Pavel est né d’un père allemand, juif Ashkénaze, et d’une mère ukrainienne, chrétienne orthodoxe, à Lviv, dans l’Oblast du même nom, dans les quartiers populaires. Ce n’était clairement pas le meilleur cadre de vie au monde, loin de là. Enfin, il ne se passait pas grand chose d’exceptionnel les premières années de ta vie… à la limite, on s’en fout bien de ce que tu faisais jusqu’à tes 3 ans…. mêmes tes 4 ans, on s’en fiche un peu… Bon, à la limite, c’était la première fois que tu allais dans une classe de petite section, et tout le monde était gentil avec tout le monde, on se croirait dans le monde des bisounours.

Enfin, tout ça, c’était avant l’accident… un mois avant tes 6 ans, durant la période de Noël. Pour la Saint Nicolas, ta mère t'avait offert une orange. Ils n’avaient pas la possibilité de t’offrir plus, mais cela te suffisait amplement. Cette orange était dans ton sac, pour ton goûter, et tu attendais patiemment la récréation afin de pouvoir la manger...
Vous a t-on dit que l’égoïsme n’a pas d’âge?
Alors qu’il commençait à ouvrir le petit sac qui contenait son goûter, une tranche de pain de seigle, une orange et une bouteille de jus de pomme, d’autres élèves, en groupe, commençait à s’approcher de lui. Ce groupe s’était formé au début de l’année, et menait un peu la vie dure à d’autres élèves, en leur piquant des crayons ou ce genre de chose, rien de trop méchant me direz vous… Cette fois, ils venaient pour voler le goûter de Pavel, lui arrachant le sac des mains. Il chercha à leur reprendre, mais que faire lorsque vous êtes à 5 contre 1? Pas grand chose à part finir plaqué au sol, j’en ai bien peur. Il criait, il suppliait qu’on lui rende son goûter, mais il ne reçu en réponse que des rires, et autres remarques, comme “qu’est ce que tu vas faire le pauvre? tu vas te plaindre à ta maman?”

Des larmes commençaient à couler sur les joues de Pavel tandis qu’il continuait de crier, ce qui amusait d’autant plus la bande de tyran… jusqu’à ce que des blocs de terre se soulevèrent et lévitèrent autour de lui. Prenant peur, la bande s'enfuya, lâchant le butin qu'ils avaient pris, sans demander leur reste.

Cela continua jusqu’à ce que Pavel récupère son goûter et s’arrête de pleurer… Aucun blessé n'était à déplorer... mais tout le monde le regardait, il était le centre d'une attention malsaine de la part de ses camarades, qui le regardait comme un monstre.

Pavel ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer…  et il en était effrayé.
Deux mois passèrent après l’incident, et en rentrant de l’école avec sa mère qui est venu la chercher, il vit deux hommes attendre devant la porte de l’appartement, interpellant sa mère.

Il ne sait pas ce qui s’était passé pendant que sa mère lui avait dit d’aller jouer dans sa chambre… la seule chose qu’il sait, c’est qu’une semaine après, il revit ces mêmes hommes… “tu vas venir avec nous.” qu’ils lui ont dit… Pavel ne comprenait pas… il regardait ses parents avec interrogation, tandis que l’homme le prenait dans ses bras. Il se mit à crier et pleurer, tendant la main vers ses parents ! “Mamaaaan ! Papaaaa ! Me laissez pas !”

Il ne comprenait rien de ce qu’il se passait, il était en train de se railler la voix à crier. Au final, il s’était épuisé.. dans la voiture le menant à l’aéroport, il dormait, les poings serrant ses vêtements...Il n’avait plus la force de pleurer ou crier. Il s’était calmé, mais la séparation fut particulièrement dure….

11 ans plus tard.

Dans son dortoir, Pavel gardait ses yeux rivés vers son roman… “Crime et Châtiment” de Fyodor Dostoyevsky. Il feuilletait les pages qu’il lisait de son regard neutre. On pouvait dire qu’il avait tué ses émotions d’une certaine manière pour ne plus reproduire l’incident qui s’était produit lorsqu’il avait 5 ans. Une voix l'appela, “Eh? Tu viens? On va manger !”.
Refermant son livre, en y mettant un marque page. Pavel se leva alors pour aller dîner avec les autres, sans dire un mot.