Pendant des années, j’avais réussi à fuir le bal. Je détestais ce genre de rencontres mondaines pour des raisons évidentes : une musique à se casser la tête, trop d’âmes innocentes pour un Alice assoiffé.

J’aurais dû normalement rester dans ma chambre, jouer à Pokémon et ignorer le monde qui m’entoure. Mais voilà, mon psy, ce scélérat avait pensé qu’une situation sociale où la mort n’était jamais bien loin m’aiderait à casser la coquille. L’effroi de cette éventualité et mes protestations ne lui avait pas fait entendre raison. Je me retrouvais donc là, la mort dans l’âme une mission.

Tenter de discuter avec la première âme qui oserait m’approcher.

Je resserrais ma cravate et tirait mes gants sombres pour les remettre en place. J’avais enfilé un costume simple, légèrement trop grand pour moi, histoire de diminuer l’angoisse d’une telle épreuve. J’avais pu me faufiler sans une tragédie dans un endroit plus calme de la salle. Qu’est-ce que je faisais là ? J’observais les âmes de gesticulaient sur la piste, et je ne pus cependant détourner les yeux de la scène. Cela pouvait sembler risible de se déhancher, mais ils avaient l’air de tous s’amuser. Les bras croisés je penchais légèrement la tête. C’était donc ça une fête. Danser sur une chanson entêtante, rire et oubliait un peu sa condition de monstres. Mes doigts se resserraient sur mon bras, envieux d’une telle naïveté crédule. Jamais une existence tel que la mienne pourrait se permettre ce genre de loisirs.

Seuls des corps griseraient à mes côtés.

Je soupirai, tentant de récupérer un peu de sang-froid après cette pensée. Je remarquais le buffet, avec encore pas trop de monde. Sans doute devrais-je m’y approcher avant la cohue. Prudemment, je choisis un canapé un peu en  retrait. Mais il semblait  que je n’étais pas le seule à avoir jeté mon dévolue sur cette bouché. Je retirais vivement ma main et la mit contre mon torse, comme si j’avais touché une immondice. Je fronçais les sourcils les yeux vers sa main de peur pour lui, sifflant avec perfidie :

« Va crever. »

Elle semblait entière, tant mieux. Je ne vis qu’après à qui appartenait cette main. A la vue de Rhys, mon visage se teinta de tristesse. Il n’avait jamais cherché de problème à se montrer entreprenant. C’était un garçon normal, avec un Alice bien trop adorable pour présenter une menace. Mon regard se dévia, coupable d’une telle méchanceté. Je ne répondais pas du tout aux attentes que je m’étais fixé. Je me rattrapais avec une voix plus calme et sincère, que je n’utilisais presque jamais à vrai dire :

« ... Je suis désolé, tu ne mérites pas que je te crie dessus. Sers-toi, je t’en prie. »

J’observais autour de moins, m’attendant à trouver des amis autour de lui. Mais pas l’ombre d’une personne qui rôdait. Rhys semblait pourtant être quelque de sociable, à ne pas se retrouver avec lui-même dans ce genre d’événements. Je grimaçais, priant que ce n’était pas à cause de mes mots qui s’était retrouvé dans cette situation. Je tentais, légèrement inquiet pour mon camarade de classe :

« Tu es tout seul ou tu as perdu tes amis ? As-tu besoin d’aide pour les retrouver ? »

J’avais une bonne mémoire des visages, merci la solitude qui m’obligeait à m’accrocher à la vie des autres pour survivre. Un peu comme le cinéma. C’était cependant tout ce que je pouvais faire pour me racheter et être un humain décent, si je pouvais l’être encore.

@Rhys Marsh

J’étais ému par Rhys. J’avais beau avoir été rustre avec lui, il restait malgré tout courtois, sans s’imposer, malgré la lueur qui avait changé dans son regard. Je me sentais encore plus mal de lui avoir crié dessus. C’était sans doute la première fois depuis longtemps que j’étais heureux qu’une âme ne disparaisse pas de mon sillage.

J’avais une promesse à tenir.

