des jours de colère, ses pieds piétinent le sol sans pitié – gwen avance vite, d’un pas agacé
ce n’est pas une si moche journée, le soleil est levé le vent souffle doucement mais
((mais))
elle a la haine qui turbine et veut s’exprimer alors elle marche en espérant trouver une victime, un fayot, n’importe qui pour se défouler
sur ses gens qui scandent une cage dorée ; ça la débecte et elle veut que le monde entier le sache

quand soudain
la voix, monotone, s’élève au détour d’un des couloirs
((je te tiens))
elle l’a déjà croisé plusieurs fois, il faut dire que tout le monde se connaît un peu ici-bas – il fait partie de ceux qu’elle méprise, de ceux qui suivent la file et arborent fièrement leurs trois étoiles  comme des médailles
des preuves de leur docilité de leur complicité

jiwon.

la voix mielleuse qui cache une tempête – elle l’interrompt en ce qui semble une conversation, avec le vide, comme toujours, jiwon le garçon aux fantômes pas méchant mais un peu flippant

tu parles à qui aujourd’hui ? le fantôme de quelqu’un qui regrette d’être coincé ici ? la victime de son propre alice ?

elle l’observe de haut en bas
probablement qu’il ne la connait même pas, une sans-étoile rebut de l’académie, rien à voir avec quelqu’un comme lui – gwen l’hystérique

elle hausse brièvement le sourcil – surprise mais pas choquée
elle l’a dit, ce monde est si petit
plutôt agréablement stupéfaite de l’acerbité du petit brun
elle copie les gestes, croise les bras lentement et répond à sa moue par un sourire des plus cyniques

tu seras heureux de savoir que si, j’aime les commérages. on s’occupe comme on peut dans les murs de ces lieux – on n’est pas tous heureux d’être ici

dit-elle en dévisageant froidement les trois étoiles trônant sur le col blanc de jiwon
une petite voix lui dit que sa colère est mal placée, qu’elle devrait arrêter d’embêter les gens, tout le monde, les gradés
le côté raisonnable, chacun fait ce qu’il veut, ils ont le droit d’y être heureux
((mauvaise plaisanterie))
puis il y a le dégoût, l’envie
la piqûre de rappel tu es coincée ici se dire que peut-être qu’eux reverront un jour leurs parents, qu’ils sont de ceux qu’on désire encore et qui manquent à leur foyer d’antan

je veux bien ton aide à vrai dire,
la voix toujours plus mielleuse
dis-moi, ça fait quoi de porter trois étoiles, d’être le bon toutou de l’académie ?
((dis-moi))
(ça fait quoi
d’aimer cet endroit ?)
t’avais envie d’être là, c’est ça ?

les épaules qui s’affaissent soudainement, l’air décontenancé –
tu t’entends parler ?
les mots glissent sur ses lèvres sans qu’elle ne les retienne, gwen est ahurie avec beaucoup de sincérité
les discours de bien-pensance, elle connait, les tu pourrais revoir tes parents, je suis fier de ce que je suis

mais les paroles dénuées de traces d’existence, ça, on ne lui avait jamais fait
ok donc les trois étoiles, l’obéissance toussa, c’est pour faire plaisir à maman et papa ? t’as conscience que ton bonheur est pas là-dedans mais tu l’fais ? ok, respect

((faux))
les mots dégoulinant d’ironie et elle ne fait pas l’effort de le cacher

non, effectivement, j’aimerais être chez moi, tu vois ? mais vas-y, j’t’écoute. c’quoi tes envies ? parce que tu dis que ça a rien à voir avec le fait d’être un toutou, donc ça veut dire que tu sais c’que tu veux, nan ?

et la curiosité est presque sincère – comprendre les mécaniques de ceux qui se targuent d’être l’élite, pas que jiwon fanfaronne beaucoup mais il est là et prêt à répondre aux questions
alors gwen en profite mais un peu plus doucement qu’elle ne l’aurait voulu
ses mots manquent d’étincelles et de violence, la curiosité a été éveillée par le manque de franchise dans le sourire du brun, un petit rien qui rappelle à gwen ses premières années ici
quand elle croyait encore que ses parents allaient venir
avant la réalisation que toutes les étoiles du monde ne ramèneront pas
l’amour qui demeure à jamais un souvenir  

elle tique aux mots de jiwon – le cri du coeur, implacable cruellement véritable
le manque de confiance en soi, elle connaît ça elle joue avec depuis des années alors elle devrait avoir l'habitude
de le voir chez les autres chez elle chez tous ses enfants un peu perdus et sans parents
mais ce n'est pas une chose à laquelle on s'accoutume
après des années et des années elle le sait

