Entourée d'effluves de jasmin et d'acacia, Juno jouissait d'un paradis olfactif qui, bien que les rires pincés des insectes autour d'elle troublaient sa paix, lui procurait un sentiment d'apaisement plus que nécessaire. Elle ne considérait pas tant les autres filles comme des menaces ou des fardeaux, à vrai dire (en tous cas pas plus que d'autres), mais elle aurait préféré profiter du luxe de l'endroit dans le silence plutôt que dans la démonstration superficielle de leur exubérance.

Laëstiel, au milieu de ce parterre de fleurs, avait des allures d'intruse, à mépriser tous les pétales des autres qui l'entouraient. Juno, à contrario, se sentait tout à fait dans son élément à observer les différentes techniques que toutes ces fleurs avaient développées pour paraître ; et survivre dans un monde où on les piétinait. L'expression excessive de leur grâce avait quelque chose de risible, mais surtout d'instructif.

« Sinon, j'aurais annulé avec mon cavalier pour y aller avec toi, et on aurait été les reines de la soirée. »

Elle avait parlé trop vite, car en entendant le nom de Leandre, elle manqua de s'étouffer avec son thé. Elle toussa, surprise, et déposa sa tasse, alors qu'un regard de Agatha dans sa direction la fit immédiatement reprendre contenance. Le dos droit, le visage visiblement inquiet, Juno avait laissé le silence s'installer pendant plusieurs longues secondes.

Se débattaient sur son visage quelques émotions feintes d'incompréhension, et de réserve, comme si elle n'osait pas dire quoi que ce soit. "Après tout, c'est ton choix, tu fais ce que tu veux, je ne t'empêcherai rien". Et sans un mot, elle avait déjà souligné qu'elle n'approuvait pas, mais sans lui dire ; histoire que le sentiment soit latent, et non-dit. Que le malaise soit invisible, mais bien présent.

« Oui, je vois qui est Leandre.. »

Elle hocha la tête un peu vaguement, et esquissa un sourire tout à fait maladroit - comme si elle essayait de se réjouir.

« Je suis contente si ça va mieux entre vous. »

Et elle avait baissé les yeux, comme perdue dans ses pensées, dans une réflexion inquiète ; mais la réflexion n'avait pas lieu d'être, le verdict était déjà tout trouvé : il était hors de question que Leandre y retourne valser autour du cœur de Laëstiel.

"Pour me faire plaisir", avait-elle dit, et il fallait qu'elle y croit; qu'elle soit convaincue que Juno agissait par égard et non par égoïsme; par affection. De fausses hésitations avaient pris ses lèvres et son regard avait fui une seconde à peine; les détails étaient sa meilleure arme. Juno n'avait pas particulièrement de haine à l'égard de Leandre, mais elle éliminait chaque menace qui se profilait aux frontières de son royaume, et elle refusait catégoriquement qu'on lui chaparde la meilleure carte de son château.

« Je ne sais pas trop... 'fin... »

Elle avait haussé les épaules, comme résignée, quelques tendresses dociles au fond de ses yeux.

« Je suis inquiète, c'est vrai. Je ne lui fais pas confiance. »

Voilà qu'elle abattait sa première réelle offensive. Elle avait entouré sa tasse brûlante de ses deux mains glacées, constatant avec dépit que rien ne la réchauffait. Elle avait baissé le ton de sa voix, pour que Laëstiel seule puisse l'entendre.

« Je sais bien que c'était ton alice, mais... »

Elle soupira, baissant les yeux sur les vapeurs blanches qui s'échappaient de la surface de son thé.

« Désolée, je sais que c'est dur, mais il t'a déjà fait du mal, Lae, je n'aimerais pas que ça se reproduise, voilà tout. »

Elle songea que ce devait être un drame de se sentir interdite de tout contact humain. Ainsi elle avait laissé une seule seconde de silence avant de secouer la tête légèrement.

« Oublie ça. »

Elle avait planté dans son coeur des graines de peur qui auraient raison de sa quiétude. Et sans qu'elle ne soit responsable de rien, Laëstiel allait saboter d'elle-même sa confiance.

