Quel est la preuve que nous naissons ?

Des photos ? -ça se déchire
Des témoins ? -ça peut mentir
Des souvenirs ? -ça se réécrit.

Les parents sont flous devant ses yeux, les racines sont mortes avant qu’elle puisse les comprendre.

Ainsi, elle est jamais née. La belle affaire.

Elle se rappelle d’une voix sirupeuse. Une voix qui fredonnait l’acte final d’un Requiem. Une main chaude sur son front.

“Petite abeille”
Si elle était si petite, pourquoi aucun adulte n’a été son protecteur ?

Le monsieur qui l’avait prit des bras conciliants de sa mère a pleuré. La mère a pleuré aussi, la mer était en berne, les vagues étaient plates.

La porte claque sur deux silhouettes froides. “C’est mieux comme ça”, disait-ils.

Les hurlements n’ont rien changé. Elle savait déjà que ça serait sans retour.



Elle a adoptée cette académie, comme on adopte un pays. Pleinement, rejetant tout ce qui pouvait nuire à ça. C’était sa façon de supporter le deuil, sa façon de parler. Le temps a glissé doucement, le temps lui a donné des déceptions, des rires feutrés qu’elle ne comprenait pas. Des gestes, des mots, des regards, tout était incompréhensible pour elle.
Elle a oubliée ses parents, elle les a foulée au pied. -Les reines abeilles ne naissent pas-.

Alors, elle a grandie. On est bien obligé de grandir. Son Alice lui donnait l’illusion du groupe, ces gens qui se pressaient contre elle à ses rires, qui pleurait à ses larmes. Des milliers de travailleuses, qui grouillaient dans tout les sens. Elle les aimait, mais ne voulait pas s’en approcher. Elle n’y arrivait pas.

Alors, elle a tout donnée à l’académie. Son parent froid et silencieux, celui qui le contemple de ses murs hauts et de ses fenêtres vides. Elle a donnée ses espoirs, son travail, son intelligence, son temps. Tout, pour être la meilleure, tout pour recevoir une affection. Quelque chose, n’importe quoi. Le monde extérieur ne voulait pas d’elle, le monde extérieur était effrayant. Le monde intérieur était inconnu et froid. Tout lui échappait. Alors, elle voulait une affection. La caresse sur sa tête d’un père perdant. Les notes positives s’accumulent, les places de délégués aussi. Les médailles imaginaires sont trop nombreuses sur le mur, pour en suspendre plus.



Elle a quittée l’enfance, mit un pied en dehors de l’adolescence. Voici que son avenir est déjà entre ses doigts, un avenir brillant. Un avenir qui aurait dû tant lui faire plaisir. Pourquoi se sent elle vide ?



A défaut d’être née, a t-elle déjà vécue ?

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