Tu adorais les requins Delen.

C’était parti d’un tout petit rien, une petite graine innocente. Un jour, à l’hôpital quand tu avais attendu que ton sang soit prélevé de tes entrailles, un documentaire était passé la télé. Au vu de ta présence bien trop récurrente en ces lieux, il te laissait regarder l’appareil pour éviter que tu gigotes. Tu étais une privilégiée et tu aimais t’en vanter à la récré. Tu avais vu pour la première fois un requin pèlerin et tu étais tombée dedans, comme dans le grand bassin.

Tu l’avais trouvée si majestueux que tu avais voulu en savoir plus. Encore et encore. Tu avais fini par accumulée beaucoup d’informations que tu gardais dans ta tête, ne pouvant pas vraiment te permettre des livres poussiéreux dans ta chambre. De temps à autre, tu te posais dans un coin pour en dessinant, sachant qu’il y avait peu de chance d’en voir en vrai de ton vivant.

C’était justement ce que tu faisais cet après-midi-là. C’était la dernière heure dans la journée, et ta classe faisaient de l’athlétisme. Mais pas toi Delen, tu venais de sortir d’un séjour à l’hôpital et ton corps avait du mal à récupérer. Tu t’étais donc dispensée, toi et ton masque pour ne pas tomber malade dans les gradins. Tu n’avais pas voulu partir plus tôt, par principe, mais tu t’ennuyais ferme à les regarder courir. Tu aimerais tellement être à leur place à cet instant, à oublier le temps qui passe. Tu avais commencé à dessiner une roussette, mais tu avais décroché rapidement.

Tu regrettais ton choix et soupirante tu t’étais enfuie sans demander ton reste. Le professeur n’avait sans doute pas remarqué ton absences et tu te balladais hasardeusement autour du terrain, ton carnet en main. Ce petit jeu dura quelques minutes jusqu’à reconnaitre une tête connue :

« Esmy ! »

Tu aimais bien la lycéenne, elle était gentille et aimer parler (ou plutôt t’écouter) parler de la mer.  Tu t’approchas en sautillant, montrant ton œuvre  à peine commencé comme si c’était une des mille et une merveilles :

« Regarde c’est une roussette, tu savais que c’était aussi la saumonette et que ça se mange ? Je me demande si c’est doux et chaud…. Dis dis t’en pense quoi ? »

Tu fronçais les sourcils, et même si ton sourire était caché par le  masque que tu portais, tu étais bien sérieuse dans ta question totalement, vague et ambigüe. Mais c’était une question de vie ou de mort. Esmy devait être d’accord avec toi.

Car elle aussi elle aimait l’océan.


@Esmeralda Garcia

Tes yeux pétillèrent aux mots d’Ermeralda. Tu aimais qu’on te dise que tu avais raison, même si tu n’avais pas conscience qu’elle avait joué la sécurité à te répondre ainsi.  Tu hochas vivement la tête la tête et cria presque :

« Oh tu vas utiliser ton téléphone. Trop bien ! »

Tu t’accrochais aux bras de la brunette, ne tenant plus en place. On pourrait croire qu’au vu de ta sociabilité, tu aurais été friande de la technologie qu’offrait un portable. Mais soyons honnête, en plus d’être une enfant beaucoup trop speed pour avoir la patience d’attendre les pages charger, l’écran tactile était ta hantise. Tant de doigts et de petits organismes traînaient sur la surface et autant, tu étais téméraire Delen, autant tu n’étais pas suicidaire. Le bras de ton amie paraissait bien moins dangereux.

« Esmy, regarde comme l’image de la roussette est mignonne ! »

Tu avais déjà oublié ton interrogation. Ton esprit papillonnait d’idée en idée, toujours tournée vers le large. Une pensée germa, et tu voulus en faire part à ta camarade. Tu avançais ta main vers le portable mais tu t’arrêtas en chemin. Tu préféras te tourner vers la lycéenne, t’enthousiasment sans fin et manquant de tomber :

« Tu sais qu’au large de l’Irlande, on peut voir des requins pèlerins ? Ils sont grands comme ça et pourtant ils ne mangent que du plancton. Ils voyagent partout sans limites… Je me demande ce qu’ils ont pu voir… »

Car ton monde s’arrêtait aux murs de l’Académie.

@Esmeralda Garcia