A mon inquiétude, il répondit qu’il était seul. Je fus surpris si bien que j’écarquillais les yeux sans le vouloir. Cela semblait tellement étrange, il me semblait pourtant que les vivants aimaient ce genre événement. Je restais interdit, ne sachant vraiment ce que je pourrais dire. Cela faisait bien trop longtemps que je n’avais pas communiqué avec mes semblables que je ne savais plus être naturel.

Je ne pouvais que rester là, à voir le lycéen me remercier et à m’inquiéter davantage.

Avais-je touché un point sensible ? Probablement.  Je grimaçais, fuyant son regard. Pour cacher mon anxiété, je pris un petit four, celui que j’avais repéré un peu plus tôt. Le saumon n’était pas mauvais mais cela ne me donnait aucune clé pour lui répondre. Je laissais mes yeux se perdre dans la fête, vu que je ne pourrais jamais m’approcher de l’épicentre. Tant de rires et nous étions deux âmes en retrait. J’étais triste pour Rhys, car jamais je n’aimerais passer une soirée avec ma personne. Je commentais, puisque je n’avais d’aucune idée quoi faire :

« Il y a vraiment beaucoup de monde… Et pas mal de couples on dirait ? »

Du moins c’était ce que j’en déduisais aux nombres de baisers échangés dans l’ombre des projecteurs. Je grimaçais.  Le couple était une entité que je comprenais peu. Ma vie avait été tâché trop jeune par la malédiction et mon cœur s’était congelé avant même qu’il puisse battre pour quelqu’un. De toute manière, comment pourrais-je aspirer à une telle proximité alors qu’être à un mètre d’un camarade me donnait des sueurs froides ? Les monstres n’avaient pas le droit d’aimer car plus on était proche d’eux plus il blessait les innocents.
Je repensais à avant, quand je croyais encore que j’avais le droit à une vie à peu près normal. C’était la seule fenêtre où j’aurais pu ressentir un truc.  Soudain, je réalisai que peut-être s’il était venu seul, c’était pour une autre raison que pour profiter avec des amis. Comment ça s’appelait déjà ? Draguer ? Je me tournais vers l’homme renard. Hésitant, je finis par lâcher :

« Si ma présence entrave tes objectifs, je suis désolé. Euh… Enfin j’en sais rien mais… Enfin pourquoi tu es venu ? »

Autant en avoir le cœur net. Même si je devais sociabiliser, je n’avais aucunement envie d’être un poids. Je n’étais qu’un cadavre solitaire qui devait faire semblant de s’animer.

@Rhys Marsh

J’avais beau observer les vivants, il m’échappait toujours autant. Cette liberté qu’ils jouissaient faussait mes prédictions. Il semblait que Rhys était venu seul et sans aucune arrière-pensée. Je me surpris moi-même à hocher la tête, ne sachant que faire pour relancer la conversation bien que soulagé. Nous sommes deux âmes aux parures blanches perdus dans une fête beaucoup trop grande pour eux.

Ou du moins pour ma personne.

Mes pupilles se perdirent dans la foule. Il était plutôt étrange pour moi de venir dans un bal où je ne pourrais pas danser et encore moins profiter de la chaleur d’êtres vivants. Le moindre mouvement pourrait être transformé cet événement joyeux en tragédie. De plus, vu la fin de ma scène, j’appréhendais qu’on me demande pourquoi j’avais agis ainsi. Je n’avais pas recroisé le regard d’Aloïse depuis ce jour. Mon regard s’assombrit et je soupirais. Sans cette hargne factice, il semblait que la mélancolie collait mon cadavre décharnée.

Pourquoi devrais-je continuer de marcher si c’était si difficile de respirer comme en cet instant.

« Je ne suis pas sûr d’être la meilleure personne avec qui converser. Mais ta présence rend étrangement le lieu moins horripilant… Peut-être que discuter me permet d’oublier que ce genre de célébrations est fragile… »

La joie s’effaçait tellement facilement, comme le premier flocon sur le béton. Je repensais de nouveaux aux projecteurs, à l’humidité qui nourrissait mes tentacules. Cette terreur que tout se détruise de nouveau, de revenir un peu moins de 10 ans en arrière. J’avouais, avec une sincérité que je ne faisais jamais preuve.

« … Désolé pour la pièce d’ailleurs, mais il semble que tout le monde s’en est bien sorti malgré tout. Tant mieux. Au moins la troupe a pu profiter des ovations.»

