Quelques raideurs lui naissent au creux de la nuque. Le corps à moitié perdu sur le côté de sa chaise, il s’était promis un temps d’absence de quelques minutes dans l’arrière-plan de son hameau, histoire de tricher sur les précieuses heures retirées de la nuit précédente. Ici était l’endroit parfait; Peu de gens venaient et partaient, en dehors des grands habitués et des quelques oisillons qui crèvent le silence précieux d’une aurore timide. A mourir d’une insomnie ponctuelle, le rouquin avait vu son réconfort dans les veines des grandes feuilles grimpantes, solace chatouillant déjà le bout de son nez de l’odeur si particulière que pouvait prendre la terre mouillée. Il n’était pas dans sa si grande forme ces derniers jours, et en dehors de quelques nuits écourtées, le rouquin s’éternisait ici sous le couvert de peu d’excuses. S’il devait se sentir boiteux, il le ferait là où il se sentait un minimum bien, voila tout.

Une ou deux heures, c’était vraiment peu pour quelqu’un qui avait l’habitude d’avoir ses nuits intactes. Les frontières de sa conscience lui remontant au travers de la gorge, ses vertèbres s'électrisaient tout d’un coup pour lui rappeler le manque de confort qu’imposait son corps tordu sur son trône en bois. Alors il immerge, plisse les yeux en se faisant absolument tout droit, esclave du rappel à l’ordre qu’il était entrain de trop se détendre à un endroit inapproprié. Ou tout du moins… A un emplacement qui ne lui permettait pas de s’assoupir comme on le ferait sur un lit. Quelques mots lui échappe à son encontre lorsqu’il se penche sur le devant, un ‘idiot’ qu’il marmonne dans le ton ronchon de ses mauvais jours. Sans réellement vouloir partir d’ici, il se questionnait véritablement s’il était pas plus opportun de se rendre dans un sanctuaire  plus digne du sommeil qui se perchait sur son épaule. De nouveau dans sa chambre ? Non, certainement pas, c’était comme se lancer à corps perdu dans sa monotonie du moment. Et il ne pouvait certainement pas louper les cours se déroulant plus tard dans la journée.

Sitôt en avait-il fini son éparpillement, qu’il cru entendre le bruit de soulier claquant légèrement contre le sol de la couronne de verre. Peu importe la décision prise, il portait peu l’envie d’être en prise de bec avec un autre membre du club de botanique. C’est qu’il n’avait pas l’air bien finaud, ainsi vautré dans l’une des seules chaises disponible. Ayant perdu en aplomb, il se hissa puis endossa son sac, direction derechef vers la sortie sans aucun détours possible. Tout du moins, c’était ce qu’il avait prévu si sa curiosité ne s’était pas aiguisée quand son regard virevolta sur un portait de dos, mystérieusement incliné vers les camélias.

Ce fut comme toutes les fois où il y a ces morceaux de film à l’arrêt. Un petit air de déjà vu, à l’instant même où vient éclore quelques boutons de fleur qui n’ont rien à envier au vermillon des roses. Loukas a la respiration qui s’effile, charivari de son coeur d’enfant longtemps écarté. Une petite joie ne tarde pas à poindre sur son visage encore cerné par la fatigue de la nuit dernière.. Et il lui en faut peu pour braver la distance, non plus agité par la frustration mais bel et bien par le charme de la scène.

« … Certainement. Mais pour un mieux faire, tu sais déjà comment t’y prendre pour impressionner tes admirateurs. »

Sans subtilité. Il n’y avait personne à part elle et lui, donc il ne fallait pas longtemps pour savoir de qui Loukas parlait. Les restes d’un sourire s'accommodant parfaitement sur ses lèvres taquines, il en profita pour se faufiler à ses côtés, se mettant même à sa hauteur en s’accroupissant. S’il touchait la moindre pétale, est-ce que le tour de magie allait disparaître entre ses doigts ?

« Elles sont jolies, tu ne trouve pas ? » Il se fait doux cette fois-ci, pleurant d’amour pour ces étincelles de vie ne pouvant naître normalement qu’avec le temps. « Je ne pensais pas avoir la chance de les voir fleurir bientôt. Tu me fais un bien joli cadeau. »