a pu faire sur le bateau avec tous ceux de sa classe il se rappelle juste du mal de mer et de l'odeur écœurante des embruns. à certains moments les fragrances lui reviennent et donnent le haut-le-cœur, l'océan ce jour-là sur le croiseur, Elior, ça sentait ça sentait la mort et Jaja, il a toujours connu l'odeur des fleurs. .. j'voulais faire mal à personne tu sais. pourquoi l'eau croupie du fond des baquets ne suffit pas à recouvrir ? pourquoi ça sent encore ? on y est allé, Elior, et on a peur d'être resté bloqué là-bas sur les sentiers dont tu parles ils descendent descendent descendent jusque dans les entrailles du bateau de la mission des dangereux.
serre la terre au creux des paumes et puis lâche pour venir les fermer sur le tissus de l'uniforme au niveau des genoux, ça tâche. ça tâche quand il pleut sur les joues et qu'on ne comprend pas pourquoi et qu'on y passe les mains sales, noircit l'ovale du petit visage. depuis décembre, j'étais occupé, y avait les contrôles et puis, la sortie avec la classe, j'voulais pas- laisser les fleurs et les plantes mais je pouvais- p-pas venir et y en a pleins, pleins, pleins qui sont mortes à cause de m-moi. regarde, tous les plans qu'on s'est efforcé de faire devenir grands, le tuteurs placés n'importe comment, et les branches laissées trop hautes, elles ont cassé. tout ça tout ça ça sent la mort et Jasmin ne sait pas pourquoi, on n'a pas les mots pour ça.
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Sujet: entracte – jasmin † elior 