« Si tu penses que ça ira, j'ai confiance en toi. »

Pas en lui. Mais en toi.
Est-ce que tu entendais, Lae ? Que c'est de sa propre valeur dont Juno doutait ? Si bien qu'elle se sentait obligée d'empoisonner tes relations pour te garder.

Juno avait eu le sentiment de remporter sa première bataille, et sembla déposer les armes. Elle était passée pour l'amie idéale et indispensable, et c'était tout ce qui lui fallait ; par ailleurs, elle était plutôt contente de savoir que Laëstiel avait un cavalier dont le physique était au moins équivalent à la moitié de ce qu'elle valait. Au moins elle ne serait pas la meilleure amie de celle qui a accompagné un thon - ou pire, qui ne serait pas accompagnée du tout.

Elle avait déposé ses cartes face contre table, sourire ; son doigt appuyé contre la carte de l'as de carreau.

« Hm ? »

Elle avait levé la tête, mimant des faciès timides un peu absurdes, qu'elle fit éclater en un rire doux. Laëstiel savait bien que la timidité n'était certainement pas un des traits de sa personnalité, et le théâtre en était devenu drôlement absurde. Elle soupira, marquant une pause dans son énergie soudaine.

« En effet, j'ai un nom final comme tu dis. »

Elle fit bouger sa tasse entre ses mains, mais ne quitta pas des yeux le visage de Laëstiel.

« J'attendais qu'il me demande. Je pensais qu'il l'aurait fait plus tôt, d'ailleurs. J'ai bien cru devoir lui demander moi-même. »

Évidemment elle n'allait pas lui donner son nom tout de suite.

« Pas que ça m'aurait tant dérangée, mais je préfère... Me sentir désirée. Je suppose que c'est humain. »

Elle baissa les yeux dans un rire un peu résigné. Elle l'avait faite attendre suffisamment.

« Chandresh Dwight. »

Elle hocha la tête.

« Et il a promis de venir me chercher devant les dortoirs avec un bouquet de fleurs. J'attends de voir. »

Les excentriques, ce n'était pas tout à fait le genre de Juno. Elle préférait être la seule qui attire l'attention, et pas parce qu'ils arriveraient à dos de cheval, d'âne ou de vache (pitié), mais juste parce qu'elle était forcément la plus belle. Ainsi elle avait roulé les yeux au ciel sur les plaisanteries de son amie, et avait attendue qu'elle ait fini de rire. Juno était très douée pour avoir l'air dramatique, le mépris et la susceptibilité excessive c'était sa spécialité.

« Je suis étonnée que vous ne vous connaissiez pas plus que ça. »

Animale, va.

« Peut-être qu'il parle aux animaux mais il n'a pas l'air d'aimer les hyènes, il faut croire. »

Elle avait terminé sa tasse de thé. Et avait gardé son sérieux tout du long, toujours prise de son dédain factice.
Sauf que l'image des lapins qui tenaient sa robe avaient fragilisé un rictus sur son visage.

« Oh et puis tais-toi ! »

Elle avait fini par rire.
Il était rare que Juno rie pour de vrai, mais si elle avait été incapable de le contenir, c'est qu'il était plus vrai que tous ceux qu'elle feintait habituellement.

« De toutes façons y a que les princesses Disney pour arriver à un bal entourées d'animaux. Je trouve que ça me va plutôt bien. Belle et désirable, aimée de tous sauf des mauvaises personnes. Ça me va très bien d'arriver avec les lapins et les chevaux si c'est comme ça. »

Plutôt crever oui.

« Hm ? »

Elle était rousse, d'accord, faisait partie des cheerleaders, bien, mais quel était le rapport ? Juno aurait presque pu être vexée, à être comparée à une série qui lui avait arraché plus de grimaces que d'excitation. Elle était sans doute un public difficile, mais l'image ne lui plaisait pas.

« Pas vu Riverdale. »

C'était plus facile que de lui dire que les personnages l'insupportaient et qu'elle avait quand-même tout regardé.

