il a toujours le sourire aux lèvres des choses passées simplement, des bonbons amères qui s'avèrent avoir le coeur tendre - c'est un peu une surprise que tout ait été aussi calme. sûrement qu'il en rira d'en deux jours, et qu'il reprendra ses bêtises, mais aussi sûrement en secret. là où daisy ne pourra ni voir ni entendre, et alors ne pas faire mine de devoir s'endurcir.
on ne peut pas changer complètement les mauvais garçons.

mais alors il y a une ombre qui attend, et ce n'est pas vraiment une ombre non il s'est trompé - car il est baigné d'une lumière terne qui lui fout la gerbe. c'est trop lointain tout cela, il aurait préféré qu'il reste loin et qu'il ne foule jamais les terres de l'académie. il était mieux dans son enfance, avec les souvenirs d'un langage qu'il a lui-même fini par maîtriser.
c'est facile, avec une telle mémoire.
il n'avait pas trop envie de voir le visage encore un peu enfant de marceau - déjà personne ne s'appelle marceau quand on a seize ans ! - et s'agace de sa présence. pourquoi tu me regardes comme ça ? car maintenant, on ne se connaît pas. tu es arrivé trop tard et je ne t'aime plus. y a personne dans la salle si tu veux parler avec la prof hein. il désigne d'un mouvement de menton derrière lui et hausse un peu les sourcils, insolent comme toujours - garçon doré qui ne prend jamais sa retraite dans ses excès de confiance alors qu'il vient d'être enguirlandé par une adulte.

c'est donc à son altesse de monaco que marceau souhaite s'adresser ! leonard veut lui dire si ce n'est pas assez clair, que ça ne sert à rien de chasser le passé - qu'il ne compte pas rejouer comme avant à faire semblant de redevenir presque muet et presque bègue, chacun son petit rôle dans le tableau ; leonard veut lui dire qu'il ne l'aime pas et que ça ne sert à rien de perdre son temps, perdre son coeur ainsi - mais une raison le pousse aussi à se taire :

ça peut être drôlement marrant de voir marceau se dépatouiller dans sa propre toile, chaque fil est une règle que l'autre élève a décidé d'accepter, d'ingérer en son être pour en faire sa bâtisse - mais leonard n'est pas une simple mouche qui viendrait se laisser dévorer - d'abord par le coeur puis par les intestins - non leonard est féroce.

alors il écoute, et sourit un peu à la question. "cette fois qu'est-ce que tu as fait ?" il l'ignore grossièrement, joue au plus bête que lui et affiche un petit air mesquin de mauvais garçon. qu'est-ce que ça peut te faire ? il écarquille faussement les sourcils. oh peut-être que tu es jaloux c'est ça ! t'inquiète on baise pas ensemble si c'est la question, et toi alors ? tu fais quoi avec elle ? ses mots sont tranchants et il a baissé d'un ton pour ne pas que les mots atteignent jusqu'à derrière la porte - les murs ont des oreilles et il serait dommage de mal repartir avec sa professeure.

donc marceau succombe un peu sous ce regard traître, sous la maligne intention de mettre mal à l'aise.
c'est mignon qu'il pense, mais cela ne va pas plus loin. cela fait longtemps qu'il se dit, ce prénom dans sa bouche à lui : le-o-nard. cela fait une version de plus de la prononciation dans sa mémoire éléphantesque.
le-o-nard n'est pas pressé et a encore un peu d'attention à donner à marceau s'il le veut, il ne se formalise pas que leur réunion improvisée soit bien officieuse, lui qui se la joue habituellement précieux et inatteignable. ah bah tant mieux alors. j'avais des doutes. non c'est faux, marceau est trop doux pour le crime passionnel.

au-delà d'être fatigué d'avance, il ne comprend pas : à quoi bon ? à quoi bon vouloir s'accrocher aux spectres du passé ainsi marceau, lui qui s'est échappé de votre univers, votre bulle ? et très gentiment, avec beaucoup de sincérité, leonard regarde vers le plafond pour chercher dans sa mémoire. il tapote doucement ses cuisses en rythme au nom des mots justes. ses lèvres sont pincées avec un réel tracas - minime mais existant. c'est qu'on fréquente plus les mêmes gens. si tu te mettais à traîner avec moi tu te ferais harceler car t'es trop faible. ses yeux reviennent vers son ami. à moins que ce soit déjà le cas..? je fais peut-être des conneries mais au moins j'me fais pas voler mon goûter.

c'est mignon comme il cherche à se défendre face à leonard, oui il est assez grand - si cela lui fait plaisir. leonard ne disait pas ça comme une attaque mais une constatation, un fait immuable : oui dans son univers à lui, marceau aurait peu de chance de survivre, de finir entier.

ah il lui en a fallu du temps, qu'il pense ! il ne se moque pas de cette constatation mais s'amuse de son aspect dramatique. son objectif n'est pas de faire souffrir marceau ou même de le décevoir, non il y a même la volonté de le préserver - mais pour cela il faut peut-être passer par l'éloignement. s'échapper de ce qui a déjà été bâti par les parents et puis par la vie.
l'adolescence est une ode à la liberté alors enfuis-toi marceau, pars loin de lui - pourquoi vouloir à tout prix s'attarder à ses côtés..?

sujet de sa principauté. c'est gentil, vraiment. mais j'suis sincère quand j'pense que tu vas te faire du mal. et puis si tu te rapproches dans l'idée de "m'améliorer" bah tu vas être déçu. je compte pas changer de comportement pour toi, même si je t'apprécie beaucoup. car c'est un amour intemporel c'est vrai, et il a le vilain goût de l'amertume sur la langue. il prend une inspiration et se ressasse les douceurs d'antan, se gratte la voix pour adopter une voix nasillarde d'enfant. "on se... on se quittera pas, promis..?" des paroles dites autrefois par le moins à l'aise des deux, maintenant transformées au nom d'une moquerie affectueuse.

évidemment qu'il s'en souvient, n'est-ce pas évident avec son alice ? marceau est-il volontairement idiot ou préfère ignorer ce détail pour pouvoir magnifier leur relation - ou bien tout simplement leonard ? après tout il n'est splendide que par le nom et toute cette beauté scintillante n'est qu'un subterfuge à son manque d'entretien de sa conscience. marceau l'ingénu, marceau encore petite chose qu'il ne faut pas briser, pas brusquer, à qui il ne faut pas faire de mal - non leonard ne veut pas réellement, non leonard ne veut pas forcément de tristesse dans ses yeux.

pas quand il sourit comme ça, pas quand il parle du futur avec une telle candeur - alors leo se demande s'ils ont vraiment presque le même âge et s'ils deviendront adultes en même temps. quand cette main se tend, il est bien obligé de l'accepter avec tout son coeur ! il dépose sa paume contre la sienne, peau sur peau. il faudra grandir pourtant au bout d'un moment. t'as autre chose à me dire ? pitié qu'on en finisse, je ne sais pas si je pourrais sourire longtemps encore.