Ma langue se déliait pour une fois, un miracle de Noël avant l’heure. De toute façon, demain il faudrait rejeter de nouveau l’espoir d’être un adolescent comme les autres, se permettant de converser sans penser à l’après. J’avais envie de pleurer, mais j’affichais un très léger sourire  triste à mon camarade. Même si j’avais foiré ma dernière ligne, personne n’avait été blessé, ou mort. C’était une petite victoire une toute petite.

La musique était presque supportable.

@Rhys Marsh

La gorge nouée, j’avais écouté Rhys me rassurant que ce n’était pas grave. Ne serait-ce qu’un instant, je m’étais senti soulagé. Soulagé que cela s’était bien terminé, soulagé aussi que quelque part, mes fautes n’avaient pas vraiment d’incidence sur les autres. Alors que la fête battait son plein, je me réjouissais d’avoir si peu d’impacts, tel un spectre dont l’existence s’effaçait délicatement, sans laisser aucune trace. Je devais être étrange de penser ainsi, je le savais bien.

Mais quelque part, j’avais besoin de ça pour porter mes regrets.

« Tant mieux alors… »

Mon visage s’était adouci. Que faire à présent ? Allais-je rester près du buffet toute la soirée ? Je n’allais certainement pas danser, ce qui semblait être l’activité favorite des Alices présents. Je ne m’étais pas rendu compte tout de suite, mais le tempo s’était ralentie et les couples dominaient la piste. J’écoutais peu de musique, mais ce son n’était pas si agréable à mes oreilles. Il semblait que le calme me correspondait aussi en milieu mondain. Je rajustais mes gants et demanda le plus naturellement du monde :

« Tu vas aller danser ?... Enfin peut-être pas sur cette musique mais… »

Peut-être que je m’étais avancé un peu trop vite. Etait-ce une question étrange à poser ? Je passais ma main saine dans mes cheveux, quelques peu gêné, avouons-le. Peut-être que cela sonnait comme si je voulais me débarrasser de l’homme renard, et cela n’avait pas été mon intention, pour une fois. Ou pire, il pourrait s’imaginer que je l’invitais. Rien que de penser à tous ses corps qui pourraient s’entrechoquer dans la cohue, j’avais des sueurs froides.

« Je vais sans doute m’éloigner un peu, un groupe s’approche du buffet et je n’ai pas spécialement envie de me mêler à la foule… Que vas-tu faire ? »

Je ne voulais pas biaiser son choix. C’était déjà beaucoup pour moi, même si c’était des banalités. Bientôt l’hiver ramènerait les démons, mais je pourrais au moins dire que j’avais essayé d’être autre chose pour une fois.

Que j’avais essayé d’être humain le temps d’une soirée.


@Rhys Marsh

Pouvait-t-il voir le léger sourire qui se dessinait sur mon visage ?

Il m’accompagnerait dans cette étrange soirée d’automne. J’hochais timidement et m’éloignait de la cohue. Je n’avais jamais été d’humeur aux festivités, mais je comprenais un peu mieux l’attrait de tel regroupement. Sans être un monstre, côtoyer des âmes similaires à la sienne devait être relaxant. Où peut-être que simplement les participants oubliaient un peu leur enfermement. Mes pas se faisaient furtifs et plus on s’éloignait de l’épicentre plus il se faisait frais. Et moi est-ce que je pourrais oublier un jour ma faute. Je me frottais instinctivement les bras, recherchant dans les étoiles une sorte de signe mystique. Mais je n’avais pas un Alice de divination comme ma mère, d’ailleurs avait-elle su que cela se finirait ainsi ?

Je chassais cette pensée, articulant pour moi-même :

« Qui aurait cru que je serais encore là… »

Là à ne pas protéger les autres, là où ce n’était pas ma place, là où peut-être même les étoiles me pardonneraient. Je laissais disparaître ce songe comme un écho lointain.  Je m’arrêtais, pour qu’on puisse encore voir les festivités. Je resserrais ma cravate, maintenant que l’ombre était de nouveau à mes côtés. Je scrutais furtivement mon compagnon, avant de surveiller la fête de loin. Je ne savais pas quoi dire de plus, mes pupilles disparates se noyaient dans ce monde que je ne pouvais atteindre. Je retenais mes larmes, ou plutôt ce cœur qui criait plaintivement ce que je désirais réellement. Une véritable vie, parmi les autres.