ça saigne toujours un peu
voir les gens cassés, usés et
chacun se bat à sa façon, avec le déni et le bonheur parfois, d'autres la colère et la rancoeur
gwen fait partie de ceux-là, de ceux qui tapent du poing – pour qu'une fois au moins, elle ait l'impression d'être celle qui décide de la douleur

et voir jiwon aussi résigné ça réveille ses tripes elle veut le secouer
tu veux pas parler de toi parce que tu veux pas réaliser que cette situation te va pas.

ce n'est pas une question non, c'est le début de la tempête
comme elle aime si bien faire; remuer tout ce qui ne va pas, voilà pourquoi t'as fini comme ça
ça m'intéresse autant parce que j'essaye de comprendre c'qui pousse les fayots à remplir leur collection
désigne d'un tapotement de doigt son propre col, vide, en écho à celui de jiwon, fièrement orné de trois étoiles

comprendre pourquoi vous encouragez ce genre de trucs, système, qui est foutrement merdique et prétend nous protéger quand, on va pas s'mentir, certains se tuent la santé ici, et surtout nous prive de notre chez-soi

pas que quelqu'un m'attende là-bas

mais j'avoue que ça, c'est en règle générale. non, toi, ça m'intéresse parce que tu fais pas ça pour toi. un automate (avec l'intonation du dégoût). pourquoi tu laisses tes parents décider pour toi ? ils sont pas là, à ce que j'sache ?

et malgré tout le venin que tu essayes d'y insuffler, cette phrase a toujours l'intonation de la curiosité

elle retrousse le nez, pas satisfaite pour un sou – l’ombre des parents glissant dans chaque mot prononcés par jiwon et la blonde s’insurge à sa place

l’académie peut pas t’aider pour ça ? j’veux dire, ils sont foutus de nous prendre à nos parents, ils peuvent bien nous protéger, pense le cœur garder, dit le cerveau,  aussi longtemps qu’on en a besoin pour être hors de leurs griffes ?

la colère est partie, quelque part entre les murs de la prison, dissipée par la résignation du brun ;
gwen ne l’admet pas mais ça la blesse, de voir des gens comme ça, parce que certains parents n’en sont pas vraiment. la peur de l’alice, malgré elle, à contrecœur, la blonde l’entend ; ne pas aimer son enfant, en revanche, c’est quelque chose de flou et que sa rage trouve tristement injuste.

alors, trois étoiles ou pas, gwen ravale sa salive ses propos, inspire un grand coup :

merci d’avoir répondu à ma question du coup

et elle est sincère, comment souvent derrière la rudesse,
la terrible maladresse des mots,

la blonde n’aime pas et n’aimera jamais cet endroit,
trop de choses perdues qui, une fois dehors, ne reviendront pas
mais
parfois, avec une pointe d’amertume,
elle concède à l’académie une forme de porte de sortie.
pour les enfants comme jiwon qui n’ont pas la chance d’avoir grandi avec amour,
des fleurs sans éclat sans couleur abreuvées par la violence ;

gwen se demande vaguement ce qui est le pire,
avoir grandi sans amour et savoir que c’est la seule chose à nous attendre en partant
avoir grandi avec amour et savoir qu’il n’y en a plus dorénavant.

la tête qui dodeline, gwen insatisfaite du manque de colère chez lui et du trop-plein chez elle –
s’ils pouvaient échanger, si seulement le secouer suffisait

elle hésite
l’honnêteté est difficilement dans ses attributions ; le regret, la sincérité parfois, elle admet y céder mais l’honnêteté
se livrer
jiwon approche des sentiers sinueux  et gwen se sent en danger, parce que ce genre de réponses, elle ne préfère pas y penser

je sais pas pourquoi ça m’intéresse autant. p’tet parce que tu fais moins fayot que d’autres, que tu scandes pas l’académie à tout bout de champ

elle se dit que c’est une semi-vérité, qu’elle aimerait surtout le voir réagir autrement qu’en se refermant – qu’elle aime les explosions et reste persuadée que celle de jiwon serait resplendissante, plus violente encore
car les étoiles qui constellent le col sont bien plus lourdes à porter qu’à perdre, gwen en est convaincue

y a des enfants que leurs parents aiment encore, qui voudraient juste retourner les voir
l’aveu silencieux qu’elle fait de ne plus se considérer comme l’un d’entre eux
ça récompense quoi l’académie ? les gamins qui se tiennent bien, les intelligents, les alices brillants. et les autres ? les alices dangereux, les alices limités, les gamins qui arrivent pas à grandir dans ce genre d’environnement, ça les punit c’est –
rageant écœurant révoltant ce ne sont que des enfants
parce que la colère vient de là, de cet endroit qui met en valeur tous les défauts pour mieux les fustiger ;
ce système est entièrement pourri.