Mais voilà qu'elle repart sur le sujet de Chandresh, et Juno répond sans conviction, un peu au hasard.

« Je ne sais plus trop, ça devait être l'ami d'un ami, et on a mangé ensemble une fois. »

Elle avait haussé les épaules. Juno connaissait beaucoup de monde, à vrai dire, et Chandresh ne faisant pas exception à la règle elle se fichait bien de comment elle en était arrivée à lui parler à lui et spécialement à lui ; parce qu'elle parlait spécialement à tout le monde.

« Et toi, Magnolia ? »

C'était d'un ridicule, ces noms de fleurs, quand-même.

« Pourquoi tu as soudainement repris contact avec Leandre ? »

Sous-entendu que c'était une erreur, évidemment.

Juno se rendait rapidement compte de la limite de ses sentiments. Elle pouvait y mettre toute la volonté du monde, elle ne pouvait pas rivaliser avec une intimité profonde et réelle ; elle ne pouvait enfermer Laëstiel que dans une relation factice dont les travers muets gangrenaient lentement son confort. Ce genre de relations ne duraient jamais, et à l'écouter, Juno se sentit menacée.

Évidemment ! Que Laëstiel allait l'abandonner. Évidemment ! Qu'elle allait finir par se rendre compte que la tâche noire dans son décor avait un nom. Évidemment ! Car elle se battait pour des causes justes, même si elle se battait avec les mauvaises armes. Juno ne pouvait pervertir indéfiniment le cœur des gens ; elle ne pouvait contaminer si profondément les autres ; si purs.

C'était pour ça qu'elle finirait toujours par être seule.
A cette idée, Juno eut un genre de vertige, qu'elle camoufla derrière un sourire un peu vague.
Elle finirait seule, pendant que tous les autres s'aiment.
Comme elle a été seule pendant que Isis et leur père étaient unis.
Comme sa mère était seule le soir où elle avait été trahie.

« Je comprends. »

Juno ne mentait pas. Elle se servait de la vérité pour servir sa mascarade.

« Personne ne veut être seul. »

Elle avait hoché la tête, pensive, et remercia une de leurs pairs qui l'avait resservie en thé. Elle leva les yeux sur Laëstiel, et lui adressa un sourire à moitié triste, à moitié heureux ; quelque chose qui ne voulait rien dire.

« Et puis si jamais ça devait mal se passer. Pour toi ou pour moi, entendons-nous... »

Quelque chose de complice qui cachait un grand manque de confiance.

« On sera toujours là l'une pour l'autre, pas vrai ? »

Dis-moi que ta carte ne quittera jamais ma main.

Juno, depuis quelques temps, semblait plus préoccupée par la solitude et un million d'angoisses qui habituellement ne l'effleuraient même pas un peu. C'était comme si tout à coup ses blessures d'attachement s'étaient réveillées alors qu'elles étaient enfouies depuis trop longtemps. Et tout ça avait été enclenché par...
Par quoi ?
Il y avait encore des taches noires qui obstruaient sa perception d'elle-même.

Ainsi Juno avait haussé les sourcils, comme interpellée par la réflexion de Laëstiel. N'était-elle pas comme ça, d'habitude ? Non, évidemment qu'elle ne l'était pas. Juno avait beaucoup plus confiance. Son alice s'était-il détraqué ? Que se passait-il ?

Elle avait secoué la tête.

« Peut-être, oui. »

Juno ne se sentait pas seule parfois. Elle se sentait toujours seule. Jamais en lien, jamais sur la même longueur d'onde, jamais parce qu'elle ne ressentait que trop peu, pratiquement rien. Elle existait sur un autre plan que les autres.

Ses blessures d'attachement, c'étaient de n'en avoir aucun.

« Je ne sais pas bien pourquoi ça me préoccupe plus que d'habitude, ceci dit. »

Elle haussa les épaules, termina sa seconde tasse avant de remettre en place ses cheveux attachés en un chignon lâche.

« En même temps, c'est difficile, tu sais ? Quand on est des personnes aussi exceptionnelles que nous, comment on fait pour se satisfaire des paysans ? »

Elle se mit à rire.

