Asmo a envie de hurler.

Il a la haine, le sang qui bout comme jamais. Ça le tue. Ça l'enrage.

Il a passé deux jours à l'hôpital à voir les infirmières aller et venir sans rien daigner lui dire. Il a mal dormi. Tout était trop blanc, trop confortable, trop calme. Il avait besoin de savoir ce qu'il s'était passé. Son cœur battait encore trop fort. Son épaule était pansée et désinfectée. Mais il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas les mains des médecins sur lui, les regards en coin et ce silence. La colère bouillait en lui. Il voulait savoir, voulait avoir des nouvelles. Des nouvelles du bro qui ne répondait pas, des nouvelles d'Ama, de Pandora, de Klaus et tous les autres ...

Ce monde ne tournait plus rond. Déjà que c'était pas la folie.

On a fini par le sortir de l'hôpital. On lui a fourré un nouvel uniforme entre les mains et on l'a félicité avec un sourire mielleux. Là, Asmo a senti qu'on l'entubait quelque part. Ça sonnait dans sa tête. Ça hurlait même. On l'a amené à sa chambre.

La porte d'une chambre de simple étoile s'était refermée dans son dos avant qu'il ne réalise ce qu'il se passait.

On lui avait donné une putain d'étoile.

Un haut le cœur le secoue à cette idée. Ses yeux, bien que moins puissants à cause de l'épuisement, s'embrasent alors que la rage hurle dans ses veines. Il voit face à lui, ses affaires, son monde au grenier, son espace, détruit, rangé proprement dans sa nouvelle chambre. Ses poings se serrent jusqu'à ce que les jointures blanchissent. Ses ongles s'enfoncent dans sa peau et un liquide carmin vient caresser ses phalanges.

Ça le tue, ça l'enrage. C'est l'humiliation suprême. Un système qu'il a toujours haï, emmerdé, cherché à détruire qui le félicite et lui offre une promotion. Qu'ils aillent tous se faire foutre. Il arrache l'étoile de l'uniforme qu'il tient sous son bras. Le blanc immaculé se tâche de rouge et tombe au sol.

Un grondement sourd monte des tréfonds de sa gorge. Il se mue en cri, en hurlement. une bête qui sort d'un sommeil trop longtemps ignoré. Asmodée devient fou, il déchire ses toiles, arrache les pages de ses carnets, brise ses crayons, lacère ses fringues, éclate son téléphone contre le mur. Sa blessure à l'épaule le lance, le pansement se couvre de sang. Il s'en fout.

Il s'en fout. Il s'en fout parce que plus que jamais, il a le sentiment d'être enfermé, de n'être qu'un jouet entre les sales pattes de Collins et de son équipe. Il a vu les étoiles filantes. Il sait, il sait que Pandora et Caprice en font partie. Il le sait et ça lui fout la gerbe. Il sait que le bro est à l'isolement. Il sait tout ça et ça l'enrage. Jamais il n'a autant perdu le contrôle. Si un imprudent entrait à cet instant, Asmodée ne répondrait pas de ses yeux brûlants.

On lui a arraché sa maison, son refuge. Son royaume. On l'a descendu plus bas que terre. Ceux qui l'ont récompensé savaient forcément qu'ils lui faisaient un cadeau empoisonné.

Debout au milieu du chaos que sont devenues ses affaires, Asmodée reprend lentement son souffle erratique. Sa voix est brisée. Il se sent vide, vide d'émotion et la seule qui daigne l'envahir, c'est la haine. Cette étoile, cette putain de maudite étoile. Il la perdra, il la perdra en grande pompe. Il la perdra en riant.

Il aura volé tout ce qui se vole dans cette chambre, il aura détruit tout ce qui se détruit dans cette chambre. Il sera le monstre qu'ils ont réveillé, il sera la bête qu'ils ont sortie de sa tanière.

Il n'a pas échappé à une putain d'armée russe pour qu'on l'humilie à ce point. C'est une déclaration de guerre et Asmodée est déterminé à la mener jusqu'au bout.

Ses épaules tremblent alors qu'un sourire mauvais et tordus étire ses lèvres. Son corps entier le fait souffrir, il ne le sent pas. La colère anime ses gestes. Plus que jamais, il détruira les fondations de ce monde pourri, il les dynamitera et regardera Agatha, Alvin et Melchior crever la gueule ouverte dans les flammes.

Asmodée sort de son trou et il va tout détruire.