Mais je trompais cette souffrant en demandant simplement :

« Comment c’est… de pouvoir aller dans ce genre de fête normalement ? »

Sans avoir peur, sans se rendre compte à quel point tout peut être gâchée, sans envier ne serait-ce qu’un peu toute cette joie. J’aimerais quelque fois être moins prudent, passer la porte pour vivre ne serait qu’un peu.

Serait-ce là le dilemme des fantômes?


@Rhys Marsh

Sous le ciel, je me frôlais la vie que je ne pouvais pas avoir. Ses doigts qui avaient tout aspirés recouvraient mes côtes à l’attente de sa réponse, sans rien attendre. Quelque fois il était plaisant d’attendre, si ce n’était pas pour l’éternité. J’avais beau me triturer les méninges, je n’avais aucune idée de la réponse de mon camarade albinos. Si nos cheveux étaient similaires sous la voute céleste, nos passés disparates étaient gravés dans notre cher.

C’était ce qui nous rendait si différents.

A mon interrogation, Rhys me répondit qu’il n’y avait pas de manières alors il y aller à sa façon. Il y avait une multitude de possibilité de participer à une rencontre sociale, pourtant je n’avais jamais pu songer que ce soit si personnel. Pourtant j’avais observé mes semblables, enfin plutôt ce que j’aurais pu être sans ce parasite, mais j’étais passé à côté d’une réalité si simple. L’individualité était quelque chose que j’oubliais quelques fois. Je songeais à ce pouvait être ma manière. Il n’y en avait probablement pas. Si le monde de Rhys était un monde de possibilités, ce droit m’avait été enlevé il y avait bien trop longtemps.

« Je vois. »

Je n’arrivais pas à trouver d’autres mots pour exprimer ce que je ressentais. Un trop pleins d’émotion animait mes entrailles. La musique étouffée me parvenait encore à mes oreilles, et je tentais tant bien que mal à reconnaitre la chanson. J’avais tant forcé ce soir-là, dans cet élément étrange que l’on nommait les festivités. Depuis que j’étais un peu plus loin, je pouvais davantage apprécier le moment. C’était sans doute la distance acceptable sans être trop à l’affût. Je repris la parole d’un coup, comme si je n’avais jamais arrêté au bout d’une dizaine de secondes :

« Je présume que ta manière, c’est en profiter sans être au centre ? C’est étrangement censé. Ah mais ce n’est pas que tu es bizarre ! J’ai juste un peu de mal à… me projeter. »

Cela devait être sans doute incompréhensible, mais je ne trouvais pas d’autres mots pour exprimer ce sentiment de décalage. Ce que les autres vivaient, ce que je vivais, ce que vivait mon père, ce que ma mère… Avait vécu ? Un creux béant était en mon centre. Mon humanité avait été digérée par le parasite, alors il ne me restait que ces quatre murs et la curiosité de ce qu’il ne connaissait pas.

L’angoisse de faillir de nouveau.


@Rhys Marsh Désolée du retard QWQ

Il semblait que mes mots n’avaient pas réussi à l’atteindre. La fête battait encore son plein, même si elle se diluait de plus en plus. Les premiers couples partaient pour plus d’intimité, des groupes commençaient à tisser les chemins du retour. Je n’avais pas trouvé Rhys étrange, je ne l’avais pas pensé un seul instant. C’était juste moi qui était… Décalé, déformé par la peur, rongé par une solitude que j’avais créée.

