T'adorais les festivités de fin d'année, c'était toujours magique, il y avait toujours mille et une activités à faire, et surtout : ça te permettait de conjurer l'oisiveté . Puis ces rituels ont toujours été importants dans ta famille, alors tu les avais assimilés dès ton plus jeune âge.

Tu étais en route direction le café, profitant de chaque brise hivernale. T'adorais vraiment tout ça; l'hiver, c'est pas ce qui te donnait froid.

Tu te remémorais ton dernier échange avec Alistair.
Vieille carcasse qu'il a dit. J'suis pas si vieille que ça quand même.

Évidemment que t'étais pas vieille, puis, t'es plutôt mal placée pour râler sur cette appellation sachant que tu appelles tout le monde de façon désagréable la plupart du temps.

Quel morveux.

Tu regardais l'heure rapidement sur ton téléphone : 13h27; trois minutes avant les 13h30.
Tu te félicitais d'être toujours ponctuelle tout en passant le seuil du café.


― Je me demandais si t'allais arriver à l'heure.

Tu levais la tête vers lui avec ton plus beau sourire, il méritait au moins ça selon toi.

― Bonjour le mioche, tu vas bien ? Moi ça va très bien, merci de demander.
Tu avais dit en lui passant la main dans les cheveux avec ton sarcasme habituel. T'étais pas connue pour être une personnalité chaleureuse mais avec Alistair, t'essayais toujours de l'être.

Tu t'assieds en face de lui :
― T'as déjà commandé quelque chose ? Prends ce que tu veux, c'est moi qui offre.

T'étais peut-être peu sympathique dans ta façon de parler, mais tu faisais preuve de chaleur autrement. D'après toi, il n'y avait pas que les mots pour montrer à tes proches que tu les appréciais.

Rien que de l'inviter était une marque d'affection de ta part; tu savais qu'en offrant tu devrais peut-être faire l'impasse sur autre chose. Honnêtement, t'en avais rien à faire, tu te fichais de ne pas pouvoir t'acheter quelque chose d'autre à la place; parce que c'était toujours moins important que de passer du temps avec Ali.

― Tu fais vraiment une sale tête; j'insiste pour t'offrir.

T'avais presque envie de lui dire que tout irait bien, mais t'étais pas sûre que c'était exactement ce qu'il aurait voulu entendre.


mingi

― Ah euh non non, je t'ai attendu. Et d'accord mais alors en échange je t'offre ce que tu prends ok ?

Premièrement, il t'a attendu sans rien commander, et deuxièmement, il propose de t'offrir aussi en échange. Ça se voit que ça ne va pas, ces éléments manquent de sens à tes yeux.

On dirait que je vais chasser du démon aujourd'hui.

Les démons, ce sont les pensées qui parasitaient Alistair en cette morne période -morne, pour lui-. Ils étaient tenaces, depuis toutes ces années ils tenaient bien en place, tu le savais; mais ça ne t'empêchait pas de t'accrocher et de te dire qu'il y avait forcément une faille, que tu pouvais faire quelque chose. S'accrocher au moindre espoir, c'est normal non ?

Tu lèves les yeux au ciel :
― Tu dis n'importe quoi.

Oui c'est normal de s'accrocher, et on va le faire parce que c'est pour ça qu'on est là.

― Je fais tout le temps une sale tête Alex.

Ça c'était très faux; selon toi Alistair savait être solaire parfois. C'était juste pas le moment de l'être.

― Tu sais qu'il ne va rien t'arriver là tout de suite maintenant ? Tu vois boire quelque chose de chaud et ça va réchauffer tout ton être. En plus t'as la chance que je sois là alors tu vas profiter de cet instant.

T'avais clairement pas peur d'y passer du temps. Il est vrai que tu pouvais avoir l'air agressive, rabat-joie, ou peut-être même crâneuse. Enfin quelque chose comme ça.

Mais c'était loin d'être le cas. Tu l'affectionnais, et t'étais prête à mettre tes efforts dans cette rencontre pour qu'il termine par y passer un bon moment.

Tu as fait un signe pour appeler un serveur :
― Un chocolat chaud pour moi s'il vous plaît.

Et puis tu t'es tournée vers Alistair, afin d'écouter sa commande avant de te lancer dans ta bataille.


mingi

Ses sentiments sont profondément enfouis décidément. Tu décides de le laisser respirer un peu, pensant que c'est la meilleure chose à faire actuellement.

Durant sa commande, tu l'étudies : tout semble si naturel. S'il ne voit pas pourquoi tu dis toutes ces choses-là, c'est bien que ça va ? Est-ce que tout est vraiment si naturel que ça ? Tu trouves que quelque chose cloche, mais tu ne sais pas quoi.

― Moi je vais parfaitement bien, je suis contente de pouvoir te voir.

Et tu repenses au "niquel" qu'il t'avait sorti du tac au tac quand tu lui avais demandé comment il allait. Trop de choses te paraissent bien fausses autour de ce chocolat chaud.


Là, tout de suite, maintenant, tu voudrais le secouer, lui dire "parle-moi putain" et peut-être même le prendre dans tes bras s'il en avait besoin; et tu l'aurais fait, si vous n'étiez pas dans un lieu public. Tu l'aurais fait si tu n'avais pas peur que lui panique. Là c'était lui au premier plan, pas toi. Tu l'apprécies assez pour ne pas vouloir le mettre mal à l'aise publiquement.

― Je dis pas des trucs bizarres.
C'est ce que tu penses.

― Je trouve plutôt que c'est toi qui agis bizarrement. T'es crispé Alistair. Je sais pas pourquoi, je sais pas comment, je sais rien, mais je vois que t'es crispé.

Tu recommences à l'examiner un peu.

― T'es peut-être pas crispé en fait, c'est peut-être autre chose, j'arrive pas à mettre le doigt dessus mais y'a un truc qui cloche et tu peux pas me mentir sur ça.

C'est qu'il pourrait lui mentir sur ce qu'il veut, elle broncherait mais elle l'accepterait; parce qu'il lui doit rien, parce qu'elle estime n'est pas grand-chose pour lui. Mais il peut pas lui mentir sur comment il va, ça, elle l'accepte pas.

― T'es même pas obligé de me raconter, juste, me dis pas que ça va quand ta tête montre le contraire.

Parce que je tiens à toi et que ça me blesse.

Les chocolats chauds sont servis.


mingi