Il se souvient des cloches qui rythmaient la vie à l’orphelinat.
Symphonie de carillons au réveil.
Quatre coups pour le dîner.
Douze, douce berceuse, pour le coucher.
Il se souvient des cloches, il se souvient d’avoir demandé souvent à Sister Cecilia de les faire sonner. Elle refusait en lui rappelant que ce n’est pas un jeu Kasey, tu devrais être dehors avec les autres garçons. Mais il préférait ces belles qui refusaient de chanter pour lui.
Il se souvient des frissons qui le parcouraient dès que les cloches retentissaient. Il arrêtait tout, levait la tête, et écoutait. Il se souvient avoir voulu que ce concert ne s’arrête jamais, qu’il l’emporte dans son envolée et l’arrache aux murs froids de l’orphelinat. Il se souvient avoir cru que si les cloches étaient assez fortes, elles fendraient le ciel et la terre et il la trouverait sa lumière au bout du tunnel.
Il se souvient du visage terrifié de Sister Cecilia quand les cloches se sont fait entendre en dehors de l’enceinte de l’orphelinat. Et lui, à l’épicentre du désastre.
○
L’Académie ouvre ses portes sur un petit garçon terrifié. Il porte une mallette à la main, légère comme une plume. On la lui avait remise au dernier instant, en pensant qu’il se sentirait moins vulnérable s’il avait quelque chose qui lui appartenait. Un petit souvenir. Un point d’origine, un départ.
Un rite de passage botché.
Le petit Kasey est envahie par une certitude profonde qui déplairait à Sister Cecilia : il n’y a pas de lumière au bout du tunnel, tout n’est qu’éternel recommencement.
Et les cloches continueront à sonner à Glasgow.
○
+ Kasey s’est relativement bien adapté à la vie à l’Académie ; se retrouver avec d’autres enfants dans un même établissement n’était pas si différent de l’orphelinat
+ Mais le fonctionnement des rangs l’a rendu plus craintif et prudent ; ça en a fait un enfant plutôt sérieux, terrorisé par l'idée de perdre une étoile
+ Mais à l’adolescence il commence à se décoincer un peu. Il blâme les hormones pour les
quelques conneries qu’il a commises à cet âge
+ Ça lui a quand même permis de se faire quelques ami.e.s plutôt que de rester dans son coin à lire de la poésie et ça il en est satisfait
○
— Tu vas faire quoi Kasey après le lycée ?
Il grimace, incertain. Ses deux amis le regardent. Kasey a toujours quelque chose à répondre. Mais cette fois, c’est le vide.
— Je sais pas trop… Mon alice est pas… super utile pour un domaine en particulier. Vous me verriez en quoi vous ?
Kasey qui demande l’opinion d’autrui ? L’occasion est trop belle, ils s’enflamment :
— Le programme militaire ! T’imagine ? Ils pourraient développer une arme sonore avec ton alice. Ça permettrait de paralyser des villes entières !
— Eh… j’ai pas trop envie de devenir une arme de guerre…
— Oh je sais ! Tu devrais aller en art, apprendre des techniques de scène. Et après tu pourras suivre des DJ et amplifier leur show !
— Vous me prenez pour un stéréo ?!
Kasey s’énerve, les rires éclatent, mais le principal concerné n’entend pas à rire.
C’est ainsi qu’il a décidé que la voie la plus safe était la politique
— C’est pour amplifier les voix qui méritent d’être entendues ? Wooow, tellement poétique, c’est tout à fait toi.
— Shut up !