il aura pas fallu longtemps
le rire sinistre qui monte dans la gorge, les poings qui se resserrent – l'exactitude amère au coeur
gwen se laisse un instant pour penser que c'est elle qui lui a donné cette opportunité, de tout lui renvoyer dans les dents
se dit que c'est elle qui a livré ce qu'elle pensait et jiwon qui l'a exploité
gwen
expire la colère

donc t'attendais que je m'ouvre un minimum pour le renvoyer dans ma gueule ?

((faux))
mais la déception reste coincée au fond de la gorge et elle lève le poing – droit dans la joue de jiwon, la blonde en ébullition comme elle l'est trop souvent ; gwen se satisfait d'entendre le bruit sourd de l'impact et recule d'un pas pour ne pas continuer – ne pas céder, ne pas lui donner raison ne pas s'énerver

trop tard, le rictus aux lèvres et le désespoir dans le regard

désolée de t'avoir dérangé avec mes états d'âme, fairchild

écoeuré de lui d'elle de tout

si tu crois que je n'ai pas essayé, que je n'ai pas cru à l'académie moi aussi

souvenir lointain de l'époque où son col ornait de jolies étoiles

ça marche pour ceux qui s'y laissent mourir – pour ceux qui ont pire en dehors que dedans. mais si tu ne veux pas entendre ça, c'est que toi aussi, on t'a déjà lobotomisé.

parce qu'il n'y a que du noir et du blanc, que gwen a perdu les nuances entre temps ; qu'aujourd'hui, elle a l'impression d'avoir fait au mieux et avoir récupéré le pire
que jiwon a tapé au bon endroit et ça,
gwen ne le supporte pas.

gwen pousse un cri
un cri aigu un cri qui respire la panique un cri de souris
la bouche qui s’ouvre et qui se referme – non non décidément, pas les fantômes, gwen ne peut pas n’aime pas ça pourquoi les gens ont des alice comme ça
elle recule d’un pas encore, fixant le mur plutôt que l’être transparent ;

j’ai recours à la violence quand on se permet de dire que je devrais faire les choses d’une telle manière sans même savoir si j’ai déjà essayé.

le regard figé au sol, la chair de poule, elle hésite à s’enfuir
ne réalise même pas la nuance dans la voix qui change, est fermement enfermée dans la terreur que lui inspire nari
tique un peu toutefois et lève la tête vers le fantôme, une étincelle de colère dans les yeux
ce discours de la bien-pensance, elle le connaît par cœur – celui qu’on lui débite à chaque crise à chaque déboire
elle se retient de rétorquer que c’est pareil pour elle, c’est tout ou rien, que si l’arme de jiwon est la franchise, la sienne est la fureur ;

manque de bol, c’est ma façon d’être, donc ton discours de bon samaritain, tu te le fous dans le cul.

ose enfin lever les yeux vers le fantôme, grognant presque ; puis les pose sur jiwon, les sourcils froncés et l’expression contrariée

je ne m’excuserai pas, jiwon – mes idées, j’les revendique à chaque fois que je « décharge mon mal-être », dit-elle en imitant des guillemets. mais je doute que tu comprennes, j’veux dire, t’en es encore à te cacher dans les jupes d’un fantôme.

pose les mains sur les hanches, la tête haute, toujours pas résolue à rendre les armes.

c’est la voix qui perd soudainement tout éclat – gwen reste muette et fixe jiwon, d’un froid comme elle en a connu autrefois
avant la colère, la dégringole, avant tout ça ;
(que diraient-ils, oui)

et elle aurait envie de tout déballer, de lui dire tout d’abord désolée car la violence ne résout rien, que ce n’est pas contre lui qu’elle est énervée qu’il ne l’a pas trahi que nari ne demande probablement qu’à être gentille
puis expliquer ensuite quelles sont ses idées, pire, qu’elles étaient ses idées, aujourd’hui ensevelies sous un tas de débris des erreurs et choix qu’elle a faits et amèrement regrettés ; s’ensuivrait peut-être des larmes car elle se déteste de détester avec autant de cruauté
gwen est fatiguée
de n’avoir trouvé aucune autre solution que celle-ci, s’y attache fermement – fidèlement – parce qu’elle ne sait plus comment faire différemment.