« Si on mérite le meilleur on se contente du moins pire pour ne pas être seule. »

Juno se fichait bien d'être hautaine, méprisante, médisante. En fait elle se fichait bien de la supériorité qu'elle affichait, tant que les autres pensaient toujours être à même de l'atteindre ; tant qu'ils avaient l'illusion de vivre dans le même monde qu'elle ils pouvaient toujours lui donner ce qu'elle voulait ; du pouvoir. Pourtant plus le temps passait plus elle ne s'en satisfaisait pas et Juno insatiable n'avait jamais été heureuse d'aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir. Elle jubilait parfois ; jouissait de plaisirs malsains qui n'appartenaient qu'à elle. Mais le bonheur était loin d'elle, loin de toute considération.

Et chaque joie qu'elle avait ressenti ressemblait à de fausses euphories. Juno poursuivait un but instable et flou dont les seules fondations étaient une haine profonde et jalouse. Comment trouver le bonheur dans tant de désolation ?

« Les autres ? »

Elle n'avait que faire des autres ! Ils pouvaient bien ramper devant elle, ramper plus bas encore qu'elle s'y essuie les pieds ! Elle n'avait que faire de leurs préoccupations minables, de leurs pathétiques complexes et de leurs angoisses. Elle était bien au-dessus de ces futilités écoeurantes. Elle était loin des autres, Juno. Elle avait d'autres desseins à accomplir.

En premier lieu, massacrer son père.

« Si tu le dis. »

Son âme était noire et pourrissait de haine. Mais ce n'était pas avec suffisance qu'on conquérait le coeur de Laëstiel ; c'était avec patience et compréhension, avec bonté même derrière les démons. Alors Juno devait bien faire semblant, et ces failles qu'elle faisait semblant de dissimuler pour mieux les mettre en lumière, c'étaient ça sa porte d'entrée parmi les trésors de son amie.

« Je suis trop dure, n'est-ce pas ? »

Elle haussa les épaules, comme résignée.
Ne croyez pas un seul instant que Juno se remette en question.

« Pour l'instant je me contenterai de me sentir un peu seule. Mais je travaillerai à être moins exigeante, un jour. »

Elle ricana.

« Toute cette agitation pour une seule soirée alors qu'on côtoie ces garçons tous les jours dans les mêmes couloirs. »

Risible.

« Il n'y a pas tant d'enjeux qu'on le croit. Et on en fait tant d'histoires, Magnolia, c'est ça qui me plaît dans ce genre d'événements. Ça rend cette académie un peu plus euphorique, un peu moins dramatique. »

Et c'était une occasion de gagner plus de pouvoir encore.

L'élégance s'était enfuie dans leur conversation, à priori, car malgré toutes les manières qu'elles y avaient mises, aller aux toilettes n'avait rien de majestueux - peu importe quels efforts elles fournissaient pour ça. Ainsi sur le chemin d'un pas sec, Juno avait suivi Laëstiel jusqu'aux toilettes, sans vraiment prêter attention à la beauté inquiétante de l'endroit - pas des toilettes, le temple.

« Avec quelques bougies, en pleine nuit, pourquoi pas. »

Et Juno organisatrice d'un tel événement ne pouvait qu'attirer la reconnaissance et les louanges : l'idée lui plaisait pas mal. Elle secoua la tête en signe d'approbation, avant de se tourner vers le premier miroir au-dessus des éviers des toilettes.

« Je t'attends. »

Elle ne s'encombrait pas vraiment de ce genre de pudeur avec Laëstiel. Et puis au moins être là lui permettait de remettre son chignon en place - elle n'aurait pas pu lui dire, que sa mèche à droite était inégalement détachée de la gauche ?

« Je dois avouer que l'idée du bal ne m'enchante pas. Ce n'est pas tant que mon cavalier me déplaise ou quoi que ce soit du genre, au contraire. »

Elle avait passé son doigt au bord de sa lèvre pour rectifier les traits de son gloss.

