premières arabesques ღ Augustus

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premières arabesques

Ce garçon.

Sentiments tendres à son égard, pensées entremêlées de doutes, d’hésitations. De honte, aussi. Il est si gentil.

L’esprit alenti par une conscience qui le torture trop souvent. L’anathème de son propre cœur qui s’interdit à voir en lui autre chose qu’une personne précieuse. La peur de voir tout ceci un jour se finir comme ça a trop souvent été le cas.

Ces derniers temps.

Supplice sans fin, mille fois recommencé. Mais les erreurs sont, elles aussi, répétées encore et encore, comme si jamais il n’avait compris la leçon.

À trop aimer, on ne peut qu’être déçu.

Surtout quand le faciès caché par un masque se refuse à révéler la laideur. Devinée.

Pourtant, il l’apprécie, Augustus. Délicat nom qui lui rappelle ses cours de jadis sur l’empire romain dont son doux pays fit autrefois partie. Il essaie comme il peut de lui faire confiance, de lui donner cette partie de lui qu’il refuse à tous, par protection contre une souffrance trop de fois croisée. Lui, il sait à quoi il ressemble. Il ne lui dit rien. Il ne sait pas s’il le trouve affreux, mais ne préfère pas connaître la dure vérité.

Ils ont parlé du bal, il y a quelques semaines. Comme toujours, Avelino n’ira pas. Blotti dans sa chambre capitonnée, seul, il s’occupera l’esprit autrement qu’en songeant à toutes ces personnes heureuses de se retrouver.

C’est un peu la soirée de l’amour.

Sentiment qui étreint son petit cœur si souvent, jusqu’à le faire saigner, sanguinolentes plaies jamais refermées.

Avelino n’a rien à y faire. Il ne sait même pas danser. Ce brandon ardent a pourtant été vite balayé par son ami (il ne sait plus s’il doit y mettre des guillemets ou pas) qui lui a proposé son aide. Lui enseigner les bases. Pour que si l’éventualité futile et impossible de croiser quelqu’un qui, imaginons, lui proposerait quelque farandole, il ait l’air un peu moins benêt.

Le jeune Portugais à longuement hésité. Proposition alléchante, mais la désillusion n’en sera-t-elle pas plus dure une fois le rideau tombé ? Il lui a fallu une bonne douzaine de jours pour tourner le problème dans tous les sens avant de, finalement, accepter cette initiation qui n’engage à rien. Libre à lui par la suite de s’enfermer, boudeur, dans ses quartiers durant cette maudite soirée.

Comme souvent, il est arrivé à l’heure, en avance. Il a déjà poussé les bancs contre les murs pour créer un espace suffisant pour leur chorégraphie « gracieusement » orchestrée. Lui, il ne sait pas si son corps va tenir.

Puis, timidement, il s’est assis sur l’une des tables de la salle de classe, les mains soigneusement posées sur ses cuisses d’enfant sage.

Il ne savait pas si l’attente allait être longue. Mais il redoutait déjà le moment où Augustus, son tendre Augustus, entrerait dans la salle et le découvrirait dans sa position croquée, abrité derrière son éternel masque noir.

Halloween

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( o n e )
keep your eyes on our peace

derrière la courbe du sourire, l’ombre d’une peine. légère, commune. pas de celles qui le racontent lui, mais de celles qui t’on si souvent dit,
avelino,

– avec moi, je t’en prie, ne te cache pas comme ça, avec moi s’il-te-plaît oh s’il-te-plaît, tu n’as pas besoin de me voiler ta bouche et toutes les paroles qu’elle peut dire et tous les rires qu’elle fait entendre, comme j’aime les écouter dans leur entière existence –

et dans la coulisse de la porte, son visage t’observe à la (fausse) dérobée.

avant de rejoindre avelino,
il a pris le temps de
masquer un peu ses lèvres – trop rouges
à son goût.
elles sont roses, d’un pastel
qui se marie à sa peau.
elles s’entrouvrent avec douceur,
son corps se glisse à travers la pièce,
des pas légers sur la surface des cours.

ave, pardonne-moi. je ne t’ai pas trop fait attendre ? (ça chantonne dans sa gorge tandis que les yeux étudient l’espace) merci trop pour l’effort, j’arrive comme ça et toi tu… ave, à quoi tu penses ? tes mains…

te voilà prostré, timide sur le bord de la table.
son cœur, un peu, s’emballe
son cœur
augustus tente de l’accorder
avec ta soudaine chape de plomb
avec la distance qui aujourd’hui semble davantage plus grande. les cours particuliers avec toi sont agréables, il y a toujours cet instant au courant des pas de danse où tu sembles te délier.