Je déviais mes pupilles disparates, cherchant des mots que je ne trouvais pas. Sans doute que mon camarade ne pouvait pas comprendre ma situation et je ne le demandais à personne. Je m’étais tus dans ce mensonge d’agressivité et sans lui, j’étais bien vide. Beaucoup de questions que j’évitais remontaient. Je dévisageais de nouveau le lycéen, articulant avec le plus de franchise que je le pouvais :

« Je n’ai pas songé un seul instant que tu étais bizarre. C’est plus moi le problème, ça a toujours était le cas. Mais c’est agréable de discuter avec toi. »

Peut-être que c’était agréable avec n’importe qui, mais je ne prendrais jamais ce risque. Le parasite était toujours là et il le serait jusqu’à mon dernier souffle. Mais ce genre d’exceptions pourrait être bénéfique. S’il y avait plus de personne comme Rhys, gardant cette distance confortable, alors peut-être que je n’aurais pas à avoir aussi peur. Cette faiblesse m’emmènerait à ma perte. Je n’étais encore pas encore prêt pour cela, mais peut-être d’ici quelque temps…

Je lui souris timidement, me tournant vers les premières âmes qui battaient en retraite. C’était déjà beaucoup et si peu, mais pour la première fois depuis si longtemps, j’avais eu l’impression d’être un peu humain. Je ne sentais un brin plus léger qu’avant de venir :

« Je pense que je vais pas tarder. J’ai un peu peur que si j’attends trop longtemps je vais galérer à esquiver tous ces gens… »

Je m’arrêtai un instant, me demandant si c’était ainsi que cela se faisait. J’étais inapte socialement après tout. Je me tenais le bras pour calmer ma nervosité.  Je repris donc avec une voix chancelante :

« Ca te va ?... »

Je ne voulais pas qu’il croit que c’était parce que je m’ennuyais. Même si je n’avais pas dansé, si je n’avais pas au centre comme il avait pu le dire, je voulais garder cette soirée comme un bon souvenir et non une tragédie.


@Rhys Marsh

J’avais beau avoir une petite idée de sa réponse, l’attente fut quand même éprouvante. Rhys ne semblait pas du genre directif, mais à vivre sa vie comme il l’entendait. Je n’avais aucune idée de comment cela pouvait être, mais par ce laxisme que lui laissait le monde, il le laisserait aussi pour les autres, probablement.  J’attendais comme on attendait une histoire avant de dormir, un sortilège qui m’assurait que tout irait bien si je rentrais chez moi.

Et ce fut exactement ce qu’il fit.

Soulagé, je ne pus que soupirer alors que mes épaules se détendirent. Le plaisir avait été mutuel, et je fus bien plus touché que je ne l’aurais imaginé. Je touchais du bout des doigts ce que pouvait être une bonne soirée entre pote, ou plutôt ce que je pouvais supposer.  C’était peu pour les autres, mais beaucoup pour moi. Je lâchais à léger rire nerveux mais libérateur. Je ne pouvais pas espérer tant. Sous les étoiles je chérissais l’instant présent. J’ajoutais doucement :

« Alors tant mieux… Bonne soirée Rhys. »

C’était tout ce que j’avais à offrir ce soir-là. Un au revoir que je n’avais plus dit depuis longtemps. Un rêve allait s’évaporer. J’osais un léger geste de la main et je m’éloignais avec un sourire sincère. Je ne me retournerais pas, le bal était déjà loin dans ma tête. Je marchais consciencieusement dans la nuit, esquivant les quelques Alices qui étaient attiré par le même point dans l’espace. Peut-être que j’aurais dû rester plus longtemps, peut-être aurais-je pu demander son numéro. Mais je n’avais aucun regret.

J’ouvris la porte de ma chambre. J’enlevais ma cravate et je me laissais tomber sur le lit. C’était donc ça, les fêtes, discuter avec une autre âme face à face. J’aurais au moins quelque chose à raconter à mon psy. Pourtant, je ne lui dirais probablement pas que je m’étais diverti en sa compagnie. Cela aurait été un message trop encourageant, un espoir candide. Je me tournais vers mon bras gauche. Les tentacules me le rappelaient sans cesse. L’amusement et la tromperie pour passer le temps était une erreur. Je devais me rappeler cette sensation quand la vie cessait, quand le vide était tout ce qui restait.

Cette soirée resterait d’une douceur dans mon cœur parmi des centaines d’arides. Parce que j’étais un monstre qui ne pouvait pas vivre parmi les hommes. Parce que je n’étais pas encore prêt à me pardonner et oublier cette soirée qui avait tout fait basculer. Si j’étais Rhys, peut-être que j’aurais pu dire que c’était ainsi et j’aurais avancé. Je fermais les yeux et je me laisser m’enfoncer dans les ténèbres.


@Rhys Marsh