ils diraient sûrement qu’ils le savaient.

elle lui dirait presque qu’elle ne sait pas pourquoi elle a tourné comme ça, parce qu’à l’origine, elle arborait fièrement ses étoiles au col – elle savait que l’académie avait fait ça pour eux, pour ses parents, pour laisser à ces derniers le temps d’accepter qui elle est.
se confierait même, lui avouant qu’elle a vrillé le jour où elle a compris que jamais ils ne viendraient la chercher car –

ce n’est pas la peine,
elle concède
t’as raison. c’est pas nageant à contre-courant, seule, que je vais changer quelque chose.

à travers la capitulation, gwen remarque distraitement que pour une fois – jiwon s’exprime de pleine voix.
hausse les épaules, cherchant quoi répondre ; souffle du nez quand elle réalise qu’il n’y a rien à ajouter, hormis des excuses peut-être, vaines après la provocation. le silence la dépite, car une fois la colère passée, gwen ramasse à chaque fois la honte et les regrets.
rien de plus,
rien de moins

elle laisse son bras tomber le long de son corps, observe jiwon – pas le col pas les étoiles, seulement le bleu de ses yeux où pour la première fois, elle croit y avoir quelque chose de plus que le renoncement.

autre chose à ajouter ? je me suis défoulée, chacun son tour.

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c'était parfois aussi simple que ça et elle sait, elle sait que Jiwon est bon prince d'accepter que Gwen rende les armes après s'être défoulée comme elle le voulait
qu'il est foncièrement gentil de s'excuser alors qu'elle-même ne l'a pas
(encore)
fait - alors on ravale sa salive, tête basse et épaules affaissées

ouais, excuse-moi. de t'avoir frappé.

entre autre, mais ça lui demande déjà beaucoup de concéder, d'accepter qu'elle est celle qui a complètement merdé. et pourtant, Jiwon acceptera sûrement, parce qu'il n'est pas de ceux comme elle qui gardent la rancœur au fond du cœur, la laisse pourrir pour devenir plus tard de la rage déplacée
si seulement
si seulement elle savait faire autrement, que de tenir rigueur de tout à tout le monde sauf elle -
un premier pas, d'en arriver à penser cela
(et peut-être un merci, Jiwon, de l'avoir amené à réfléchir jusqu'ici,
au delà de sa colère pour vous qui avez su rester droit)

comme on dit, y a que la vérité qui blesse, hein.  

le sourire de la défaite totale parce que oui, ça blesse, mais pas parce qu'il a été cruel ou trop loin non - parce qu'il a raison sur toute la ligne et elle n'a rien de mieux à faire que de l'accepter
qu'est-elle si ce n'est un chien qui aboie au pied de portes fermées, la petite fille que ses parents ont abandonnés et à raison
qu'autrefois, elle pouvait être fière d'être une élève respectable et assidue mais aujourd'hui ?

r i e n

alors elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille, fatiguée.

donc non, t'inquiète pas. merci de m'avoir écouté I guess ? je le referai pas.

on ne s'excuse pas une deuxième fois, mais le geste est là.

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c'est cette douceur sûrement qui l'a attiré à toi, Jiwon ; parce que même derrière la vérité cinglante, il y avait de la bienveillance et elle t'envie énormément cette qualité, s'en abreuverait volontiers

mais pas aujourd'hui, pas maintenant que tout est dit ;

Merci, Ji'.

aujourd'hui Gwendoline tire la révérance, vaincue, la tempête passée et les regrets presque excusés ça lui va si pour cette fois, vous arrêtez là - parce qu'elle aimerait bien se cacher et aller se détester en toute intimité, de t'avoir fait le poids d'être quelqu'un de droit
elle le sait au fond que ce n'est pas à toi qu'elle doit s'attaquer
mais ça
ça mettrait encore quelques mois à digérer
alors pour aujourd'hui, elle te sourit maladroitement et te salue de la main ;

J'espère aussi que la prochaine fois, j'te frapperai pas.

et retourne à ses couloirs où elle erre en peine.

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