avec le temps, avelino semblait moins effacé.

alors ses mains prennent les tiennent. augustus ne connaît pas tout, forcément, mais d’un sourire tire au milieu de la pièce son ami. d’un sourire et puis de quelques gestes, on essaiera de distraire un peu la mélancolie.

je ne t’ai pas vu au festival, j’espère que tu as pu apprécier les stands. votre pièce était magnifique, mais ce soir, dans quelques heures, ce sera le bal.

il y a au fond des prunelles quelques lucioles
comme si la nuit déjà les enveloppait
ses doigts serrent un peu les mains d’avelino
de peur que tu ne t’échappes de toi-même

ave, ce soir c’est le temps de la danse, mais tu verras, ce n’est pas bien compliqué, et il ne faut pas se soucier de la grâce. c’est quand on y pense qu’on se déséquilibre. alors on commence ? une petite valse.

délicatesse de la demande.
sur son épaule, augustus place une main de son ami comme s’il s’agissait d’un bouquet de roses. sa propre présence enveloppe le dos d’avelino, leurs mains enlacées.

écoute ton corps ave, écoute le mien et la noblesse des gestes viendra d’elle-même. pour la formule, ça va comme suit

il ignore s'il s'agit des bonnes paroles. les mots qu'il faut non pour expliquer mais pour raconter le croisement entre deux corps. augustus au nom des pas, au nom des gestes, entraîne avelino dans la valse. et puis lui demande de répéter le nom des pas, le nom des gestes. demande à avelino, doucement, de prendre la tête. augustus dansera jusqu'à ce que le rythme saccadé s'accorde à leur cœur, que les cœurs s'harmonisent

et dans la résonance,
que les corps se plaisent dans l'espace,
sans s'inquiéter d'une mauvaise articulation
d'une difformité – qui n'existe pas

ave, il faut que tu vois comme tu sais bien te mouvoir

tout le long de la cadence, entre le nom d'un pas, augustus fredonne le beau danube bleu ; écouter la voix si on perd ses repères.

oliver sykes

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premières arabesques

Mais il ne le déçoit pas.

Et c’est une poignées de minutes plus tard, caligineuses dans son esprit tant il ne sait plus que penser, qu’arrive son ami Augustus. Il est soudain tiré de cette déréliction amère. Avale sa salive.

Vif, son regard s’est redressé pour timidement happer celui du jeune homme qui lui fait face. Son ventre se tord d’appréhension.

C’est déjà ce soir…

Ce soir qu’il n’attendait pas pourtant. Jusqu’à ce que Augustus lui propose de l’accompagner. Cœur qui explose, hurlement dans la tête. Une allégresse rarement ressentie alors qu’il est tout froid à l’intérieur.

Derrière son masque sombre, un sourire se dessine.

Il quitte ce banc où il se sentait enraciné, glisse jusqu’à Augustus. Ses yeux brillent un peu, sans qu’il ne sache pourquoi. Sa poitrine est étreinte, ça bourdonne dans son ventre. Il a hâte de s’essayer à la danse. Mais surtout, il a hâte de le rejoindre ce soir, de mettre en pratique ces quelques brefs acquis. Pour la première fois.

Il est tellement heureux.

Augustus parle beaucoup. Mais lui, il n’a pas besoin de répondre. Il est juste bien, ses mains dans les siennes. Comme si la présence douce de ce garçon l’enjolivait de l’intérieur, mais aussi de l’extérieur.

Pourtant, cette fois, il n’enlèvera pas le tissu qui cache la partie basse de son visage.

Il sait que ce moment ne durera pas longtemps, car ils doivent se préparer. Il profitera ce moment comme si c’était le dernier. Comme dans un rêve.

L’impéritie ne lui fait plus froid aux yeux. Il est motivé à apprendre. Partager quelques minutes de tendresse avec son ami précieux, pour l’apothéose le soir-même. Il a si envie d’y être !

Mais ne sait pas encore de quel cauchemar il s’agira.

Parce que pour une fois, Avelino, il voit les choses sous un joli angle. Il y a quelques touches de couleur dans son univers tout gris.

Augustus l’entraîne au centre de la pièce et lui dicte ce qu’il a à faire. Il n’a toujours pas prononcé un mot, mais ça ne signifie pas qu’il est malheureux d’être là. Ça se ressent par la délicate pression qu’il exerce sur les mains qui s’entremêlent.