« Mais chaque année c'est la même chose. Je finis par briser le cœur de l'un ou de l'autre et c'est moi qui porte le rôle de la méchante, tout ça parce que je veux préserver ma pureté. »

Elle se racla la gorge. Ce n'était un mystère pour personne : Juno n'était pas vierge, et Laëstiel le savait bien. En revanche ses expériences avaient toutes été plus ou moins décevantes, ou en tous cas, elle n'avait jamais été satisfaite. Jusqu'à...

Elle toussa encore.

« Je n'ai pas envie de revivre le même drame chaque année, juste parce que je n'ai pas envie de me donner. »

Sexuellement ou émotionnellement, d'ailleurs.
Elle songea qu'il n'y avait que Laëstiel pour comprendre son drame. Elle, ce n'était même pas qu'elle n'avait pas envie..

« Quel duo on fait, pas vrai ? La frustrée et la frigide. Su-per. »

Elle ricana ; simplement parce qu'elle ne considérait pas ces appellations comme des appellations appropriées, et qu'il fallait bien décrédibiliser ses précédentes paroles.

« Cette image de moi-même ne me plaît pas. »

Elle ne parlait pas de son reflet, évidemment : elle était bien trop bonne.

« Je vais réfléchir à un plan d'attaque, mais on va changer ça. Fais-moi confiance. »

A contrario, l'idée d'être en robe blanche, dans le noir et éclairée seulement d'un chandelier en compagnie d'Agatha Windsor au Temple des fleurs avait quelque chose d'esthétique qui lui plaisait, à Juno.

Ne te sens pas forcée ; de quoi pensait-elle parler ? Est-ce qu'elle culpabilisait ? Certainement pas. S'était-elle seulement déjà forcée à quoi que ce soit ? Le problème n'était pas là. Elle accusait les autres ! Elle accusait leur frustration, elle accusait leurs accusations ! Elle les accusait tous de ne pas juste se laisser marcher dessus ; ils rendaient le travail inutilement compliqué alors qu'à la fin le résultat était toujours le même : elle finissait par gagner. En tous cas dans sa propre vision distordue de son monde malsain, elle gagnait.

Juno avait regardé au travers du miroir le reflet de son amie. Légèrement penchée au-dessus du robinet, elle laissa quelques secondes de silence passer avant de lui répondre.

« S'il y avait quelque chose à raconter.. »

Il y avait eu une fausse note dans sa voix. Depuis quand mentait-elle si mal ? Elle sembla soucieuse.

« Je t'appellerai le jour où j'aurai enfin pris mon pied, oui. »

Saloperie.
Elle s'était bien rattrapée, mais pas assez bien à son goût ; les souvenirs avaient des senteurs de fièvre marquées sur sa peau.

« Dis voir, Lae. Les bijoux de contrôle... Ils ne suffisent pas, pour toi ? »

Parfois elle se demandait vraiment à quoi ils servaient.

Juno n'avait pas la prétention de savoir ce que Laëstiel vivait. Elle pouvait imaginer, mais sa capacité d'empathie s'arrêtait là. Peut-être par égard, ou par respect, elle avait donc acquiescé en silence, d'un hochement de la tête. elle ne pouvait lui donner aucun conseil qui n'aurait pas été insultant, qui n'aurait pas insinué que Lae n'avait pas déjà tout essayé et que son drame n'était pas si légitime.

Alors elle n'avait rien dit, pourtant intimement convaincue qu'il devait bien y avoir une solution, mais qu'elle ne l'avait simplement pas trouvée, ou qu'elle avait choisi de ne pas l'essayer.

Réorganisant ses cheveux de ses doigts habiles, elle avait soupiré un peu lâchement, clôturant l'échange devant le miroir en tournant des talons.

« Bon, c'est pas tout ça.. »

Et se dirigea vers la sortie.

« Mais elles vont se demander ce qui prend autant de temps. »

En vérité, Juno s'en fichait bien. Seulement, c'était ainsi qu'elle gardait le contrôle de la conversation : elle en imposait le tempo. Et puis l'odeur des toilettes n'était pas son parfum de yankee candle préféré.

« Tu viens ? »

Rejoindre le monde hypocrite auquel j'appartiens.