Viscérale, sa rancœur empoisonne ses lèvres moqueuses de perfidies injustes. Vipère, Juno n'a de loyauté que dans le nom, maîtresse d'un royaume construit de toutes pièces, né de son immense frustration. De trahie à traîtresse, elle se proclame reine pour oublier que son roi à elle l'a mise à terre. Vindicative vengeresse de son propre honneur, elle se bat avec dignité et orgueil contre la honte et l'infinie détresse qui la guettent. Juno, dans sa grande emprise sur sa propre vie, n'a finalement le contrôle de rien, tout en voulant intimement se persuader du contraire, si bien qu'elle en persuade les autres. Sa colère s'abat dans une grâce froide, elle se fait porteuse d'une épée dont le tranchant aiguisé prend la forme de mots affûtés, trop précis et imbibés d'une acidité qui la caractérise. Imperturbable prêtresse de son propre dogme, ses convictions sont de béton et d'acier, construites sur des fondations malades et gangrenées de haine, que seul l'amour serait capable d'ébranler.

Juno n'est qu'un concentré de mensonges qui se font vérité, de faux et de semblants dont tous les travers, profondément vrais, rendent le théâtre criant d'honnêteté. C'est que Juno se croit si mauvaise qu'elle est devenue un monstre, convaincue par son propre reflet disloqué (maudit) de son irrationnelle vilenie, sans jamais penser qu'elle pouvait être quelqu'un sinon un démon.

Alors, comme la peste elle fuit les sentiments et autres sensibleries, comme repoussée par toutes les tendresses qui profondément viennent la chercher, réveiller en elle une Juno qu'elle a exilée parce que trop pathétique pour être assumée ; une Juno blessée qui a manqué de trop d'amour pour s'aimer elle-même. Elle se rend destructrice de tout ce qui est vrai et beau, par jalousie et envie, mais surtout par angoisse et instinct de survie.