l'enfante des beaux quartiers s'appelle Aurore et pas maman
enveloppant le ventre rond dans des pulls larges aux lourdes mailles piquées de honte - elle est maigre et belle et austère en dedans pour les embryons. elle-même est un foetus d'ambition rendue nauséeuse de sentir ses envies de jeune fille comme rongées par un parasite - elle fait silence, donne naissance à un petit secret d'Ange.

Ange appelle maman Aurore et vit dans des bras qui ne la remplaceront jamais, privé de ses parents à elle aussi qui font grandir par principe la graine de sabotage et posent des distances. la théorie voudrait qu'Ange vive mais la pratique embête. trop s'attacher ce serait accorder de l'importance à celui qui a dévoré la jeunesse - fait quitter les bancs du lycée. les salons haussmanniens résonnent des mois durant de pleurs désespérés d'attendre l'expulsion du trouble.
celui qui dérange depuis le jour un,
apprend à appeler le monde entier par son prénom.

dans la cour fermée de l'immeuble il y avait des jardinières et Cecil et Vera - c'est comme ça que se nomment l'homme et la femme qu'Aurore appelle père et mère - veillent sur Ange qui plonge les doigts dans la terre tendre tandis qu'Aurore dépérit sous les combles. marche à peine et cherche le nom des choses, apprend que les corolles blanches distinctes des fleurs qui s'envolent parfois et se posent sur le bout du nez sont des papillons. expérimente les conséquences résultant de l'arrachage des ailes et conclue que comme avec celles d'Aurore on n'éprouve aucune peine à clouer au sol
voir
l'abdomen tressaillir dans des douleurs silencieuses d'insecte qui saigne jaune, les pattes gigotent vingt secondes dans tous les sens comme pour chercher une autre patte similaire à tenir, on ne sait pas ce que pensent ces choses là, et de l'hémolymphe plein les mains
on regarde mourir et se recroqueviller sur soi-même.

Ange n'est pas triste - ni ce jour-là ni jamais -
mais conceptualise l'idée qu'on préférait l'état inaltéré du lépidoptère butinant de fleur en fleur. c'était beau tant qu'on n'y avait pas touché et bizarrement ça ne pleurait pas en le voyant, comme Aurore pouvait le faire les soirs où l'on voulait saisir sa main.
alors
tant qu'ils ne troublent pas sa tranquillité Ange choisit de ne plus toucher ni aux papillons ni à tout ce qui rampe autour de lui.

il n'a plus cherché à saisir la main d'Aurore, même pas aux grilles de l'académie, car elle ne comprenait pas ça, que la saleté de chiot adoré de Vera méritait d'étouffer dans des glapissements terribles sous un oreiller de soie à force d'aboyer sans raison sur Ange qui n'avait fait que l'erreur d'être venu au monde.

vient l'heure de vivre au grand jour - de s'appeler Ange et plus encore, de jouer en dehors du secret de cour fermée d'immeuble
s'ensuit la recherche de tous les nominatifs capables de passer les lèvres de l'autre pour élaborer l'équation de qui l'on est, sous le signe du multiple. c'est amusant de se complexifier ici où personne ne cherche à le résoudre. (dé)laissé incapable à jamais de construire ce que c'est d'être soi car là d'où l'on vient c'était interdit - Ange se plaît ici à pouvoir émerger toujours différent des chrysalides selon ce qu'on attend de lui.
tisse des fils et s'entoure d'étoffe précieuse jusqu'à maturation d'une personnalité à aimer
mais toujours
toujours les ailes arrachées c'est tout de même étrange,

on suit pourtant les processus à la lettre, existe par a + b et pourtant
systématiquement
Ange se fait de nombres imaginaires,
quotients complexes à la partie réelle nulle, néant exclu de tous les autres. alors qu'au milieu de l'absence il y a cette âme amputée hurlant vraiment, consciente de ne pas savoir aimer l'autre mais attachée à l'idée que l'autre puisse aimer Ange c'est tout ce qu'elle veut.

mais jusqu'alors sans les ailes
sans iel c'était impossible.

rappelant tout à la fois les petits animaux insupportables et les insectes fascinants -
Zion comme lui, l'innocence aux crocs limés. iest a des griffes à refermer sur ce que possèdent les autres et dont on manque cruellement. on a croupit dans des envies d'éclosion à macérer des venins mortels à peine inoculés - c'était un miracle d'enfin y porter les lèvres et boire car on est insensible, immunisé,
assoiffé des poisons de Zion on s'y repait pour enfin exécuter des sacrifices et vivre en entier. un rationnel et un irrationnel font un transcendant - iel manquait simplement, comme l'inconnu.e au cœur des formules
Zion et Ange, Ange et Zion c'est naturel.

depuis qu'i.el oppresse de souffles lourds - tisse des couronnes avec les morceaux d'âme arrachés - Ange se sent de dévorer pour de bon. complice de la cristallisation d'une chrysalide du nom de Zion tout autour de lui c'est l'unique condition pour enfin prendre son envol au dessus des mondes, l'unique amour absolu concevable
et si ce qui éclot n'a toujours pas d'ailes
on piétinera les masses ensemble.

c un
poti joeur