Merci d’être là…

Il ne le dira pas. Pas cette fois.

Son présent bonheur est immarcescible. Il ne veut pas que ça s’arrête. C’est un bon élève Avemilo. Consciencieux, appliqué. Il écoute avec soin son professeur du jour, obéit à chacune de ses recommandations sans que ça soit trop scolaire.

Parce qu’il l’apprécie, tout simplement.

Et leurs corps se rapprochent, et il rougit. Sa taille de sylphide qui s’entrechoque avec sa hauteur. Il ne sait où se mettre. Il aurait préféré être plus petit.

Mais il ne se sera pas remplumé pour le bal, malheureusement. Rachitique, il ira quand même.

Et les secondes défilent bien trop vite. Et cette petite bulle de bonheur éclate quand se termine la danse. Il a soudain un peu froid. Son grand corps lui semble encore plus gênant qu’en temps normal. Mais au fond de lui, il demeure béat.

C’était fantastique. Et invraisemblable qu’il ait réussi à attraper du bout des doigts cette chance, unique chance de danser avec quelqu’un.

– J’espère que je n’ai pas été trop nul, formule-t-il enfin, bégayant timidement derrière son masque d’où ne se dégage que sa petite voix fluette, elle aussi masquée par l’appareil gênant.

Augustus ne semble pas fâché contre lui. Il regarde sa montre. Bientôt, bientôt.

Ils seront tous les deux dans une jolie tenue, prêts à faire des miracles. À éblouir. À briller jusqu’au bout de la nuit. Pour la première fois.

– Je ne te remercierai jamais assez. Augustus, tu es incroyable. Merci de me faire ressentir tout ça !

Que ressent-il au fond de lui ? Que du positif. Même si demeure une légère pointe douloureuse qui titille son cœur fragile. Le pouvoir vulnéraire de l’autre garçon ne va pas jusqu’à panser complètement toutes ses plaies à la poitrine accumulées toutes ces années et explosées ces derniers mois, semaines, jours.

– On se voit ce soir ? Je… je vais me faire tout beau, promis !

Et ses joues se colorent encore. Mais Augustus ne peut pas le voir. Mais il doit le deviner. Car Avelino rougit bien trop souvent en sa présence. Hésitants, ses doigts viennent chercher les siens et les pressent en une douce caresse exprimant toute sa gratitude et sa joie d’avoir partagé ce presque intime moment avec lui.

Puis il est déjà temps de se séparer. Mais c’est à contrecœur. Pourtant, il ne s’inquiète pas. Car ils se reverront bien vite pour la plus belle soirée de son existence.

Halloween

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( o n e )
keep your eyes on our peace

il s’étonne de la remarque.
c’est quelque chose qui ne lui est pas venue à l’esprit.
quand avelino pressait davantage leurs mains,
augustus le sentait heureux,
présent.
pourquoi alors serait-il,

nul ? à quoi tu penses ? tu n’aurais pas mené la danse, durant les dernières minutes, si tu l’avais été. et puis je ne comprends pas ce que ça veut dire, être nul. il est l’heure, n’est-ce pas ?

augustus affiche un sourire
quelque peu mélancolique.
derrière le masque, avelino résonne.

augustus affiche un sourire
un grand, qui vient s’ancrer dans le regard de son ami. il accepte la caresse des doigts, serrent les siens en retour, puis
ils se libèrent de l’emprise
sa main se pose contre le poignet d’avelino.

c’est drôle comme tu me remercies, alors que c’est toi qui enchaînes la cadence. c’est toi qui es incroyable.

augustus rit.
ça fait un peu mal au-dedans du cœur.
il faut bien que tu ressentes pour exister, pour être là, avelino. parce que toi, tu possèdes une parole qui en connaît les mots, les mots pour dire je. ceux qui se chargent de tes secondes vécues.

je te crois ave, tu vas être magnifique. et puis tu sais danser maintenant ! ce soir, promis, je ne serai pas malade.

promis, cette année tu ne seras pas seul.
augustus s’est réservé mille et un temps pour toi. tes mouvements se mêleront parmi les constellations du bal, et même si tu n’avais pas d’étoile, avelino, tu sauras ancrer ta place sur la piste.

rougir jusqu'aux oreilles,
de bonheur cette fois.

augustus rêve tellement de te voir
paisible (visible)
qu'il attend que tu partes le premier
pour te cacher l'angoisse qui pointe
qu'un jour toi aussi tu ne saches plus que pleurer.

et pour laisser l'angoisse discuter avec elle-même,
augustus quitte à son tour la scène.

oliver sykes