Elle avait noyé le chagrin dans une effervescence d'odeurs et de rires absurdes. Les effluves des biscuits à peine sortis du four réchauffaient de leur parfum caramel le cœur froissé de Cassie qui n'avait aucune envie de faire face. C'est qu'elle était lâche et que les émotions qui bataillaient en elle lui avaient provoqué assez d'insomnies pour qu'elle décide définitivement de les exiler plus loin, de les étouffer dans trop d'amours arrachées à des amis aveugles - inconscients du mal qui la rongeait. Elle ne leur en voulait pas, c'était ce qu'elle voulait : qu'aucune inquiétude ne les blesse et qu'ils leur donnent assez pour qu'elle oublie. Qu'elle oublie Noël avant que le vrai ne vienne.

Elle s'était épuisée à garder la pluie loin d'eux tous mais c'était sans compter que le tonnerre frappa d'un son derrière elle ; l'orage avait dit "Cassie" et elle se retourna.

« Cassidy ? »

Sur ses lèvres avait fleuri le plus large des sourires, le soleil dans ses yeux s'attachèrent aux nuages de ceux de son jumeau, comme amoureuse. Et de son groupe elle s'était détachée sans mal, sans que plus rien n'existe à part lui, elle avait ri doucement à ce qu'il lui disait.

« De quoi tu parles ? »

Elle avait passé une main dans sa chevelure corbeau et elle en avait affiné la coupe pour que ses mèches ne se rebellent plus tant.

« Tes capacités ne sont pas si rares, tu ne devrais pas douter de toi. »

Elle pencha la tête et recula d'un pas qui sautillait, mais quelques nervosités se débattirent à ses doigts et ses lèvres et Cassie était bien mauvaise pour cacher quoique ce soit à Cassidy.

« Tu sais après le bal, dans ma chambre je pensais. »

Elle ne tenait pas en place, et son corps menaçait de fuir, de ses épaules en arrière à ses pas nerveux, ses mains qui cherchaient un contact entre ses manches - elle se rassurait comme elle pouvait, mais Cassie n'était pas du genre endurante. Elle avait ses limites, et elles étaient fragiles.

« Je ne sais même pas le nom de la fille à qui j'ai volé cette soirée. Je suis mauvaise, n'est-ce pas ? »

La fin de sa phrase avait hoqueté comme un sanglot. Et elle avait ri.

« Ah, hm. C'est que-... On a pas tous un Cassidy pour nous sauver, tu vois ? »

Et cette fille-là, qui est allé danser avec elle vu que je t'avais volé à elle ?

Elle avait hoché la tête plusieurs fois, un peu nerveusement, à chaque nouveau mot qu'il prononçait pour la rassurer. Elle ponctuait silencieusement, par la pensée, ses affirmations de "D'accord" et de "Oui, tu as raison", pour bercer - endormir - ses émotions qui menaçaient derrière ses yeux. Et alors que Cassidy avait instauré une jolie berceuse, la mélodie s'arracha en une fausse note ; une hésitation qui vint creuser l'angoisse.

"Je suppose" voulait dire qu'il ne savait pas.
Un sanglot éclata dans la gorge de Cassie qui s'était emportée immédiatement : elle n'avait jamais réussi à adoucir cette impulsivité qui l'avait faite tout à coup hausser le ton, fait trembler sa voix.

« Tu supposes ?! Même toi tu ne sais pas, Cassidy ! »

Prise d'une bouffée de chaleur, elle s'éventa de sa main, un peu vainement, et ferma les yeux, prise d'un coup de stress terrible à l'idée d'avoir été mauvaise ; vilaine. Juste parce que penser que cette fille, dans son coin, avait pu la maudire, la haïr, lui donnait tout à coup des vertiges.

« Et quoi si elle me déteste, maintenant ? Et si elle avait pleuré à cause de moi ? Cassidyyyy.... »

Elle s'était mise à pleurer, aussi facilement, geindre comme une enfant, et lentement le ciel s'était assombri.

« Je suis horriiible »

Irraisonnable, elle parlait vite, fort et n'écoutait rien.

« Elle doit avoir imprimé des photos de moi et elle m'a sûrement dessiné des boutons et une moustache »

Elle hocha la tête pour confirmer sa pensée et tout à coup l'averse se déclara au-dessus de leur tête, trempant d'une pluie battante tout autour d'eux, les gens se réfugiant immédiatement dans les commerces. Cassie, elle, était restée plantée là.

« Je suis tellement désoléééeee »

Les sanglots dans ses bras, tremblante au creux de lui, Cassandre avait trouvé quelque chose de confortable à laisser ses émotions mourir contre sa chaleur à lui - à Cassidy. Elle aimait l'odeur de ses vêtements, elle aimait savoir qu'il la protégeait au moins un peu de sa propre pluie, elle aimait se sentir là où personne ne pouvait plus l'atteindre - ni Papa ni personne, elle était à l'abri des autres et d'elle. Elle avait hoché la tête mécaniquement, et répétait en écho ce qu'il disait, d'une voix qui se rassurait elle-même.

« Elle ne m'en voudra pas. »

Elle avait relevé les yeux pour le regarder, et là toujours tout près de lui, la pluie s'était calmée - mais un crachin pleuvait encore sur leur tête.

« Cassidy.. »

Il y eut comme une supplication qui s'étrangla à l'intérieur de sa gorge. Comment pouvait-elle lui dire ? "Je t'ai menti" ? "Je ne t'ai jamais dit" ? Comment ces mots-là pouvaient-ils être acceptables ?

Ils ne pouvaient pas.

« Je devais y aller avec mon copain mais il m'a larguée la veille. »

Elle secoua la tête rapidement, ravalant un sanglot qui la fit hoqueter. La plaie était encore ouverte en elle.

« Je voulais pas te le dire parce que tu lui aurais fait peur et il m'aurait larguée quoiqu'il arrive, t'énerve pas sur moi. »

Elle parlait vite.

« Enfin il m'a larguée même sans ça alors tu vois j'ai pas besoin de toi pour gâcher mes relations... »

Un nouveau sanglot, et l'averse s'abattit plus fort encore.

« Ni.. celle.. des autres ?! »

La culpabilité revenait à la charge encore.

Il n'y avait que Cassidy dont elle pouvait boire les paroles et que ça la satisfaisait. Il n'y avait que lui pour apaiser les tempêtes sans qu'il s'agisse d'un apaisement feint ; de surface. Il n'y avait que Cassidy dont les mots comptaient vraiment, que lui pour lequel elle ne devait pas se persuader elle-même.

Elle écoutait, et se laissait bercer par sa voix, hochant nerveusement la tête pour chaque mot qu'il prononçait.

« D'accord, d'accord, ... »

Elle n'avait pas cessé de regarder dans ses yeux, de se noyer dans son miroir. Elle secoua la tête, pour lui signifier que non ; évidemment, elle ne voulait pas le torturer. Et elle se reprit, pour le bien de Cassidy, puisqu'il l'avait demandé.

Elle s'était rapprochée encore un peu, et la proximité de Cassandre était devenue étouffante. Les visages trop proches, les regards trop intenses.

« Tout ce que tu veux, mais ne m'abandonne pas. »

Tous les autres, mais pas toi.
Autour d'eux les murmures s'étaient élevés pour témoigner de l'ambiguïté de leur relation.
Les regards malveillants traduisaient l'amour trop intense de Cassandre. Les jumeaux Westwood maudits par leur complicité toujours interprétée.