oona ne peut pas expliquer le dédain qu'elle éprouve envers harper, ou bien monsieur severin quand elle s'amuse à roucouler à ses côtés, et le malin plaisir qu'elle prend à ruiner sa réputation auprès des mioches de son âge.
c'est si simple ! figure austère qu'elle méprise, elle doit magnifier l'horreur qu'elle suppose en lui. toute cette noirceur d'adulte, elle doit la rendre compréhensible pour les enfants.

alors ils sont assis dans le couloir, à l'entrée des dortoirs. on leur dit souvent de ne pas rester là car ils gênent le passage pour grimper aux autres étages, à stationner dans les escaliers, mais il vaut mieux là quelques minots qui sont sagement assis que des petits monstres courant à droite à gauche. alors on leur dit de s'écarter pour la forme, mais personne d'assez sévère est passé pour leur intimer de se disperser.
ici, elle se sent à l'aise car les adultes se font rares : ils arpentent moins que dans les couloirs des salles de classe alors elle est plus facilement impératrice - sur un peuple qu'elle ne considère même pas comme des amis.
c'est vrai que ceux qui sont face à elle là, ce ne sont pas des habitués de sa bande : pour répandre la terreur elle doit s'adresser au monde entier et même à ceux qui la craignent habituellement. alors ils l'écoutent religieusement.

il y a la lumière artificielle de l'intérieur mais dehors il fait déjà nuit. elle est placée le plus haut sur les escaliers tandis que les autres résident un peu plus bas, sur la sorte de plateforme faisant jonction entre l'étage et les deux escaliers. elle surplombe les primaires attentifs et agite ses bras théâtralement. ET LA !!! elle s'exclame. jusqu'ici le récit était calme.

elle s'arrête. elle descend doucement les escaliers, les regardant un à un, soupesant chaque être, franchit encore une marche et avant de sauter sur l'un d'eux, continue son récit d'une voix tamisée mais toujours assez forte pour créer un écho dans la cage d'escalier. harper severin et ses crocs acérés s'élancent sur le pauvre trois étoiles innocent et lui arrache la gorge ! le sang gicle et elle semble prise d'une folie ! ses mots accélèrent, elle est passionnée. monsieur severin le TUE et le dévore ! gardant uniquement son coeur pour le cuisiner plus tard...
les regards sont horrifiés, déjà à cause du morbide fait conté avec exactitude et vigueur, et aussi parce que le monstre qui va hanter leur nuit semble avoir fait une apparition spectrale, directement derrière oona. elle ne comprend pas tout de suite pourquoi tout le monde écarquille les yeux, d'abord bien contente de son petit effet, puis finit par se retourner. quand elle ne gouverne plus le petit peuple, il s'éparpille en hurlements surjoués d'enfants qu'il sont - et fuit les potentielles réprimandes ainsi que la possibilité de se faire dévorer. alors qu'ils sont eux-mêmes innocents.

elle regarde le professeur avec des yeux ronds, n'en revenant pas elle-même - ne décrochant pour l'instant pas un mot le temps de reprendre contenance.

monsieur severin ! automatiquement son ton redescend dans les douceurs candides des gentilles petites filles - qui n'ont pas de visage tordu dans une grimace improbable pour terrifier les autres primaires.

et ce n'est pas qu'elle a peur non - c'est qu'elle a la haine. là dans son coeur, brûlante, incandescente, vibrante jusqu'au bout de ses doigts qui sont d'ailleurs timidement liés dans son dos - qu'elle est belle cette éloge à la grandeur d'harper ! comme elle s'écrase là sans trop discuter aux premiers abords pour le laisser assouvir ses besoins de domination d'adulte. c'est bien ça qu'il veut non ? lui faire cracher que c'est une sale petite menteuse ? pourquoi ne semble-t-il même pas agacé par la situation ?

elle déteste ce léger flottement loin d'être négatif dans l'aura pourtant imposante d'un professeur craint, elle déteste cette familiarité que certains grands se permettent d'avoir sans être invités - mon dieu qu'elle le hait, mon dieu qu'elle le hait !

doit-elle continuer à jouer à l'idiote en rentrant dans le jeu ? c'est bien tentant, surtout qu'ils sont épiés ! elle ne peut pas se permettre de faire tomber les masques maintenant : tant d'efforts consacrés à la construction des fondations d'une statue à l'effigie d'un monstre sûrement fictif...
elle joue les étonnés, ses yeux s'écarquillent grands et sa bouche aussi. on confère à l'enfance beaucoup d'exagération. elle y participe. donc vous avouez ce dont pourquoi on vous accuse..! elle parle bien, la bougresse ! et qu'allez-vous faire si c'est le cas ? j'ai touuuuuutes les preuves contre vous pour vous faire renvoyer : vos aveux ! elle relâche ses bras pour les écarter dramatiquement, ponctuant ainsi les deux derniers mots.